Primadonnen & Kastraten, Reisende Superstars des Barock

Primadonnen & Kastraten, Reisende Superstars des Barock ©Allegorica
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Il est permis d'attendre, il est doux d'espérer

Dans la futuriste Nikolaisaal le gala européen Haendel-Hasse-Vivaldi Primadonnas et castrats avec les stars Vivica Genaux, Valer Sabadus et l'Academia Montis Regalis, n'appelle pas autant de commentaires que l'Europe Galante de la veille (lire notre chronique). Non que de grands moments n'aient été au rendez-vous, ils le furent plus d'une fois – mais l'ensemble paraît trop inégal, et trop rebattu, pour devoir être marqué d'une pierre blanche.



© Christian Steiner. Musikfestspiele Potsdam Sanssouci 2018 : « Europa »

Au rang des réussites, l'orchestre : précis, souple et chamarré, qu'Alessandro De Marchi conduit sans précipitation du clavecin. Son rendu fruité tapisse idéalement un Scherza infida d'Ariodante où retentit (vingt ans après) la solennité déchirante d'un Minkowski. Genaux ensuite est en bonne forme ; sa vélocité surtout, part importante de son charisme, ne faiblissant nullement avec le passage des ans. Ainsi sa Misera colomba de Cleofide, qu'elle a promenée un peu partout, permet au récital de prendre son envol virtuose, conformément à ce que son titre laisse espérer. Le tube Gelido in ogni vena (Farnace), merveilleusement varié à la reprise, lui sied également. À rebours, on regrettera un ou deux graves appuyés peu enchanteurs, et – autres tubes – des L'angue oppresso (Giulio Cesare) ou Lascia ch'io pianga (Rinaldo) rien moins que novateurs.



© Henning Ross / Sony_Classical. Musikfestspiele Potsdam Sanssouci 2018 : « Europa »

Sabadus, remplaçant David Hansen naguère annoncé, s'est désormais fait un nom dans le club de plus en plus fréquenté des contre-ténors. Un timbre mellifère et une nette volonté de toucher avant d'impressionner, voilà ses points forts. Malheureusement l'artiste, sans doute avec les meilleures intentions du monde, use de maniérismes et abuse de phonations trop appuyées, à l'intérieur des vers quand ce n'est des mots – au point de chalouper à l'excès le célèbre Mi lusinga d'Alcina. En outre, volatil et sporadiquement détimbré, son matériau ne fait pas souvent le poids, en duo, auprès du solide métal de sa consœur.

Exception réjouissante, le rare Ama, nell'armi e nell'amar (Deidamia, ultime opéra de Haendel) est pour sa part somptueux, les deux partenaires enfin à égalité laissant leurs voix s'épanouir généreusement dans l'une des pages les plus inspirées de son auteur. Las ! il souligne aussi, par un cruel contraste, ce que le reste du programme a de rabâché. Quitte à honorer les plus illustres gosiers baroques, une moisson de style napolitain, avec Hasse bien sûr, et les autres prodigues Leo, Vinci, Porpora, Graun... eût été tout aussi appropriée, et beaucoup plus excitante.

Restons-en à la rareté : pourquoi ne pas rêver, lors d'une prochaine thématique européenne dans un Neues Palais Theater restitué, d'une reprise de la phosphorescente Europa riconosciuta d'Antonio Salieri ? Il est permis d'attendre, il est doux d'espérer.



Publié le 24 juil. 2018 par Jacques Duffourg-Müller