BaroquiadeS -- Trio Hantaï

©Fondation Louis Vuitton / Ludovic Carême

Au sein de la famille Hantaï, la musique, en particulier la musique allemande, celle de Bach et de ses prédécesseurs, était enracinée dans l’existence quotidienne. Dans un documentaire qui lui était consacré, le peintre déclarait : « Je pense que le plus important, l’influence fondamentale, c’est ce que j’entendais dans mon enfance, particulièrement Schütz. C’était une musique que nous considérions comme une chose tout à fait banale, qui était là, dans la vie. Sans savoir que c’était une grande musique. » Et de Bach, il affirmait qu’elle était « musique de pensée » et l’écoutait volontiers avec les siens. Aussi, a-t-il acquiescé à la voie choisie par ses fils dans le mouvement de renaissance de la musique baroque qui, dans les années 1980-90 proposait une relecture vivifiante de ce patrimoine et offrait à ce répertoire une interprétation plus libre et plus authentique sur instruments d’époque. Depuis quelque quarante ans le Trio Hantaï s’est constitué pour partager ensemble cet amour de la musique que leur a inculqué leur père et, tout en lui rendant hommage, poursuivre cet héritage déterminant pour leur identité de musiciens.

Les trois musiciens ont étudié en Hollande, en Belgique et ont forgé leur sensibilité et leur technique au contact de maîtres du renouveau baroque tels Gustav Leonhardt, les frères Kuijken, ceux-là mêmes qui ont initié la redécouverte de ce passé musical. Ainsi, les frères Hantaï ont rapidement participé à des concerts au sein de la Petite Bande des frères Kuijken ou en compagnie de Jean-Claude Malgoire, Philippe Herreweghe, Jordi Savall, René Jacobs entre autres, tout en tissant des liens avec des musiciens, leurs contemporains pour des projets innovants. Si chacun s’est voué à son instrument élu, les trois frères ont toujours aimé se retrouver pour partager le plaisir de jouer ensemble.

C’est ainsi que Marc s’est tourné vers la flûte traversière. Formé auprès de Barthold Kuijken au Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles, il s’est produit avec les meilleurs ensembles baroques, comme soliste ou chambriste sur des scènes et festivals à travers le monde. Il donne régulièrement des concerts avec ses frères et dispense un enseignement à Barcelone et à la Schola Cantorum de Bâle. Il a gravé de nombreux disques dont dernièrement sous le label Mirare, les Sonates pour flûte et clavecin de J.S Bach avec Pierre au clavecin.

Jérôme a travaillé la viole de gambe auprès de Wieland Kuijken au Conservatoire de Bruxelles et s’est attaché à l’étude des claviers anciens. A l’issue de son cursus, il s’est engagé dans une carrière musicale en donnant des concerts à la viole de gambe et au piano comme soliste avec des ensembles baroques reconnus ou avec l’ensemble Spes Nostra qu’il a créé. Il joue au sein du Trio Hantaï qui s’est imposé sur le plan international en Europe, en Asie ou aux Etats-Unis, pour l’excellence de la qualité de ses prestations. Il accorde une partie de son activité à l’enseignement de son instrument de prédilection. Ces nombreux CD, dont ceux consacrés entre autres à Haydn ou Marin Marais, ont été accueillis avec enthousiasme.

Pierre a été dès son jeune âge passionné par la musique de Bach. L’écoute des enregistrements de Gustav Leonhardt au clavecin ont aiguisé son attrait pour l’art du compositeur et son intérêt pour le clavecin. Rapidement, il s’est impliqué dans l’univers de la musique ancienne, collaborant avec des figures majeures qui l’animaient alors dont les frères Kuijken, Philippe Herrewewghe, Jordi Savall. Son jeu singulier, nourri d’une profonde sensibilité et doté d’une technique parfaite avait été d’emblée remarqué pour la virtuosité de ses interprétation et pour son approche visionnaire des partitions, à nulle autre pareille. Pierre Hantaï fonde dans le même temps de petits ensembles en compagne de ses frères et de ses amis musiciens, Hugo Reyne, Marc Minkowski, Philippe Pierlot et crée Le Concert français qui évoluera vers une formation de chambre. Il a eu toujours comme projet artistique de communier dans la musique avec d’autres clavecinistes ou la violoniste Amandine Beyer.

L’année 1993 marque une étape décisive dans le parcours du musicien avec l’enregistrement des Variations Goldberg de J.S Bach pour le label Opus 111, réenregistré en 2004 chez Mirare, un CD de référence absolue pour cette œuvre emblématique par sa puissance expressive et sa science, d’une difficulté d’exécution redoutable. Outre la musique allemande, Pierre Hantaï a investigué du côté de la musique élisabéthaine qu’il a jouée et enregistrée tout en poursuivant son travail d’interprète des œuvres de Bach, mais aussi des Pièces de clavecin de Couperin et des Sonates de Domenico Scarlatti dont il a gravé plusieurs volumes sous le label Mirare (voir le compte-rendu dans ces colonnes). Invité à enseigner ou à diriger des formations de chambre, il se produit le plus fréquemment en soliste à travers pays et continents où son art unique de toucher le clavecin est admiré et ovationné.

La soirée de concert était à l’image des engagements artistiques du Trio qui ont conjugué leurs talents dans une belle complicité pour nous donner à écouter un programme consacré au baroque français ainsi qu’à deux œuvres de Bach : un Prélude et le deuxième des quatre Concerts royaux de Couperin, la Sonate en trio de Jean-Marie Leclair, les Pièces de viole du second livre de Marin Marais, de Rameau des Pièces de clavecin en concerts dont La Timide et La Marais. De Jean-Sébastien Bach, la Sonate en si mineur pour flûte et clavecin BWV 1030 et la Sonate en sol majeur pour viole de gambe et clavecin d’après BWV 1027, des pages qui exaltent la capacité d’invention et de combinaison de lignes mélodiques caractéristiques du puissant langage musical du Maître que le Trio Hantaï a célébré au cours de ce riche et émouvant moment musical.

Trio Hantaï

Date: Le 19 mai 2022

Lieu: Auditorium de la Fondation Vuitton - Paris

Programme

Distribution

Publié le 26 mai 2022 par Marguerite Haladjian