Tim Mead - A. Vivaldi

Tim Mead - A. Vivaldi ©
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Tim Mead ou la suprême élégance.

Le concert de clôture du tout jeune festival de Paris réunissait le contre ténor Tim Mead et l’ensemble Les Accents de Thibault Noally dans un programme consacré à Vivaldi : Stabat Mater et Nisi Dominus.

Si ces deux œuvres sont aujourd’hui emblématiques de l’art de Vivaldi, elles ne doivent pas faire oublier que, reconnu de son vivant comme un immense violoniste et un talentueux compositeur de concertos (plus de cinq cents...) et d’opéras, Vivaldi était peu connu pour sa musique religieuse. De fait, les œuvres sacrées sont minoritaires dans sa production (à peine cinquante) et quasi toutes composées pour le Pio Ospedale della Pietà, orphelinat vénitien de jeunes filles. Le Stabat Mater fait précisément exception puisqu’il fut composé en 1712 pour les Philippines de Brescia, ville natale de Vivaldi.

Poème rimé de vingt tercets, attribué au moine Jacopone da Todi (XIIIème siècle), le Stabat Mater évoque la souffrance de la mère face aux douleurs de son fils crucifié. Ainsi lié à la liturgie de la Semaine Sainte, le poème ne pouvait être mis en musique, jusqu’à ce que la Contre-réforme l’en détache au bénéfice du culte marial. Dans son Stabat Mater, Vivaldi ne retient que dix des vingt tercets et déploie un musique très évocatrice de la douleur humaine de la Vierge. L’oeuvre entièrement écrite en mineur n’adopte que des tempi lents voire dramatiques. Elle se termine néanmoins sur un Amen en majeur et de forme fuguée. Le Nisi Dominus est quant à lui la mise en musique du psaume 126, lequel invite les fidèles à remettre leur espérance dans le Seigneur, seul capable d’assurer le succès de leurs entreprises. Il fut écrit pour l’Ospedale della Pietá autour des années 1715. Les deux œuvres ont en commun d’être des cantates pour alto et cordes, pour effectif très réduit (en parfaite cohérence avec leur destination et leurs commanditaires) et associées au culte de la Vierge.

Dès les premières notes du Stabat Mater dolorosa, Les Accents parviennent à créer une atmosphère d’affliction et de méditation, aidés par la puissance spirituelle du lieu. Le violon de Thibault Noally est puissamment évocateur de l’insondable tristesse maternelle.

Tim Mead est tout à fait bouleversant : le timbre est lumineux, sonore sans excès, la diction élégante et l’expression contrastée du désespoir humain et de l’esperance particulièrement réussie. On retiendra en particulier son Cujus animam d’une lenteur sinueuse. Il fera, ainsi que ses partenaires, montre des mêmes qualités dans un Nisi Dominus plus lumineux, irradié par un Cum dederit à la fois très lent et séraphique. Il confirme ainsi les superbes qualités que l’on avait relevé dans le Stabat Mater de Pergolèse au théâtre des Champs Elysées : chaleur du timbre, puissance évocatrice du lamento, longueur du souffle et qualité du style. On attend donc avec impatience sa prestation dans Jephta à l’Opéra national de Paris la saison prochaine.



Publié le 04 juil. 2017 par Jean-Luc Izard