Les Noces de Figaro - Wolgang Amadeus MOZART (1756-1791)

Les Noces de Figaro - Wolgang Amadeus MOZART (1756-1791) ©Mats Bäcker
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Des Noces de mordant et de tendresse

Créée en 1786 au Burgtheater de Vienne, l'œuvre de Mozart est souvent représentée sans illustrer sa filiation avec Beaumarchais. C'est ici l'inverse avec une mise en scène qui met en évidence la lutte des classes intrinsèque à la pièce, qui assume son côté subversif. Sobre et efficace, la mise en scène d'Ivan Alexandre évite les effets de théâtre de boulevard et éclate avec un bonheur certain l'action sur trois zones : un petit théâtre aux espaces divisés par des tissus peints sur lesquels figurent des portes, les alentours de cette scène (autour et au dessous) et les coulisses où se maquillent les chanteurs, côté jardin pour les hommes et côté cour pour les dames.
A la tête des Musiciens du Louvre en très grande forme, Marc Minkowski livre une lecture somme toute assez classique mais d'une somptueuse beauté. Très attentif aux équilibres des masses de l'orchestre et aux équilibres avec la scène, Minkowski délivre un Mozart ironique, mordant, tendre aussi. A plusieurs reprises, les pages orchestrales sont bouleversantes. Sans oublier le continuo fluide et souvent ironique de Francesco Corti.

Mats Bäcker

En Figaro, Robert Gleadow se coule à merveille dans les intentions de la mise en scène et de la direction. Moqueur, revendicatif, agressif, un rien vulgaire, jaloux et rusé, son Figaro est un des meilleurs du temps. Sa prestation domine toute la représentation avec truculence et talent. La voix est belle, le timbre chaud et profond, l'engagement théâtral constant.Dans le rôle du Comte Almaviva, Florian Sempey souffre de la comparaison avec Gleadow. La voix est belle, le style impeccable mais manque encore un peu de graves et le jeu est moins engagé, moins évident. Lenneke Ruiten (Susanna) et Ana Maria Labin (la Comtesse) sont décevantes. Le théâtre royal leur permet néanmoins de mettre en avant les qualités de voix de dimensions au demeurant modestes. Mais Lenneke Ruiten ne réussit guère, faute d'épaisseur et de médium, à sortir d'une Susana-soubrette très décalée par rapport au Figaro pré-révolutionnaire incarné par Gleadow. Ana Maria Lebin a une voix trop étroite pour la Comtesse et son timbre se colore de sons durs peu adaptés à ce rôle.
A l'inverse, le Cherubino d’Ingeborg Gillebo est très convaincant avec une voix ronde au timbre mat et sombre et un grand naturel dans un rôle de page adolescent très travaillé par ses hormones.... Anders J. Dahlin compose un Basilio et un Curzio de luxe, convaincants, drôles et irréprochables. Hannah Husáhr est une Barberine touchante et de haut niveau. A l'inverse le Bartolo/Antonio de Paolo Battaglia est un peu décevant du fait de graves un peu voilés. La Marcelline de Miriam Treichl est elle très convaincante et très à l'aise dans son rôle.
Au total, une belle soirée qui doit beaucoup à la très belle direction de Minkowski, à l'énergique lecture d'Ivan Alexandre et à la prestation dynamique et convaincue de Robert Gleadow.

Publié le 18 janv. 2016 par Jean-Luc IZARD