Magnificences à la cour de France - Doulce Mémoire

Magnificences à la cour de France - Doulce Mémoire ©Arsenal de Metz
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Doulce Mémoire est soutenu par la Région centre-Val de Loire et le Ministère de la Culture et de la Communication / DRAC du Centre de Val-de Loire, au titre de l’aide aux ensembles conventionnés.
Doulce mémoire est soutenu par le Conseil départementale d’Indre-et-Loire, le Ministère des Affaires étrangères / Institut Français, la ville de Tours et le Groupe Le Conservateur.
Spectacle créé en résidence à l’Université François Rabelais et au Conservatoire de Tours, dans le cadre de la commémoration 1515-2015 François Ier, en partenariat avec la Mission Val de Loire et avec le soutien de Tours Plus, Mécénat Touraine Entreprise et Les Soieries Jean Roze.
Doulce mémoire est membre de la FEVIS, du syndicat Profedim et du Bureau export.



Bien heureux, celui qui, à l’Arsenal de Metz (Moselle), pouvait assister en ce premier soir de décembre, à un voyage dans le temps d’une grande qualité artistique tout aussi bien sur le plan musical, que sur celui de la danse et de la création des costumes.

Dans son plus bel écrin, la cité messine accueillait l’ensemble Dolce Mémoire. Ces deux mots s’unissent dans une harmonieuse consonance. Devons-nous déjà deviner les pourtours brodés de fines soies pour ce spectacle ?

Depuis sa création en 1991, l’ensemble Dolce Mémoire repose sur une équipe de musiciens et de chanteurs où la fidélité et l’union constituent le fer de lance. Régulièrement, des comédiens et danseurs rejoignent l’ensemble en vue de réaliser une magnifique performance. C’est en l’occurrence le cas ce soir avec la féérie présentée sous le titre « Magnificences à la cour de France ». L’ensemble tourangeau fait revivre le patrimoine de la Renaissance, en puisant dans les répertoires de l’Ecurie du Roi et de la Chambre du Roi, de riches œuvres ou pièces dévoilant l’esprit de l’époque.
Denis Raisin Dadre, à la direction musicale, Philippe Vallepin à la mise en scène et Hubert Hazebroucq à la chorégraphie, apportent un soin tout particulier à leur programme. Cette reconstitution d’une fête, d’une réjouissance à la cour de François Ier représente le fac-similé des musiques, des chants et des danses jouées en ce lieu.
L’année 1515 couronne l’accession au trône du jeune François d’Orléans connu sous le nom royal de François Ier, le 25 janvier à la cathédrale de Reims (Marne). Défenseur des arts et lettres, et lui-même excellent danseur, il va commander de nombreux travaux aux artistes, qui mettront leurs talents musicaux et notamment chorégraphiques au service des magnificences apparaissant comme le zénith des fêtes royales. La fable La Cour du Lion de Jean de Lafontaine en résume la teneur : « Par ce trait de magnificence, le Prince à ses sujets étalait sa puissance. ». Les qualificatifs qui régnaient en maître étaient les suivants : somptueux, éclatant, grandiose,…

Deux chanteurs, six musiciens et quatre danseurs se partageront la scène imitant la révolution des astres. Pour renforcer cette idée de mouvement satellitaire lors des parties dansées, un rond blanc inscrit dans un carré de la même couleur siège au milieu de la scène. A la quête de leur Saint-Graal, les artistes ne cesseront de rechercher l’harmonie entre le chant, la musique et la danse.
Afin de parfaire ces magnificences, chaque artiste porte un costume dessiné par Jérôme Bourdin sur la base d’iconographies de l’époque, et, réalisé à partir de tissus offerts par la Manufacture de soie Jean Roze à Saint Avertin (Indre et Loire). Les costumes jouiront d’un éclairage soigné par les subtils jeux de lumière de Jérôme Allart, se révélant aussi délicats que l’étoffe qui les composent.

Laissons place à l’émerveillement, à l’inventivité, et peut-être aussi à une certaine forme d’extravagance…
Ces Magnificences s’orchestrent en dix tableaux autour de danses aux multiples inspirations (paysannes, morisques, allégoriques), reflet de la grande variété des ballets.
Au fond de la scène se dressent une forêt d’instruments de tout calibre : bombardes, doulçaines, flûtes à bec, flûtes-colonnes que les musiciens de Doulce Mémoire sont les seuls au monde à jouer.

Une femme, Pascale Boquet, vêtue d’une grande robe noire apparaît sur scène et égraine quelques notes au son d’une petite guitare renaissance accompagnée d’un tambourin tenu par le percussionniste Bruno Caillat. Ils se lancent dans un rondeau introductif bâti sur l’alternance d’un refrain et de plusieurs couplets.
Les danseurs (Annabelle Blanc, Gloria Giordano, Olivier Collin et Hubert Hazebroucq) ne tardent pas à entrer dans la danse. En tirant les cartes d’un jeu de tarot, les artistes insuffleront une dynamique vitale à l’enchaînement des différents tableaux.

