Avi Avital - Vivaldi, Paisiello,...

Avi Avital - Vivaldi, Paisiello,... ©Jérôme Prébois - Festival Paris Mezzo
Afficher les détails
Et la mandoline devint phénomène

C’est peu de dire que ce concert se déroulait devant un public conquis d’avance, bien décidé à consacrer Avi Avital avec cœur et enthousiasme, enthousiasme qui le conduira à applaudir presque systématiquement entre les mouvements, manquements à l’étiquette qui seront accueillis avec plaisir tant par l’orchestre et son directeur que par les solistes.

L’Academy of Ancient Music délivre une très belle prestation. L’ouverture du programme avec la Senna Festiggiante est toutefois un peu poussive et l’ensemble sonne très sec, étroit, peu généreux. Tout s’arrange dès le Concerto pour mandoline en do majeur qui suit malgré, au premier mouvement, un flagrant décalage entre Avi Avital et le pourtant remarquable violoncelle. Pour la suite du programme, cet orchestre en petite formation nous a réjoui l’oreille tant par son enthousiasme que par son soin et son attention extrêmes portés aux détails et aux équilibres avec les solistes.

Le phénomène, c’est bien sûr Avi Avital. Concentré, expressif, tout en aisance, il module le Concerto en do majeur avec maestria, avec une évidente facilité. Le concerto de Paisiello est une vraie découverte, dans laquelle on le sent un peu moins rôdé, plus appliqué, plus en danger peut être. Mais ici encore, il fait montre d’une belle dextérité, déjoue les pièges de l’interprétation et sait donner une âme à des mouvements très diversifiés (allegro maestoso – larghetto grazioso – allegretto), apportant une musicalité impeccable à des moments de virtuosité extrême (premier et troisième mouvements) comme à des instants de gracieuse élégie (second mouvement).

Après l’entracte, le concert reprend avec un Concerto pour flute à bec interprété par Rachel Brown. Le premier mouvement en est ennuyeux et un peu fastidieux. Puis, comme si une libération était intervenue, le reste de son interprétation sera magistrale. De même dans le beau Double concerto avec Avi Avital qui suit, la flûtiste est parfois étouffée par le mandoliniste, comme éteinte, et s’ensuivent quelques problèmes de justesse notamment sur les notes tenues.

Camille Poul rencontrera aussi des difficultés dans La biondina..., dans laquelle elle est un peu surpassée par le splendide travail d’Avi Avital et parait donc trop appliquée, un peu scolaire, peinant à se détacher de sa partition et laissant la mandoline porter toute l’émotion de cette superbe aria. Elle sera infiniment plus émouvante et convaincante lorsque, sans Avi Avital, elle interprètera avec brio un air d’opéra de Vivaldi non inscrit au programme et dont on me dit qu’il est tiré du Giustino mais que je n’ai pas identifié.

Fin du programme avec l’Eté qui est somptueusement interprété par Avi Avital et qui nous amène vers les cimes. D’autant plus remarquable qu’Avital nous fait oublier qu’il s’agit là d’une « scie » et nous transporte dans des paysages brulés de soleil, cinglés par des orages violents et des pluies soudaines pour nous ramener soudain à l’ombre rafraichissante et reposante des grands arbres. Du grand Art !

Et devant une salle conquise (et debout), en bis, le largo du Concerto en ré majeur et surtout, l’époustouflant Bucimis, désormais habituel dans les concerts d’Avital, mais ô combien difficile et enthousiasmant.

Publié le 25 juin 2016 par Jean-Luc Izard