Méditations pour le Carême - Les Surprises

Méditations pour le Carême - Les Surprises ©Bertrand Pichène
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Autour de Sébastien de Brossard

Le troisième (et dernier) week-end du 41ème Festival d’Ambronay consacre sa première soirée à un programme centré autour de Sébastien de Brossard (1655 – 1770) . Prêtre et compositeur, Sébastien de Brossard fut aussi un musicologue et un collectionneur avisé. Il dressa un inventaire détaillé des compositions de son époque, dont il avait rassemblé un grand nombre de partitions : certaines nous sont parvenues uniquement grâce à lui. C’est le cas en particulier des Méditations pour le Carême de Marc-Antoine Charpentier, qui forment le cœur du programme proposé ce soir.

Loin de toute austérité habituellement associée au recueillement, les Méditations constituent un brillant témoignage de l’inspiration et de l’habileté du compositeur. Elles présentent en effet un panorama musical varié et changeant, toujours marqué par une ligne harmonique énergiquement structurée. La première méditation (Desolatione desolata), aux variations infinies sur quelques mots de texte qui s’entrecroisent entre les trois différents registres, évoque ainsi fortement les délicates et savantes polyphonies de la Renaissance. Elle met d’emblée en évidence un soigneux équilibre vocal entre les trois chanteurs de l’ensemble Les Surprises. Avec la vaillante apostrophe du ténor (Martin Candela) dans le Ecce Judas, et les échanges émouvants entre le haute-contre (Clément Debieuvre) et la basse (Jean-Christophe Lanièce) dans le Cum caenasset, la seconde série de Méditations offre des enchaînements minutieusement calés. La troisième série met à nouveau en valeur le parfait équilibre des trois voix, en particulier dans le Tenebrae factae sunt. Dans la dernière série, on retient tout particulièrement le Sola videbat, avec les entrées successives des trois voix, et le contraste frappant entre la poignante émotion de Clément Debieuvre et les graves et puissants accents de la basse.

Le motet O plenus irarum dies de Sébastien de Brossard semble taillé sur mesure pour permettre à la basse Jean-Christophe Lanièce de nous dévoiler l’étendue de son timbre. Cette pièce virtuose contient à la fois des graves bien marqués, et des ornements rapides. La voix solidement projetée du chanteur emplit sans peine les voûtes de l’abbatiale ; le timbre demeure homogène sur toute l’étendue du registre, avec des graves à la rondeur savoureuse et des aigus bien fluides. La longue descente ornementée est tenue avec beaucoup de panache. La diction est irréprochable, et l’expressivité du discours ne faiblit jamais. De fait le chanteur se taille un beau succès auprès du public, qui l’applaudit longuement.

Le motet pour deux ténors Salve Rex Christe, du même compositeur, réunit tout naturellement Clément Debieuvre et Martin Candela. Notons d’emblée au passage leur léger ajustement réciproque, qui rend leurs voix plus proches que dans les Méditations, afin de se conformer à l’écriture du morceau. Leur complémentarité s’avère tout à fait réussie, mêlant dans cette invocation teintée de tension dramatique le médium fourni et la vaillante projection de Martin Candela à l’aigu développé et incisif de Clément Debieuvre. Là encore le public marque sa satisfaction par de chaleureux applaudissements.

Les parties instrumentales sont également fort réussies. Le Prélude en ré mineur de Marin Marais rassemble l’orgue et le théorbe autour de la viole agile et fluide de Juliette Guignard, au jeu inspiré. Louis-Noël Bestion de Camboulas nous montre toute son habileté à faire sonner un clavecin onctueux dans Le Tombeau pour monsieur de Blancrocher de Johann Jakob Froberger. Et c’est dans le Tombeau de Mesdemoiselles de Visée, de Robert de Visée, que Marie Langlet nous laisse savourer le son mélodieux et impeccablement rythmé de son théorbe.

A la différence du CD récemment enregistré par l’ensemble (lire le compte-rendu dans ces colonnes), les pièces vocales ou instrumentales des autres compositeurs viennent ici s’intercaler entre les différents versets des Méditations, dégroupés en quatre parties. Cet ordonnancement nous a paru séduisant, l’alternance entre les différents morceaux offrant une ouverture sur le talent propre de chaque interprète, sans nuire à la continuité des Méditations, unies par une inspiration commune. On notera également, toujours par rapport à l’enregistrement, que les modifications de distribution ne nuisent nullement à ce beau programme, largement récompensé par les applaudissements du public.



Publié le 07 oct. 2020 par Bruno Maury