Jazz & Baroque - Ferlet & Cochard

Jazz & Baroque - Ferlet & Cochard ©Bertrand Pichène CCR Ambronay
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Rencontre étonnante entre le piano Jazz et le clavecin Baroque

Pour clore son week-end de rencontres insolites, notamment à l’occasion des Journées européennes du Patrimoine, le Festival d’Ambronay propose de découvrir un mariage intriguant entre deux instruments aux univers différents, le piano Jazz et la clavecin Baroque, grâce au duo formé par Violaine Cochard et Edouard Ferlet.

En 2012, la productrice à France Musique Arièle Buteaux invite la claveciniste Violaine Cochard et le pianiste Edouard Ferlet pour parler chacun de leur récent projet autour de Jean-Sébastien Bach. Elle a alors l’idée originale, non de confronter les deux instruments et les deux interprétations de l’œuvre du grand compositeur baroque, de susciter un mariage. Si les deux musiciens ne se connaissaient alors pas, ils vont commencer ensemble une aventure musicale qui n’a pas cessé jusqu’alors. C’est en cette fin d’après-midi dominicale que le public du Festival d’Ambronay, en la salle des fêtes du village, peut entendre cette réunion aussi intrigante qu’intéressante, notamment grâce à la musique de Bach.

Tout d’abord, c’est le mariage des timbres des deux instruments qui étonne et qui semble même être inédit. Si la différence de puissance sonore du clavecin reste insuffisante face à celui du piano, nécessitant alors une sonorisation, Edouard Ferlet se sert de ce qui peut sembler un obstacle pour au contraire en faire un véritable outil dans ses arrangements. Car loin d’entendre des interprétations de l’œuvre de Bach, ce sont plutôt des œuvres inspirées de son répertoire, de ses mélodies et de sa musique même, au-delà des exercices d’harmonie ou de contrepoint. Il est connu et reconnu que la musique de Bach est si profonde et bien faite qu’elle possède le pouvoir d’être revisitée sans en perdre sa profondeur, à condition bien sûr que les musiciens soient sincères et authentiques dans leur démarche. Et justement, Edouard Ferlet et Violaine Cochard semblent avoir une réelle passion pour cette musique et une véritable compréhension pour pouvoir se la réapproprier.

Le jeu sur les différents timbres semble donc une première manière de se réapproprier les œuvres baroques, Edouard Ferlet n’hésitant pas à aller frotter les cordes de son piano pour produire des sons proches d’un chœur grâce à l’aide de son ingénieur du son, créant une atmosphère mystérieuse à Miss Magdalena d’après le Prélude BWV 846. Dans l’œuvre suivante, Entre-écorce d’après l’Allegro de la Sonate pour clavecin BWV 964, on entend comme un jeu de réponse entre les deux instruments, mettant en valeur deux gestes instrumentaux très différents qui, pourtant et étonnamment, se rejoignent dans les gestes musicaux. Avec notamment la Danse de profil d’après la Danse de Travers n°2 d’Erik Satie, ce sont au contraire les timbres à l’unisson qui interpellent, particulièrement touchants dans les doublements homorythmiques des mélodies. Le clavecin aussi fait entendre des sonorités différentes, comme le jeu a una corda qui fait penser au son d’un luth, sec mais légèrement adouci par la réverbération de la sonorisation.

En s’inspirant des mélodies et des rythmes des sujets, Edouard Ferlet propose des versions aux harmonies jazz mais à la transformation musicale souvent proche d’une musique répétitive, suggérant des univers nouveaux. Cela offre fréquemment l’opportunité pour les deux musiciens d’improviser tout en gardant une structure très claire sans risque d’ennuyer les auditeurs, surtout s’ils sont peu habitués aux longues improvisations de Jazz. On peut citer l’arrangement réussi de Aparté, une variation autour du Clavier bien tempéré. Edouard Ferlet partage aussi deux de ses propres compositions, qui s’intègrent naturellement au programme, dont notamment son Magnetic Tango, langoureux et laissant libre cours à l’imagination justement dosée des deux musiciens.

Le public s’en montre conquis et en redemande, ayant ainsi droit à deux bis, dont une revisite de la fameuse danse d’un compositeur français du XVIIIe siècle dont le titre est aussi évocateur que l’est la musique, Les cinq sauvages.

Ce concert est à (re)découvrir sur Culturebox – France Télévisions jusqu’au 20 septembre 2022 en cliquant ici.



Publié le 26 sept. 2021 par Emmanuel Deroeux