Il Trionfo della Divina Giustizia - Porpora

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Porpora à l’honneur à Versailles

En ce trois décembre, dans le cadre de la fastueuse Chapelle royale de Versailles, au sein de la riche saison programmée par Laurent Brunner, Thibault Noally à la tête de son ensemble Les Accents et d’excellents solistes ont été les interprètes de l’oratorio sacré de Nicola Porpora, Il Trionfo della Divina Giustizia. Créée à Naples en 1716, cette œuvre avait été donnée en recréation mondiale au Festival d’opéra baroque de Beaune en 2015.

Nous devons à Thibault Noally, brillant musicien au service du baroque, la redécouverte de cette superbe partition. Après une solide formation de violoniste, avec une prédilection pour la musique ancienne, et de fructueuses expériences avec des formations réputées, Thibault Noally est depuis 2006 violon solo des Musiciens du Louvre sous la direction de Marc Minkowski tout en poursuivant ses activités propres. Ainsi, il fonde en 2014 l’ensemble Les Accents dont le projet artistique est de défendre les inventions vocales et instrumentales du génie baroque, en particulier celui de la musique sacrée italienne, du répertoire violonistique des écoles italiennes, allemandes et françaises ainsi que de l’opéra seria italien en explorant des ouvrages méconnus de compositeurs tels Vivaldi, Scarlatti, Caldara ou Porpora.

Nicola Porpora (1686-1768) fut l’une des figures majeures parmi les compositeurs qui ont œuvré à l’âge baroque à Naples, l’une des cités les plus florissantes de l’Europe d’alors. Dans cette ville qui offrait un climat favorable aux activités artistiques, des chefs-d’œuvre de l’histoire de la musique napolitaine ont vu le jour à une époque où la musique était profondément ancrée dans la vie culturelle et sociale. Les compositeurs se mettaient au service du pouvoir et de la bourgeoisie montante dans le domaine profane, celui de la  musique de chambre ou de l’opéra. Ils étaient également au service de Dieu dans le registre sacré de la musique d’église. Des demandes musicales sans cesse renouvelées généraient des répertoires en perpétuelle évolution pour satisfaire une curiosité incessante portée vers la nouveauté, provoquant le développement des genres musicaux et l’émergence de musiciens d’exception et de chanteurs virtuoses.

Ponctuée de créations et de voyages depuis Naples, sa ville natale, la vie de Porpora se déroule dans la pleine lumière de cet âge d’or de la musique baroque. Il parcourt l’Italie, Rome et Venise, se déplace à travers l’Europe, il est présent à la cour impériale de Vienne, à Londres, à la cour du prince électeur de Saxe à Dresde, avant le retour définitif à Naples. Il y poursuivra son métier de compositeur d’opéra avec un dernier ouvrage pour la scène, Il Trionfo di Camilla, et comme professeur de chant, une activité qu’il a exercée régulièrement au cours de sa carrière, formant des chanteurs et en particulier des castrats dont le célèbre Farinelli. Maître de l’opéra seria en vogue, il produisit des dizaines d’ouvrages lyriques. Sollicité pour la musique des nombreuses églises de la ville, il écrivit messes, psaumes, motets, oratorios.

Ce deuxième oratorio, véritable opéra sacré, composé par le jeune Porpora évoque la douloureuse Passion du Christ par les témoins du drame, un quatuor vocal qui représente la Justice Divine, la Vierge Marie, Madeleine et Saint Jean. Porpora fait déjà preuve d’une grande maîtrise de son art aussi bien dans la pratique du contrepoint que dans l’usage savant des chromatismes en écrivant cette partition foisonnante d’idées musicales qui se structure selon l’ordonnance récitatifs et airs et accorde à la voix toute sa puissance expressive. Les solistes chantent également en chœur, forment des duos, des trios, des quatuors. En vue d’un dramatisme plus intense, Porpora sait théâtraliser ces pages d’histoire sacrée. Il ménage les effets en faisant se succéder par contraste les arias profondément pathétiques de Madeleine et de La Vierge Marie et les interventions plus engagées de Saint Jean et surtout de la Justice aux accents parfois véhéments.

La Justice Divine merveilleusement incarnée par Blandine Staskiewicz, voix ductile au timbre lumineux, s’est exprimée avec une virtuosité qui a électrisé le texte et souligné la rhétorique baroque flamboyante de la musique. La Vierge Marie de Delphine Galou a déployé son chant tout en ferveur et émotion contenue. La voix claire et chaleureuse d’Emmanuelle de Negri, Madeleine éperdue de douleur et recueillie, a épousé avec une parfaite tenue la ligne mélodique que cette femme au destin bouleversant a inspirée à Porpora. Le ténor Valerio Contaldo a composé un Saint Jean touchant, dont la belle vocalité a séduit et convaincu le public. Thibault Noally, de son violon aux attaques précises, aux couleurs raffinées, a su accompagner avec passion chanteurs et musiciens. Tous se sont distingués en cette émouvante soirée musicale à Versailles quand la musique emporte le cœur et l’esprit vers un horizon où les contingences du réel se dissipent.



Publié le 20 déc. 2016 par Marguerite Haladjian