Lieder ohne Worte - Kröll, Temmingh

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La flûte enchantée de Stefan Themmingh

Notre séjour à Göttingen s’achève par un concert du dimanche matin à la Grande Salle (Aula) de l’Université de la ville, une des plus anciennes d’Allemagne. La Grande Salle est située au premier étage d’un vaste édifice du XIXème siècle. On imagine aisément qu’elle était destinée à la remise solennelle des diplômes aux étudiants. De larges fenêtres l’éclairent, et son haut plafond voûté lui offre une acoustique tout à fait honorable.

Au programme un concert du jeune virtuose sud-africain de la flûte, Stefan Temmingh, qui a choisi Munich comme lieu de résidence. Il est accompagné par la harpiste Margret Kröll. Les morceaux choisis couvrent un large répertoire, essentiellement baroque (de Monteverdi à Haendel et Gluck) mais qui inclut quelques compositeurs classiques et romantiques (Schubert, Mendelssohn,…).

Pour la musique baroque la harpe offre son continuo ample et fruité au chant de la flûte, en un ensemble parfaitement convaincant malgré sa composition réduite. Nous en faisons l’expérience avec les deux madrigaux de Monteverdi qui ouvrent le concert. Le second, Quel sgardo sdegnosetto, virevolte au son de la flûte à la fois légère et expressive, pour s’achever dans un final endiablé qui sera récompensé de généreux applaudissements. La Sonata seconda de Fontana offre ensuite la fraîcheur des accords rapides de la flûte, qui témoignent d’une parfaite maîtrise des respirations du flûtiste : jamais elles ne viennent infléchir le rythme, et on se demande par quel miracle il alimente sans cesse son instrument ! Pour Amor chel cor partire de Spadi Stefan Temmingh embouche une longue flûte alto au bec recourbé, riche de graves et au son particulièrement mélodieux. Les sons, d’une grande douceur, sont filés avec délicatesse. Dans la Ciaccona qui suit, c’est au contraire une petite flûte qui agite ses sons aériens, et s’achève sur un final virtuose, lui aussi fortement applaudi.

Le flûtiste se retire quelques instants, et fait place à la harpe solo pour le Odi Euterpe de Caccini, et le Flow my tears de Dowland, tous deux impeccablement rythmés. Stefan Temmingh rejoint ensuite sa partenaire pour les accords enchanteurs de la Toccata Arpegiatta de Kapsberger. Le duo magnifie la sinfonia sur le V’adoro pupilla (extraite du Giulio Cesare de Haendel), avec de superbes ornements, encore augmentés dans la reprise, à la manière d’un aria da capo, qui déchaîne l’enthousiasme des spectateurs ! On retiendra également les accords virtuoses de l’allegro de la Sonate en fa majeur (HWV 369), toujours du Caro Sassone.

Après la pause, qui permet d’aller se rafraîchir sur la petite place tranquille qui borde le bâtiment de l’Université, la reprise s’ouvre sur un surprenant Potpourri sur des Airs Nationaux Français de Joseph Küffner, dans lequel on reconnaît au passage les inévitables accords de La Marseillaise ! Celle-ci provoque quelques sourires de sympathie dans le public, elle s’achève dans un tourbillon de notes. Au passage, nous avons changé de siècle, et voici maintenant Le chant des gondoles vénitiennes (Venezianisches Gondellied) extrait des Romances sans paroles de Felix Mendelssohn Bartholdy, aux longs accords enveloppants qui sortent de la grande flûte alto. Le Leise flehen meine Lieder, extrait du Chant du Cygne de Schubert, constitue un instant sublime de ce concert, où les accords éloquents de la harpe sont surmontés délicatement d’une flûte très douce : moment magique !

Après ces passages romantiques, nous retrouvons des accords plus nerveux pour le ballet d’Orfeo e Euridice, puis la harpe seule pour un émouvant Che farò senza Euridice. C’est encore Margret Kröll qui attaque le vif Allegretto, puis les longs accords nostalgiques de la Romance de la Sonate n°1 en si bémol majeur de Krumpholtz. Die Zufriedenheit de Wolfgang Amadeus Mozart voit réapparaître la flûte alto et ses longs accords veloutés et charmeurs, qui enchantent un public désormais conquis. Le programme s’achève sur le rythme populaire et entraînant du Gestern Abend war Vetter Mikkel da de Scheindienst, au final enlevé.

Les applaudissements fusent ! Après plusieurs rappels, et une plaisanterie de circonstance sur le choix de la pièce du bis en ce jour d’élections européennes (en allemand, le même mot Wahl désigne à la fois le choix et le scrutin), le duo nous offre une Gavotte d’Archangelo Corelli, où triomphe à nouveau la flûte piccolo. Un bien beau concert, qui clôt notre présence à Göttingen, et dont les notes résonnent encore à nos oreilles dans le TGV du retour...



Publié le 12 juin 2019 par Bruno Maury