10ème Concours Cesti - Innsbruck 2019

10ème Concours Cesti - Innsbruck 2019 ©Die Fotografen : Grace Durham, lauréate
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Pépinière de jeunes talents

2019 correspond à la dixième édition du Concours de Jeunes Voix Baroques d'Innsbruck, devenu un moment phare des Festwochen für Alte Musik (Festival de Musique Ancienne). Cette compétition n'a pas pris le nom de Pietro-Antonio (ou Marc'Antonio) Cesti par hasard. Le grand compositeur d'opéra toscan (1623-1669) fut en effet maître de chapelle auprès de l'archiduc Ferdinand de Habsbourg, et c'est dans la capitale du Tyrol que virent le jour ses titres les plus fameux, l'Argia et l'Orontea. Sa Dori est par ailleurs remontée cet été an Landestheater.

Des lauréats de la décennie écoulée ont entamé des carrières prometteuses, certains sont même devenus des valeurs confirmées. Citons : Emöke Baráth, Fernando Guimarães, Emilie Renard, Rupert Charlesworth, Daniela Skorka, Konstantin Derri, Anthea Pichanick, Ariana Vendittelli (lire notre chronique Merope), Sophie Rennert, Morgan Pearse, Éléonore Pancrazi, Cameron Shahbazi, Mariamielle Lamagat... Cette année, sept femmes – cinq sopranos, deux mezzo-sopranos – et trois hommes – une basse, un baryton-basse, un sopraniste – auront tenté de séduire un jury de huit membres présidé par Michael Fichtenholz , patron de l'Opernhaus Zürich.

La soirée se déroule, en quelque sorte, en deux mi-temps. Chaque finaliste dispose de deux occasions de gagner, une dans chaque. Cette année, les airs sélectionnés honorent alternativement l'inusable Georg-Friedrich Händel et Alessandro Melani (1639-703) ; pour ce dernier, tous sont tirés de l'Empio punito (Rome, 1669), première mouture d'un Don Giovanni que Christophe Rousset remit en selle voici quinze ans à Leipzig, Montpellier et Beaune. Une page d'Antonio Vivaldi et une autre de Johann-Adolf Hasse complètent le programme.

C'est probablement ce Hasse qui a emporté le choix du jury (que nous partageons pleinement) envers la Britannique Grace Durham. Non que son Acrimante de Melani lui soit inférieure, loin de là, mais il ne fait aucun doute que le Son qual misera colomba entonné par Cleofide dans l'opéra éponyme est un choix culotté et payant ; d'autant que la candidate a la chance de clôturer la série d'auditions. Cette jeune femme de trente printemps arbore déjà un petit pedigree : elle a été primée au concours Jeunes Espoirs de l'Opéra Grand Avignon en 2015, ainsi qu'au Maureen Lehane Vocal Awards la même année, et au Bruce Millar Gulliver Prize en 2016. En outre, loin de se limiter au répertoire baroque, elle a raflé le Grand Prix de l’Académie Internationale de Musique Maurice Ravel, ce qui lui a permis de se produire lors des Journées de Montfort l'Amaury. Elle chante également Bach, Janaček, Mahler, Duruflé, Berlioz, Wolf, Poulenc et Escaich – excusez du peu.

De fait, rien ne semble lui manquer (voir et écouter sa performance ici). Ni le placement de la respiration (et le souffle qui va avec), ni la souplesse de la vocalisation, ni la netteté des attaques, ni la qualité de la projection, ni l'énergie, ni le rayonnement. Le timbre est très agréable, le maintien sur scène tout à fait professionnel. Et si l'aigu est encore un peu « vert », c'est péché de jeunesse. Cerise sur le gâteau, l'air est précédé d'un récitatif accompagné absolument parfait dénotant un vrai métier théâtral. Certes, le tempo choisi par Mariangiola Martello demeure prudent, mais il fait peu de doute que Durham saura un jour nous étourdir de vocalises en rafale à la Hallenberg ou à la Genaux.


de gauche à droite : Dioklea Hoxha (2ème prix), Grace Durham (1er prix) et Theodora Raftis (3ème prix)

La présence sur le podium de l'exquise Chypriote Theodora Raftis (27 ans) est également justifiée, tandis que le charisme de l'Autrichienne Miriam Kutrowatz (22 ans) légitime ses deux prix, du Public et des Jeunes Talents. En revanche, il est dommage que n'y ait pris place le fringant baryton-basse allemand Yannick Debus (28 ans), ou bien le sopraniste israélien Maayan Licht (26 ans), tous deux fort prometteurs – le second faisant étalage d'une technique, d'une versatilité et d'une finesse qui auraient dû lui valoir cette reconnaissance.

Rappel du classement : 1er prix : Grace Durham – 2ème prix : Dioklea Hoxha – 3ème prix : Theodora Raftis - Prix des jeunes talents & Prix du public : Miriam Kutrowatz



Publié le 24 août 2019 par Jacques Duffourg