Bach, le rêve italien - Le Concert de l’Hostel Dieu

Bach, le rêve italien - Le Concert de l’Hostel Dieu ©J. Combier
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Bach et les Italiens

Pour clore ce week-end de découverte autour de Jean-Sébastien Bach (1685-1750), l’ensemble lyonnais Le Concert de l’Hostel Dieu et son directeur artistique Franck Emmanuel Comte proposent un programme autour des compositeurs italiens ayant inspirés Bach, tels Antonio Vivaldi (1678-1741) ou Tomaso Giovanni Albinoni (1671-1751), et les contemporains et compatriotes ayant eux-aussi été influencés par ce style vivant, intense et coloré, tels Georg Friedrich Haendel (1685-1759) ou Johann David Heinichen (1683-1729).

Sur le parvis de l’église Saint-Bruno-des-Chartreux, les spectateurs sont accueillis agréablement par un ensemble traditionnel de trois percussions menées par un joueur de piccolo, qui jouent des œuvres revisitées de Bach. Ce petit concert terminé, le public, déjà ravi, est invité à rentrer pour assister au concert annoncé.

L’unique mouvement du Double concerto pour hautbois et violon de Johann David Heinichen pâtit d’abord de l’acoustique de l’église, avec des basses très présentes qui noient le son dans le volume de l’édifice. Toutefois, au fil de l’œuvre, les oreilles de spectateurs s’habituent et, surtout, les musiciens équilibrent leur jeu. Les auditeurs peuvent alors apprécier les accents et les contrastes vifs, impulsés par la direction énergique de Franck Emmanuel Comte, depuis son clavecin. Après une Sinfonia toute en intériorité de Jean-Sébastien Bach, l’ensemble se lance dans le premier mouvement Allegro du Concerto pour cordes en sol mineur d’Antonio Vivaldi. Introduit par une première exposition du thème, espiègle et amusant, accompagné de pizzicatti et mezzo-piano, les violons exposent de nouveau le thème avec enjouement, entremêlant leurs voix. Les regards complices des instrumentistes les invitent mutuelle à user de leur belle palette de nuances. L’Adagio, sur une basse qui avance, les violons jouent doucement autour des harmonies. Les basses sont sans doute malheureusement un peu trop présentes et le tempo un peu trop rapide pour apprécier les subtilités harmoniques de ce trop court et pourtant si beau mouvement. L’Allegro finale ne manque pas non plus de caractère, avec une aisance apparente qui rend une œuvre si appréciable.

Dans le Concerto à cinq pour hautbois et cordes de Tomaso Albinoni, on peut admirer la belle synchronisation des archets des deux violons (sauf très rares exceptions sur quelques ornements rapides), prouvant les intentions communes et la bonne préparation musicale et technique. Après un dansant premier mouvement, place au chant du hautbois dans l’Adagio. Encore une fois, l’accompagnement des cordes, et surtout des basses, parait trop actif ; leur mouvement est très appréciable mais il est difficile d’apprécier toutes les couleurs proposées par le hautbois soliste. Ainsi, il paraît à la fois étrangère à cet accompagnement sans être toutefois suffisamment en dehors. Peut-être l’instrument d’Elisabeth Passot manque-t-il de brillance ?

Suit La Folia de Vivaldi, superbe sonate en variations où l’ensemble peut faire valoir toutes ses qualités : contrastes, précision, rythme, ou moments plus chantés. D’efficaces crescendi produisent des effets accentués par d’autres contrastes plein de caractère. La violoncelliste Aude Walker-Viry se montre parfois fougueux mais, dans ces parties, on l’aimerait davantage soliste. Car le soliste reste indéniablement le premier violon Reynier Guerrero. Soliste, il l’est par son son, par sa présence et par sa gestuelle. Il serait tellement superbe que tous les instrumentistes de l’ensemble aient cette assurance afin d’avoir un son d’ensemble et une musicalité plus homogène... Les variations de cette Folia semblent ne jamais cesser, pour le plus grand plaisir du public, qui applaudit chaleureusement, l’œuvre terminée.

Le concert de ce dimanche après-midi se termine par le Double concerto pour violon et hautbois de Bach. Dès les premières mesures de l’œuvre, on entends le génie et la qualité de l’écriture de ce compositeur. Certainement, Le Concert de l’Hostel Dieu sait le mettre en avant la superbe élaboration de la partition, qui sonne vraiment très bien. Le deuxième mouvement passé, sans lourdeur, l’ensemble joue avec fougue le dernier mouvement. La vivacité est telle que Reynier Guerrero en casse sa corde de la, heureusement vite dépanné du violon de son collègue. Cela ne l’empêche pas d’être toujours aussi vif, accentuant un certain décalage avec deux ou trois autres musiciens, qui ne semblent pas partager le même besoin de communiquer physiquement ce plaisir de jouer. Car la qualité d’un concert s’apprécie aussi par la vue et l’attitude des musiciens…

Le public n’en est pas moins ravi et applaudit chaleureusement Franck Emmanuel Comte et son ensemble. C’est alors que l’ensemble traditionnel se fait entendre du fond de l’église et vient rejoindre la scène pour jouer avec eux une version inhabituelle, voire surprenante, de l’air de la Suite n°3 BWV 1068 de Bach, avec un solo jazzy du piccolo. Amusés autant que le public, les instrumentistes continuent avec la Badinerie de la Suite n°2 BWV 1067. Les percussions résonnent dans l’église, couvrant les instruments et mélangeant les sons et les rythmes, mais l’effet reste très sympathique, le public participant aussi à cette fin conviviale en frappant des mains.



Publié le 23 oct. 2017 par Emmanuel Deroeux