Première aube du monde - La Vaghezza

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Vaghezza et la première aube du monde

Lauréat du Prix du public du festival eeemerging 2017 (lire la chronique des concerts eemerging 2017 dans ces colonnes), le jeune ensemble La Vaghezza est cette après-midi de nouveau invité à ravir le public du Festival d’Ambronay, dans la salle Montervedi de l’abbaye. Inspirés par le thème de cette 39ème saison, Vibrations : Cosmos, les cinq musiciens proposent un programme mettant en évidence les « vibrations » des changements qui marquent l’aube de la musique du Baroque, un véritable monde en soi auquel se consacre La Vaghezza.

Dès le Ballo detto « Gennaro » de Tarquinio Merula (1595-1665), l’ensemble se montre très vivant, avec un jeu rythmé et sonore. L’équilibre des instruments reste toutefois à être amélioré, le clavecin de Marco Crosetto paraissant trop fort, surtout par rapport au violon de Mayah Kadish qui n’est pas très audible – certainement aussi parce que faisant face à sa collègue, le son de son instrument part dans la direction opposée du public. Dans la sonate pour violon extraite des Concerti Ecclesiastici de Giovanni Paolo Cima (1570-1622), Alfia Bakieva fait entendre le son plein et riche de son violon, avec un caractère visiblement rayonnant et une ornementation finement exécutée. Le moelleux de la violoncelliste Anastasia Baraviera contraste avec les intentions de la violoniste tout en les complétant. La Sinfonia 8 de Salamone Rossi (1570-1630) n’a pas encore trouvé l’équilibre idéal et la direction parait un rien statique. Toutefois, les couleurs proposées par l’ensemble sont intéressantes. La Canzone extraite de Musiche sacre de Francesco Cavalli (1602-1676) est quant à elle pleine de reliefs, d’intentions diverses et surtout de passages virtuoses dans lesquels les musiciens excellent. Le passage lent, au jeu sul tasto et au son voilé, sur une basse obstinée et désolée, est un joli moment.

La dansante Sonate « Il Corisino » de Francesco Turini (1595-1656) est également une démonstration de la virtuosité des trois musiciennes, telle la Diminution sur O magnum mysterium de Tomás Luis de Victoria pour violon et basse continue. Là encore, il apparaît que les passages piani et lents ne soient pas le cœur du travail de son et de direction, moins convaincants que les passages rapides et forte. La Canzone de Bartolomé De Selma Y Salaverde (1595-1638) débute justement par une partie virtuose, dansante et communicativement vivante, suivie d’une partie agréablement rétrospective avec pour seul accompagnement la grâce et la sensibilité du théorbiste Gianluca Geremia. La fière troisième partie est l’occasion de remarquer l’attention et parfois la complicité des musiciens, qui échangent, malgré leur grande concentration, quelques sourires et regards pour permettre la cohérence de leur discours. Après les belles couleurs des harmonies de la Sinfonia 9 de Rossi, Mayah Kadish enchaîne avec conviction les moments virtuoses, joueurs ou mélodieux de la Sonate « La Variata » de Biagio Marini (1594-1663). Les différentes parties sont bien menées et cohérentes malgré leurs différences, racontant comme une histoire pleine de personnages et de rebondissements. Le plaisir est tout autant patent dans la frénésie des réponses en fusées du Ballo detto « Eccardo » de Merula.

Le public, pensant sans doute que ce morceau de bravoure ne peut qu’être que la pièce finale du programme, applaudit chaleureusement. Il reste cependant la virtuosité sonore, claire et investie de la Sonata Quarta « Sonate concertate in stil moderno, II » de Dario Castello (1621-1658). Comme il a paru déchainer l’enthousiasme du public, La Vaghezza lui offre de nouveau le Ballo detto « Eccardo » de Merula, toujours avec autant de vie.



Publié le 24 sept. 2018 par Emmanuel Deroeux