Orgue - Droy

Orgue - Droy ©Antoine Thiallier
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L’inspiration italienne de Bach

Depuis 1998, le festival Bach en Combrailles fait vivre, grâce à une équipe de passionnés aimant sans cesse relever des défis, le territoire des Combrailles, pays rural de l’Auvergne. Comme l’œuvre de Jean-Sébastien Bach, les véritables richesses dépassent les premiers abords, même si ceux-ci ne manquent pas de charme. C’est ainsi que Bach et les Combrailles se rencontrent, une sorte d’amitié sincère pour lequel le festival peut se targuer sans prétention d’être le premier festival Bach de France. Soucieux de proposer une programmation de qualité et fidèle au compositeur, il a été très tôt question de construire un orgue dans l’église de Pontaumur, quartier général du festival. C’est l’idée de restituer l’orgue d’Arnstadt, premier instrument sur lequel a exercé professionnellement le jeune Bach, alors âgé de seulement 18 ans. C’est ainsi que trône majestueusement cet impressionnant orgue baroque, œuvre du facteur François Delhumeau.

Comme il est d’usage, il est proposé tous les jours à midi une audition gratuite de l’orgue par un organiste chaque fois différents. Aujourd’hui, c’est l’organiste Alexis Droy qui est invité pour l’audition méridienne de ce deuxième jour de festival. Organiste titulaire du grand-orgue de la cathédrale de Moulins, il propose un court programme mettant en évidence quelques œuvres aux inspirations italiennes de Bach et de ses prédécesseurs.

Le programme débute par le Balletto del Granduca de Jan Pieterszoon Sweelinck, harmonisation d’une chanson populaire sur laquelle le compositeur hollandais fait ensuite des variations. Alexis Droy propose un thème tout en légèreté avec un toucher très clair. On peut ainsi distinguer et apprécier les différentes parties, avec une voix principale agile et joueuse bien mise en avant, et deux voix accompagnatrices stables. En petite touche insolite, l’organiste utilise pour la variation finale un jeu tout à fait particulier, voire certainement quasi-unique en France, qui est une étoile dorée qui, en tournant, fait tinter des cloches.

Antonio Vivaldi a non seulement inspiré Bach, qui a adapté plusieurs de ses concerti pour grand orgue ; son cousin Johann Gottfried Walther l’a été également. C’est l’une de ses adaptations, le Concert en si mineur qui est offert ce midi. Le premier mouvement Allegro est proposé dans un tempo tout à fait raisonnable, peut-être même un peu trop, ne lui donnant pas le côté exubérant que l’on pourrait attendre d’un concerto italien. Avec ce tempo et la façon de marquer certains rythmes, on pourrait presque croire, à certains moments, que l’adaptation est d’une musique française. Néanmoins, l’interprétation avance bien et les couplets de cette forme rondo ne manquent pas d’un caractère qui leur est propre. Le mouvement Adagio fait entendre des choix de jeux intéressants et variés, notamment par l’utilisation du tremblant. On pourrait regretter que le discours global paraisse un peu statique, la direction musicale manquant d’un souffle qui aiderait à la parfaite compréhension des phrasés, particulièrement dans les parties d’accompagnement. Le mouvement final se fait festif, encore une fois grâce au fin talent d’Alexis Droy a dompté son instrument et à en faire sortir des timbres, par l’intelligent mélange des jeux, subtils et divers. C’est même ainsi que l’expressivité de l’organiste se fait particulièrement, outre la propreté de son toucher. Il manquerait alors peut-être, encore une fois, ce souffle qui emporterait l’auditeur dans les flots de la virtuosité de la musique italienne. Sans aucun doute, les talents du musicien pourraient le pousser à prendre davantage de risque.

L’audition se termine par un monument de l’œuvre pour orgue de Bach, la Passacaille et thème fugué BWV 582, véritable œuvre de bravoure et d’endurance qui, malgré toute cette science de l’harmonie et du contrepoint ne fait néanmoins pas défaut d’une grande beauté. Sur cette terrible basse obstinée, qui résonne durant 20 variations et une fugue comme un fatum implacable, Alexis Droy démontre toujours son talent de « cuisinier », proposant des saveurs et des mélanges de saveurs grâce aux différents jeux de l’orgue. La clarté de son toucher permet de distinguer agréablement chaque partie, ainsi qu’un grand et long crescendo progressif qui donne une cohérence globale très appréciable. Peut-être cette interprétation très propre manque alors d’une légère touche de folie qui ferait croire à une improvisation. Mais la diversité des jeux, cependant toujours cohérents d’une variation à une autre, empêche tout ennui, proposant toujours quelque chose de nouveau. Finalement, on se laisse tout simplement emporter par le flot des sons et des harmonies qui, loin d’écraser l’auditeur, l’enveloppe agréablement.

En bis, l’organiste offre une autre passacaille, non moins connue et agile mais d’un autre compositeur, la Passacaille en sol mineur HWV 432 de Georg Friedrich Haendel, pour lequel le public ne s’en montre pas moins reconnaissant.



Publié le 15 août 2021 par Emmanuel Deroeux