Un opéra pour trois rois

Un opéra pour trois rois ©
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Un siècle d'opéras à la cour de France

Le programme de cette soirée a été conçu par le Centre de musique baroque de Versailles et plus particulièrement par son directeur artistique : Benoît Dratwicki. L’idée consiste à proposer un programme musical accompagnant le vernissage de la nouvelle exposition du Château de Versailles : Fêtes et divertissements à la Cour. Ce programme est donc construit comme un « patchwork » d’extraits de différentes œuvres françaises, crées et jouées à la cour durant les règnes de Louis XIV, XV et XVI. Ce pastiche a été assemblé de façon à créer une nouvel « opéra » imaginaire, autour des personnages de la Gloire, de la Renommée et d'Apollon (confiés aux trois solistes, qui effectuent également la narration). Parmi les compositeurs retenus on retrouve évidemment de grands noms du répertoire de cette époque, tels que Lully, Destouches, Gluck,… L'originalité réside plutôt dans le choix d'extraits d'œuvres peu fréquemment représentées, telles que Les Stratagèmes de l’Amour de Destouches, ou Le Carnaval du Parnasse de Mondonville. Le spectacle rassemble ainsi des airs prestigieux et d'autres moins connus, permettant d'apprécier les plus beaux attraits de la musique baroque française, de la seconde moitié du XVIIème siècle à la fin du XVIIIème.

Le style « patchwork » plaît ou ne plaît pas. Le principal défaut de ce mélange réside à nos yeux que dans ce parcours on a tendance à vouloir identifier ceux qui « faisaient moins bien que les autres ». En revanche il permet au public de découvrir des œuvres rarement représentées ou enregistrées. Pour ma part je n’ai pas été des plus convaincus, et j'ai aussi regretté le manque d’originalité du morceau final : Les Sauvages, de l’opéra Les Indes galantes de Jean-Philippe Rameau. Il est à noter que cette production avait été présentée quelques jours auparavant, le 23 novembre, devant le public de Budapest, par deux formations hongroises (patrie de la soprano Emöke Barath), présentes en France pour la première fois durant cette soirée : le Purcell Choir et l’Orfeo Orchestra.

L’Orfeo Orchestra a montré qu'il maîtrisait tout à fait correctement le style français : rythmes inégaux, ornementations réussies, en conservant un côté naturel et un timbre franc. Les vents et les cuivres ont été parfaitement à la hauteur des attentes, avec des sonorités bien rondes et des sons précis. Le continuo était soutenu par des basses bien présentes, tandis que le clavecin manquait un peu d’inventivité à notre goût. Les mouvements très exagérés et parfaitement hors de propos d'un percussionniste à l’entrain débordant nous ont fait sourire, mais au vu des applaudissements du final il semble que le public les ait appréciés... Il convient en revanche de saluer la prestation du premier violon, Simon Standage, grand maître aux soixante-quinze printemps, qui tint toujours fermement son instrument pour en tirer un phrasé fluide et des trilles aériennes. Le chef György Vashegyi a démontré son excellente compréhension du répertoire baroque français, insufflant dynamisme et contrastes tout au long du concert. Le Purcell Choir était juste, énergique ; nous avons juste regretté un manque de précision sur certains départs. Globalement on retiendra la performance de ces deux formations étrangères à porter avec soin ce répertoire si exigeant. Signe de leur dynamisme et de leur attrait pour les jeunes générations, on notera également la présence de nombreux jeunes artistes dans l’orchestre et le chœur.

La performance des solistes est sans surprise tout à fait à la hauteur des attentes. Une Emöke Barath à la voix légère et claire interpréta ses airs avec énormément de grâce et de légèreté. Chantal Santon possède un timbre plus dramatique, se mêlant dans de sublimes duos et trios avec ses compagnons. Elle fût fortement applaudie dans ses deux extraits d’Iphigénie en Tauride, auxquelles elle inculqua une grande intensité dramatique. Le baryton Thomas Dolié nous impressionna par sa diction parfaite, et sa voix pleine de sentiments et de couleurs, qui en font sans doute l’un des plus talentueux barytons français de ce répertoire à l’heure actuelle.

Ce concert ayant été enregistré (disque à paraître en 2017), nos lecteurs qui n'ont pu assister au concert auront donc le plaisir de découvrir ce programme et ses artistes dans quelques mois.



Publié le 12 déc. 2016 par Hippolyte Darissi