L'art des castrats - Vistoli

L'art des castrats - Vistoli ©
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Cantates profanes

La salle Cortot, par ses dimensions réduites, constitue un écrin parfait pour ce programme de cantates profanes, destinées aux salons des palais italiens, tout comme le choix d’un accompagnement qui se limite au continuo, comme probablement c’était généralement le cas. Il n’en demeure pas moins que ce programme est particulièrement exigeant et qu’il faut beaucoup de vaillance, et un peu d’audace, pour l’affronter dans une salle dans laquelle les spectateurs sont très proches, dont l’excellente acoustique permet de tout entendre et avec une formation dont l’ampleur limitée expose le chanteur davantage qu’un ensemble d’instrumentistes plus important.

Carlo Vistoli est l’interprète idéal de ce répertoire. La voix est une des plus belles qui se puissent entendre actuellement et elle est d’une homogénéité remarquable sur l’ensemble de la tessiture. Aux graves naturels s’ajoutent désormais des aigus clairs, percutants et tout aussi naturels. D’une précision remarquable, le chant sait se couler dans l’interprétation de l’amour profane, du désir, de la séduction, du dépit, du désespoir… A un cantabile parfaitement maîtrisé et expressif, succèdent des vocalises virtuoses, précises et qui conservent la profondeur de l’interprétation. L’extrême exigence de l’interprète est perceptible, comme l’est l’impressionnante longueur de souffle. Le Pianti, sospiri de Vivaldi qui conclut le programme illustre parfaitement ces qualités, qui assument la virtuosité sans omettre l’incarnation.

Au cœur de ce programme se loge la pépite que constitue La Lucrezia. L’histoire de cette femme qui crie vengeance et finit par se suicider suite à un viol. Véritable chef d’œuvre, cette cantate alterne des moments tristes et doux et des explosions de colère. Elle comporte des intervalles impressionnants qui demandent beaucoup à l’interprète. Carlo Vistoli y a été particulièrement bouleversant, rendant à merveille la progression dramatique de la cantate dont il fait une œuvre lyrique à part entière.

Le concours de Le Stagioni est un ingrédient essentiel de la réussite de cette belle soirée. Les trois instrumentistes accompagnent Carlo Vistoli dans la moindre de ses intentions et leur grande maîtrise technique sert avec talent ce répertoire. L’interprétation de la sonate de Geminiani était un moment particulièrement beau.

En bis, Carlo Vistoli offrira, avec m’a-t-il semblé un clin d’œil à l’enthousiasme un peu trop débordant de certains spectateurs, une reprise partielle de Ninfe e pastori.

Ce programme a été enregistré par ces mêmes artistes et sera disponible au disque à compter du 8 avril prochain (La Música).



Publié le 10 mars 2022 par Jean-Luc Izard