Lever de rideau

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Quand élégance et taquinerie se mêlent

Comme il est d’usage lorsque le Festival d’Ambronay s’invite à l’Auditorium de Lyon, une partie du public a droit à un petit concert en « lever de rideau », en la salle Proton de la Chapelle. Cette mise en bouche est l’occasion de découvrir un des jeunes ensembles accompagnés par le programme eeemerging. Ce soir, carte blanche est confiée à l’ensemble allemand 4 Times Baroque.

Les quatre élégants jeunes hommes débutent par l’Ouverture de l’opéra Rinaldo de Georg Friedrich Haendel (1685-1759). L’acoustique de la salle n’est sans doute pas flatteuse, l’oreille de l’auditeur et le jeu des musiciens devant s’habituer à sa sécheresse. Néanmoins, à part quelques accents un peu trop secs, l’ensemble trouve très rapidement son équilibre et, grâce à une direction de phrasés sûre, emmène aisément le public dans leur univers. La Sonate en trio de Pierre Prowo (1697-1757) se fait d’abord tempétueuse, avec des accents et des contrastes affirmés. Outre la bravoure séduisante de son premier mouvement, l’ensemble montre une belle cohésion, notamment par les sourires et les regards qui trahissent leur complicité musicale. Le beau et touchant mouvement lent est agréablement intriguant par ses énigmatiques pizzicati du violoniste Jonas Zschenderlein qui répondent au doux chant de la flûte à bec de Jan Nigges. La fin du troisième mouvement a des allures de musette, surprenante par ses accords gras. Les instrumentistes prennent assurément un malin plaisir à user de ces quelques effets, un rien spectaculaires mais tout à fait cohérents dans leur discours.

Dans la Sonate en trio de Haendel, l’ensemble se montre d’une très belle sensibilité. L’acoustique de la salle ne pardonne rien et laisse entendre quelques petites imperfection de démanché et de son, mais les intentions et les couleurs de la musique sont intactes et très belles. Celles proposées par le chant nostalgique du flûtiste Jan Nigges dans le troisième mouvement Largo est superbe, mais il faudrait qu’elles soient encore plus abouties et assurées par l’ensemble pour suspendre véritablement le temps. Le Concerto pour flûte La Notte d’Antonio Vivaldi (1678-1741) marque par sa musique imagée. On sent dans le premier mouvement comme une sorte d’appréhension de la forte tempête qui suit ; après un tendre moment sous un abri rassurant, la course reprend à la recherche d’un autre refuge. Le mouvement central propose un belle nuance piano, qui pourrait toutefois gagner en assurance sans porter atteinte à sa couleur. Le dernier mouvement fait de nouveau entendre une course nerveuse et virtuose, aux effets contrastés, évocateurs et assumés.

Le programme se termine par l’amusante et courte Chaconne de Tarquinio Merula (1595-1665), que l’on connaît également en air pour soprane Su la cetra amorosa. C’est justement en chantant qu’introduisent les quatre musiciens la basse obstinée, que le violoncelliste Karl Michael Simko et le claveciniste Alexander von Heissen reprennent avec leurs instruments, dans une attitude bondissante et même dansante. Cette énergie est amplement suffisante pour inviter Jan Nigges et Jonas Zschenderlein à oser de taquins effets, pour leur plaisir et celui du public, absolument séduit par ce petit mais plaisant concert.



Publié le 27 sept. 2018 par Emmanuel Deroeux