Haendel, Rameau, Purcell - Sonia Yoncheva

Haendel, Rameau, Purcell - Sonia Yoncheva ©Gregor Hohenberg - Sony Classical
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Triomphe baroque pour Yoncheva

Trois ans après son concert à Pleyel, Sonya Yoncheva nous revient dans un programme baroque à la Philharmonie. Pour ce retour aux origines de son succès, la soprano est accompagnée par Alessandro de Marchi et l'Accademia Montis Regalis.

Disons tout de suite que la prestation de de Marchi nous a paru très inégale et somme toute assez décevante. Une première erreur était probablement de choisir un effectif orchestral aussi restreint pour l'immensité de la grande salle de la Philharmonie. La réverbération excessive de la salle rend compliqué l'équilibre des pupitres qui, avec un effectif total de quatorze instrumentistes, manquent un peu de matière. Du coup, plus soucieux d'équilibre que d'accentuation, de Marchi limite les effets et les pièces orchestrales sont souvent un peu plates, comme par exemple l'ouverture de Dardanus ou celle de Jules César qui n'était, de plus, pas très en place. Même si les cordes sont nettes et très précises, le choix de bois qui jouent en sourdine nuit aux sonorités et l'ensemble dégage finalement un son fort peu baroque, comme un goût anachronique...

Cette médiocre prestation de l'accompagnement et la réverbération de la salle, franchement gênante pour la voix, n'ont cependant nuit que marginalement à la très grande voix et très grande artiste qu'est Sonya Yoncheva. Dès son entrée dans un robe noire plissée évocatrice de l'Egypte pharaonique, les qualités de la voix sont évidentes. Toutes les qualités de la voix sont ici réunies : timbre somptueux, tessiture large, parfaite homogénéité du registre, projection impressionnante. Face à de telles qualités vocales, on est simplement pétri d'admiration, trouvant le temps des différentes arias fort court... Mais d'où vient alors ce petit pincement, comme un manque, un regret, qui parvient parfois à s'infiltrer ? Peut être du sentiment que tant de qualités, une telle aisance, une telle opulence vocale pourraient conduire l'interprète et l'auditeur à des sommets que nous ne faisons qu'entrevoir ? Peut être aussi d'un travail d'interprétation que je n'ai pas toujours partagé. En particulier les airs de Cléopâtre dans lesquels la personnalité de la reine, pourtant tellement affirmée par Haendel, ne parvient pas à s'imposer à la pétulance de l'interprète.

Mais ce sont là des détails au regard du plaisir que procure cette voix magnétique. Les sommets attendus sont atteints finalement dans les airs les plus dépouillés, qu'il s'agisse de Tristes apprêts qui impose au public un silence absolu ou plus encore de la mort de Didon, dans laquelle Sonya Yoncheva cisèle d'impressionnants piani qu'elle appuie sur la réverbération de la salle. Si besoin était, l’interprétation de cette aria justifierait à elle seule le concert : la vocalisation évoque comme un long sanglot, la puissance du medium se déploie pleinement et l'aigu se nuance de désespoir.

Les bis seront constitués de reprises de deux airs du concert (dont le superbe extrait de Théodora malgré un point d'orgue stylistiquement contestable) et d'une curieuse interprétation du Lascia ch'io pianga (Rinaldo) sur un rythme beaucoup trop vif et qui, s'il était délibéré (Sonya Yoncheva ayant annoncé une interprétation « pas triste ») n'en était pas impérissable.

Belle soirée qui s'est conclue sur un triomphe mérité de Sonya Yoncheva, après une prestation bissée au tambourin dans la Danse des Sauvages (Les Indes Galantes).



Publié le 23 avr. 2017 par Jean-Luc Izard