Rodelinda - G.-F. Haendel

Rodelinda - G.-F. Haendel ©
Afficher les détails
Comparaison n'est pas raison

Cette version de concert de Rodelinda programmée au Théâtre des Champs Elysées est la même que celle de Versailles dont il a été rendu compte ici même (Rodelinda). Seuls les titulaires du rôle titre et de Grimoaldo diffèrent entre les deux représentations. La tentation de la comparaison est donc grande, même si les conditions d'écoute sont éminemment différentes, l'acoustique un peu sèche du Théâtre des Champs Elysées se substituant à celle, riche et capiteuse, de l'écrin qu'est l’Opéra royal.

Ce qui est certain, c'est que la qualité de l'écriture de Haendel, évidente de bout en bout de cette partition, est plus que confirmée par cette deuxième écoute. De même, l'excellence du travail de Maxim Emelyanychev et la qualité de Il Pomo d’Oro sont confirmées. Les équilibres sont impeccables, que ce soit entre pupitres ou avec les chanteurs, la précision des différentes parties est irréprochable et l'interprétation est fluide et comme évidente. Encore plus évidentes ici qu'à Versailles, ces qualités, s'il faut leur trouver une limite, laissent toutefois une impression un peu mécaniste et donnent envie par instants de bousculer un peu les tempi et d'insuffler un peu de hargne à l'orchestre.

>Konstantin Wolf malgré ses qualités n'a toujours pas la noirceur ni les graves nécessaires à Garibaldi. Si David DQ Lee sonne paradoxalement un peu mieux qu'à Versailles, la justesse trop souvent approximative et son timbre feutré desservent son Unulfo.

Romina Basso, plus encore qu'à Versailles, s'appuie sur une technique remarquable et livre une brillante Eduige dès son premier air. Les vocalises sont d'une précision et d'une netteté coupées au couteau, les cadences sont parfaites et les da capo font preuve d'une maîtrise difficilement égalable de l'ornementation. Très applaudie, elle est la seule à rester sagement sur scène pendant quasiment toute la représentation.

John Mark Ainsley, toujours souffrant, est remplacé par Juan Sancho (c'etait Krešimir Špicer à Versailles). S'appuyant sur une technique solide et une belle projection, vocalisant avec talent, il semble toutefois mal distribué dans ce rôle qui exige des aigus plus faciles et un timbre plus héroïque. Mais on n'oubliera pas qu'il s'agit d'un remplacement, probablement au pied levé, et on saluera, comme le public l'a fait, une très belle prestation.

Marie-Nicole Lemieux confirme qu'elle est un Bertarido d'exception. La voix est ample, puissante, l'émission parfaitement maîtrisée et capable de nuances saisissantes. L'autorité du personnage et l'investissement dans l'interprétation sont totaux. Elle a toutefois semblé moins à l'aise dans les parties purement virtuoses, notamment dans le Vivi tiranno, comme si la vocalise était gênée par la puissance requise par la taille du théâtre.

On attendait bien sur la Rodelinda de Karina Gauvin. Et là je dois avouer une -relative- déception. Trop maîtrisée, sous contrôle, elle livre une vision humaine du rôle, un peu anachronique, à laquelle j'ai préféré la reine hautaine d'Inga Kalna. L'instrument semble affaibli et la technique semble ce soir lui faire défaut dans des ornementations trop sages, trop raisonnables quand nous avons encore dans l'oreille les pianissimo sublimes d'Inga Kalna. En revanche, le duo avec Bertarido, sommet dramatique et musical de l'œuvre, est un moment de grâce absolu, tant la complicité des deux interprètes fait ici merveille et leur permet un accord quasi parfait.



Publié le 27 janv. 2017 par Jean-Luc Izard