Orfeo, le chef d'œuvre absolu!

Orfeo, le chef d'œuvre absolu! ©Paul Fave
Afficher les détails

Premier véritable opéra de l'histoire, l'Orfeo de Monteverdi est un absolu chef d'œuvre qui réalise une superbe synthèse du théâtre et du chant et qui ambitionne ouvertement de porter une musique qui aura le pouvoir « d’attirer les âmes des hommes vers les cieux » (Prologue). Autant dire qu'il fallait du courage et du culot aux Nuits Musicales en Armagnac et à Jean-Francois Gardeil pour s'attaquer à nouveau à un tel monument, de surcroît dans une transcription pour un ensemble très réduit et dans lequel l'orgue se voit substituer un accordéon.

Très loin de l'orchestre assez volumineux prévu à l'origine par Monteverdi, l'ensemble instrumental se réduit ici à un quintette (deux violons, un violoncelle, une guitare et un accordéon) qui, mêlé à la représentation, fonctionne à merveille. La présence de l'accordéon apporte une poésie mélancolique qui ne dépare pas la partition, bien au contraire. La direction très attentive de Jean Francois Gardeil soutient avec bonheur une entente évidente et complice entre les musiciens et maintient une tension permanente dans l'émotion. Ce travail atteindra un sommet dans la scène de l'annonce de la mort d'Eurydice. Les musiciens, les choristes et les solistes tiennent plusieurs parties, parfois plusieurs rôles, dans un esprit très fidèle à l'authenticité baroque.

La mise en scène d'Emmanuel Gardeil tire bien partie des moyens à l'évidence limités des décors et des costumes. Sa direction d'acteurs est irréprochable et l'ensemble nous rappelle sans cesse que cette œuvre tend à une perfection de fusion du théâtre et de la musique, de l'art et de l'amour tous deux confiés par les dieux à Orphée. Ce dépouillement met le chant au premier plan. Et la confiance faite par Jean-François Gardeil à de jeunes chanteurs est payante.

Le ténor Paul Cremazy incarne avec bonheur un berger et surtout un lumineux Apollon dans la dernière scène. La Proserpina de la soprano Morgane Bertrand est impeccable tandis que Charon et Pluton sont bien servis par la belle basse de Lionel Sarrazin dont les qualités d'acteur sont par ailleurs remarquables. J'ai été particulièrement séduit par la mezzo Romie Estèves qui tient les rôles de la Messagère et de l'Espérance avec une voix au timbre superbe et aux qualités prometteuses. De même, la soprano Clémence Garcia incarne une Eurydice victime et impuissante avec beaucoup de sensibilité et avec le même bonheur la Musique.

Et la plus belle révélation de cette soirée était le baryton Philippe Estèphe très à l'aise dans ce rôle écrasant auquel il donne une épaisseur dramatique et juvénile impressionnante. Le timbre est très beau, la technique assurée et la projection efficace. L'étendue de la voix lui permet de chanter sans problème le rôle dont certaines notes sont pourtant un peu hautes pour un baryton moderne. Très beau musicien, très prometteur et doué de vrais qualités théâtrales, nous aurons plaisir à suivre le déroulement de sa jeune carrière.

Et donc la preuve est faite, s'il était besoin, que sans instruments d'époque, sans mise en scène débordant de moyens et sans têtes d'affiche, il est possible de remplir une salle pour écouter un opéra de Monteverdi et d'offrir une interprétation très émouvante et très réussie !



Publié le 14 août 2016 par Jean-Luc IZARD