Commence alors la fête avec le premier tableau intitulé Bal à la Cour où suites de branles (simple, double, gay, de champagne, de poitou), basses danses et chansons s’enchaînent dans un rythme effréné en vue de divertir la joyeuse compagnie. Les danseurs explorent, imitent des mouvements simples en évoluant dans toutes les dimensions et sollicitant tout leur corps. Ils construisent des enchaînements et réussissent à la perfection à transmettre des émotions. Tout au long de leurs nombreuses interventions, ils démontreront leur maîtrise : virtuosités expressives, artistiques dans une recherche esthétique à couper le souffle.
Dans le deuxième tableau La Bataille, ils miment un combat d’escrime en se drapant le visage d’un filet symbolisant le casque d’épéiste. Afin de faire cesser les hostilités, la soprane Véronique Bourin et le ténor Hugues Primard invoquent avec une douce ferveur la paix dans la chanson Bon temps de Pierre Certon.
Le calme revenu, le troisième tableau dit Le Jeu du Bouquet prend un ton champêtre. Les artistes se passent de main en main un joli bouquet. Symbolise-t-il l’objet de la séduction ? Toujours est-il que ce jeu alterne chant et allemandes : Madame Lucette, allemande VI & IV, allemande d’amour.
L’Enlèvement, quatrième tableau, confère à la soprane une place principale. Son brin de voix est doux, le timbre aux soyeuses intonations se révèle charmeur dans la chanson Si congié prends. A tour de rôle, la troupe tente d’amadouer le ravisseur, en vain ! Seul le ténor, grâce à sa douce berceuse Tu dormi io veglio de Bartolomeo Tromboncino, aura raison de ce vil personnage.
Le cinquième tableau La chambre du Roi est l’écrin de la musique la plus raffinée. Une pavane et une ballade mélancolique, Longtemps y a que je vis en espoir de Claudin de Sermisy ornent royalement les appartements.
Quant au sixième tableau, « Diane ou Vénus ? », il marque le dilemme de l’Amoureux transi partagé entre Diane et Vénus, figures allégoriques de la mythologie. Un vive gaillarde et des passemezzes (ou passemeze : chant à l’italienne propre à danser) aideront peut-être le pauvre malheureux à faire son choix.
Le septième tableau convie le public à une Fête paysanne. La joyeuse troupe imite les paysans. Les chants, l’ivresse s’emparent du bon sens. Les paroles du tourdion Nous boirons du vin clairet, résonnent et conduisent la joyeuse troupe dans une ronde festive.
Sous la direction du fou et de sa marotte, le huitième tableau s’ouvre. La soprane, Véronique Bourin, entonne dans un parfait vieux français, La plus belle de la ville c’est moi de Clément Janequin, affirmation que beaucoup d’hommes présents dans la salle n’ont pu contredire…
Le rythme binaire et vif de la Morisque de Tielman Susato entraîne le fou dans une danse extravagante, sans retenue pour le plus grand plaisir des spectateurs.
Face à cette foule en liesse, le rappel à l’ordre, à la cruauté de la vie sonne avec cet avant-dernier tableau. Une femme drapée d’un voile noir arrive sur scène. Elle brandit entre ses mains un sablier, symbole mystique de la fuite inexorable du temps. La Mort, puisqu’il s’agit bien d’elle, se lance dans une Danse macabre dans une série de pas chassés à la poursuite de l’Impératrice, du Chevalier, de la Coquette et du Fou. Elle se saisit d’eux en les attachant les uns aux autres avec un long ruban sombre pour les entraîner dans les profondeurs du royaume des morts.
La gaillarde El tu tu, (anonyme) prendrait bien volontiers les couleurs des Vanités – composition, nature morte évoquant les fins dernières de l’Homme – si chères aux peintres flamands.
Le dernier tableau, L’Harmonie des Sphères, rétablit l’ordre malmené par toutes ces agitations. Les pas, les gestes lents et sereins figurent le mouvement des astres, des planètes au rythme d’un passemezze anonyme et des dernières paroles, ô combien pourvues de grande sagesse, louées par la soprane et le ténor.

Il ne faut pas faire l’impasse sur les musiciens, non cités jusqu’à présent à savoir Adrien Reboisson, Elsa Frank et Jérémie Papasergio, ainsi que leur chef Denis Raisin Dadre, aux bombardes, doulçaines et flûtes. Non seulement d’être de fabuleux musiciens à l'impressionnante dextérité, ils se sont montrés également en tant que danseurs accomplis. La polyvalence était commune lors de la Renaissance. Leur habileté ne peut être remise en cause !

L’ensemble des artistes a exprimé avec une belle et rare intensité, les sensations, les sentiments. Pour parvenir à un tel résultat, combien d’heures de travail a-t-il fallu ? Ils honorent les Arts majeurs que sont le Chant, la Danse et la Musique.
Leur travail a été clairement consacré par les longues ovations du public et les nombreux « Bravos » fusant de part et d’autre de la salle.



Publié le 05 déc. 2016 par Jean-Stéphane SOURD DURAND