Stabat Mater - Pergolèse

Stabat Mater - Pergolèse ©DR : Sonya Yoncheva/Karine Deshayes
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De l’importance du style…

C’est bien entendu le Stabat Mater de Pergolèse et les flamboyantes interprètes annoncées qui avaient rempli la salle du Théâtre des Champs Elysées et qui faisaient courir ce frisson annonciateur des grandes soirées.

La première partie du concert était consacrée à des œuvres orchestrales contemporaines du Stabat Mater et également issues de l’école baroque napolitaine. De cette première partie, on retiendra que rien n’imposait la « résurrection » de ces œuvres et que l’ensemble Amarillis n’a pas réussi à nous convaincre.

Durante était un élève de Scarlatti et l’un des maitres de Pergolèse. Le concerto grosso n°1 en fa mineur donné en ouverture du concert dégage un ennui ineffable et persistant, tant les thèmes en sont pauvres et le recours à l’unisson insistant. A aucun moment Amarillis ne parvient à capter vraiment notre émotion. Suit une sonate en sol mineur (n°14) de Mancini, créée en 1725, qui est davantage un concerto pour flûte à bec que la forme sonate à laquelle nous sommes généralement habitués. Ici encore, Amarillis est mal à l’aise, à la peine : la partie de flûte, tenue par Héloïse Gaillard est souvent un peu courte et les dialogues entre l’orchestre et la soliste mal équilibrés par une direction au demeurant très (trop ?) discrète. Même l’écriture, pourtant plus enlevée et plus riche, de Scarlatti dont est ensuite donné le concerto grosso n°3 en fa majeur ne parviendra pas à sortir l’Ensemble de cette espèce de torpeur métronomique dont ne réchappera que le dernier mouvement, assez surprenant d’ailleurs, de ce concerto.

En deuxième partie, Amarillis commencera par répéter cette interprétation distanciée, comme absente et mécanique. Peu à peu toutefois, la qualité de la musique de Pergolèse parviendra à gagner la partie et c’est un Ensemble très différent qu’il nous sera donné d’entendre à partir du quis est homo … et qui ne cessera alors de progresser, atteignant une quasi perfection dans le bis. Quel dommage que ce calage et ce niveau n’aient pas été réussis dès le début du programme...

Des deux interprètes, on soulignera le total engagement, la beauté des voix, l’harmonie des deux timbres qui s’entrelacent avec bonheur et le très haut niveau technique. Nul doute qu’elles délivrent une très belle prestation mais on ne peut que remarquer les difficultés d’équilibre de puissance auquel la direction est moins qu’attentive et surtout un écart de conception de l’œuvre, une différence stylistique qui nuit à ce qui doit être une profonde spiritualité. Et là, si Karine Deshayes est totalement investie dans la restitution de la déploration baroque qu’est le Stabat Mater (notamment dans le Fac ut portem), Sonya Yoncheva peine davantage à rester dans le style et s’échappe trop souvent, plus par réflexe que par intention, vers une expressivité d’un autre siècle. Bref, là où la mezzo colore avec bonheur la moindre inflexion, donne à sa partie une liberté et une profondeur incroyables, la soprano est attirée vers des expressions lyriques voire romantiques hors de propos.

Au total, et bien que le public ait acclamé ce concert, une sensation de légère déception et le sentiment qu’un peu plus de préparation, de répétitions, auraient pu faire de ces instants des moments d’exception.

Publié le 30 juin 2016 par Jean-Luc Izard