L’Olimpiade - Vivaldi

L’Olimpiade - Vivaldi ©
Afficher les détails
Une œuvre foisonnant de trouvailles

L’Olimpiade fut créé à Venise en 1734, au Teatro Sant’Angelo, sur un livret du poète Métastase, d’après Hérodote. Ce livret, écrit au départ pour Caldara (1733), fut utilisé une bonne soixantaine de fois, notamment par Pergolèse, Hasse, Jommelli, Cimarosa et Paisiello. Le recours à Métastase est alors un choix tactique pour Vivaldi. Métastase est en effet une figure de l’opéra napolitain qui triomphe alors à Venise, cantonnant Vivaldi dans son petit théâtre Sant’Angelo. Ce défi semble avoir fonctionné à merveille puisque Vivaldi fut à nouveau convié à composer par la famille Grimani, ce qui donnera Griselda. Malgré un succès important à la création, l’œuvre tomba rapidement dans l’oubli, n’en sortant que très progressivement au cours du XXe siècle.

Prévue en décembre 2020, annulée pour cause de covid, cette production en version de concert rend pleinement justice à l’un des meilleurs opéras de Vivaldi, foisonnant de trouvailles stylistiques et orchestrales.

Jean-Christophe Spinosi fait toujours montre de la même fougue, de cette énergie qu’il communique à son orchestre et aux chanteurs auxquels il prête une attention affectueuse et efficace. Matheus est à son meilleur niveau, le son est rond, équilibré et d’une diabolique précision comme, par exemple, dans les piano subito demandés par Spinosi à de nombreuses reprises. La partition est livrée à une lecture ultra analytique de Spinosi qui en révèle toutes les beautés et l’inventivité, même si à deux ou trois reprises, cette analyse fouillée tourne un peu à la dissection. Mais cette lecture audacieuse et moderne est tellement captivante, y compris dans l’accompagnement des récitatifs !

La distribution est, sans aucune exception, totalement convaincante. Ces vivaldiens confirmés font montre d’un style et d’une technique particulièrement sûrs. Impeccablement projetées, les voix se mêlent (ou plutôt se côtoient) avec une grande euphonie, les récitatifs sont exécutés avec conviction et les interprétations sont parfaitement en harmonie avec les intentions que JC Spinosi imprime à l’Ensemble Matheus.

Marlène Assayag est un Aminta rayonnant, aux aigus éclatants et à la vocalise virtuose, une belle découverte. Benedetta Mazzucato est une très belle Argène. Le timbre de contralto est coloré, la voix est très homogène et l’interprétation très réussie même si les vocalises manquent souvent un peu de souplesse. Margherita Maria Sala, également contralto, sert Aristea avec efficacité : si la voix est moins homogène, elle est d’une grande souplesse, le timbre a des couleurs vraiment chatoyantes, notamment dans le grave et elle réussit à adapter son interprétation aux évolutions de son personnage.

Le baryton Riccardo Novaro incarne Clistene avec une gourmandise visible. Royal à souhait, il fait montre à diverses reprises d’un humour qui soutient efficacement l’action. L’Alcandro de Luigi de Donato est tout en raffinement stylistique et sa basse sombre est parfaitement distribuée dans ce personnage.

Après une première intervention un peu crispée, Chiara Skerath sera une des grandes triomphatrices de la soirée. Succès mérité tant la douleur prenait place dans son interprétation et tant Ne' giorni tuoi felici, seul duo de l’ouvrage, chanté donc avec l’Aristea de Maria Margherita Sala était intense. La voix est belle et semble se plier avec facilité aux intentions de l’interprète que ce soit dans des vocalises aériennes ou dans des récitatifs ciselés.

Carlo Vistoli est l’autre triomphateur de la soirée. Dans ce rôle, il déploie les beautés de sa voix très homogène, très ronde, dont la beauté est dépourvue des afféteries qu’affectionnent certains « baroqueux ». Bref, c’est un chant à la fois très moderne et très respectueux de la tradition baroque. L’attention portée aux ornements et aux da capo est remarquable. L’air du sommeil, magnifiquement interprété, est ainsi une véritable invitation à la rêverie et à l’amour. Et Gemo in punto devient un véritable air de désespoir et de folie, à l’interprétation très intense, physique.

On ne peut qu’espérer que cette production donne lieu à un enregistrement prochain, voire bénéficie d’une mise en scène à laquelle cet opéra se prêterait à l’évidence à merveille.



Publié le 20 févr. 2022 par Jean-Luc Izard