La Biche ensorcelée - D'après Bach

La Biche ensorcelée - D'après Bach ©
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Contes et poésies, rigueur et fantaisie

Spécialistes de la musique du baroque italien, les trois musiciens membres de L’Escadron volant de la Reine font escale au festival Bach-en-Combrailles. Dans le tout jeune théâtre Hélios de Mérinchal – ancienne grange joliment rénovée au bord d’un ravissant étang –, ils présentent cette après-midi un conte musical, traduction française de Françoise Decroisette d’un des contes napolitains réunis par Giambattista Basile en un recueil édité en 1634 : Lo conto de li cunti overo lo Trattenemiento de peccerille (Le conte des contes ou le Divertissement des petits enfants). L’histoire est celle de deux demi-frères quasi-jumeaux, conçus grâce à la magie et qui, par aventures, sont douloureusement séparés puis joyeusement réunis. Pour illustrer musicalement ce conte, le trio propose plusieurs œuvres originales et de transcriptions d’œuvres de Jean-Sébastien Bach (1685-1750).

Alors que le claveciniste Clément Goeffroy accorde une dernière fois son instrument, la violoniste Josèphe Cottet n’hésite pas à prendre la parole et, par son humour et sa sympathie communicative, créer de suite une relation conviviale et détendue avec le public. C’est également dès l’introduction instrumentale que l’on sent une belle et joyeuse énergie émaner de l’ensemble, dont les gestes et les regards trahissent une complicité qui ne peut que s’entendre. Les trois musiciens interprètent les différents extraits d’œuvres avec une réelle exigence musicale, dont on sent la recherche de couleurs et de reliefs. Ces intermèdes musicaux ne se veulent pas seulement être des illustrations figuratives aux propos des trois musiciens-conteurs mais très certainement des évocations, laissant plus libre cours aux imaginaires de chacun. Malgré la canicule, dont souffrent particulièrement les instruments à cordes, surtout ceux anciens, les instrumentistes portent un soin redoutable à la justesse, n’hésitant toutefois pas à prendre le temps de se réaccorder.

Il faut saluer également les talents de récitants de l’Escadron, voire de comédiens car ils n’hésitent pas à agrémenter leur conte de petits gestes et mimiques parfois horripilantes. Le texte en prose, bien qu’étant une traduction du dialecte napolitain, est également rempli de savoureuses subtilités et images poétiques. L’auditeur retiendra certainement quelques passages, tel le déchirant adieu de Canneloro à son frère Fonzo par la viole de gambe d’Antoine Touche, expressivement moëlleuse de son et de musique ou admirablement virtuose lors de l’emprisonnement de Canneloro par le malicieux ogre ; le toucher sautillant et plein de vie de Clément Geoffroy ; l’assurance agile de Josèphe Cottet. Il est sans doute dommage que les extraits soient un peu trop longs pour convenir à un jeune public.

Farceur, le trio avait certes promis un programme entièrement dédié à J.S. Bach mais n’a pu s’empêcher (de leur propre aveu) d’y glisser deux œuvres qui ne lui appartiennent pas : l’œuvre finale est de Jean-Chrétien Bach (1735-1782) et le moment du feu dans la grotte est illustré par le premier mouvement d’une Sonate en trio d’Antonio Vivaldi (1678-1741). Sous les chauds applaudissements du public conquis, les instrumentistes offrent en bis les deux autres mouvements de ce trio, y manifestant indéniablement leur aisance dans ce répertoire.



Publié le 09 août 2018 par Emmanuel Deroeux