Orfeo ed Euridice - Gluck

Orfeo ed Euridice - Gluck © Vincent Pontet
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Pour l'amour d'Eurydice

C’est un choix un peu curieux d’ouvrir la saison avec cette « vieille » production mise en scène par Robert Carsen, mise en scène au demeurant peu convaincante. De fait, le public est un peu clairsemé dans les hauts de la salle. Le temps ne changeant rien à l’affaire, les observations qu’appelait le travail de Robert Carsen en 2018 (lire ici) restent totalement d’actualité. Tout au plus peut-on saluer le dépoussiérage fait par Christophe Gayral qui exploite à merveille les qualités physiques et théâtrales de Jakub Józef Orliński. Mais ce faisant, il contredit ouvertement le parti pris minimaliste et hiératique de la mise en scène de Carsen et brouille encore davantage les clés de lecture de celle-ci.

La plus grosse déception de cette soirée vient de l’Orfeo de Jakub Józef Orliński. On s’était habitué à voir le contre-ténor s’améliorer à chacune de ces apparitions et gérer avec un soin presque méticuleux la progression de sa carrière et de ses prises de rôle. On ne peut pas lui reprocher son investissement dans le rôle dont il tire le meilleur parti possible dans cette mise en scène qui traite mal le personnage. Son approche stylistique est aussi beaucoup plus convaincante et appropriée que celle de Jaroussky dans cette même production et les lamenti sont très beaux, notamment les tous premiers qui ponctuent le chœur. Mais la voix donne des signes inquiétants de faiblesse : le timbre se désunit souvent et les sonorités trop métalliques qui affectaient le haut medium ont gagné tout l’ambitus ; le registre grave est souvent inaudible ; les aigus sont systématiquement tirés et un vibrato lourd se fait entendre très souvent dans le bas medium. Seul le début du Che faro échappe à ces défauts.

En dépit de la quasi disparition du rôle d’Euridice qu’a opéré Carsen, Regula Mühlemann est beaucoup plus convaincante. Annoncée souffrante, on n’en discerne qu’une émission prudente et un peu limitée. Son interprétation d’Euridice est irréprochable et évite les excès qui seraient des contresens.

Elena Galitskaya souligne avec un grand bonheur ce qu’est Amore : à la fois la manifestation de la puissance de dieux cruels et cyniques et un ressort comique de l’œuvre. Elle prend parfaitement en charge ce second volet du personnage, soulignant ainsi, par le décalage qu’elle crée, l’incohérence des partis-pris de mise en scène.

L’interprétation de Thomas Hengelbrock à la tête de l’Orchestre Balthasar Neumann alterne des moments d’une très grande beauté avec des instants beaucoup moins convaincants : l’ouverture désordonnée, le rythme alangui sans raison du début du 2ème acte qui transforme en aimable pastiche la terreur qui devrait nous saisir, les échos avec la salle dans le Puro Ciel. Tout ceci ressemble à des coquetteries hors de propos qui nuisent à une lecture qui sait aussi donner toute sa puissance à l’œuvre. Quant au Chœur du même ensemble, il a donné à entendre de nombreux décalages et une homogénéité imparfaite à plusieurs reprises. Faute de répétitions ?

En résumé, une soirée bien décevante que le public a cependant saluée longuement et avec enthousiasme.



Publié le 26 sept. 2022 par Jean-Luc Izard