Le Théâtre de Troie. Antoine Coypel, d'Homère à Virgile.

Le Théâtre de Troie. Antoine Coypel, d'Homère à Virgile. ©Exposition Le Théâtre de Troie. Antoine Coypel, d'Homère à Virgile - Musée des Beux-Arts de Tours
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Entre gloire et oubli !

Ouvert au public le 4 mars 1795, le musée des Beaux-Arts de Tours est officiellement institué par l’arrêté consulaire du 1er septembre en 1801. Au même titre que les musées de Caen et de Nantes que nous évoquions récemment. Il est situé dans l’ancien palais archiépiscopal, proche de la cathédrale Saint-Gatien, dans le Vieux-Tours. Il s’agit d’un bâtiment historique de qualité exceptionnelle. Un ensemble architectural constitué par les divers édifices qui s’y sont ajoutés jusqu’au XVIIIème siècle. Rempart et tour gallo-romains. Vestiges de l’église Saint-Gervais-Saint-Protais (IVème-XIIème siècles). Salle dite du Synode où eurent lieu, à deux reprises (1468 puis 1484), les Etats généraux du royaume de France. En 1775, l’évêque Mgr Joachim François Mamert de Conzié (1738-1795) fit élever (à la place des écuries) l’imposant portail ainsi que l’hémicycle de la cour d’honneur qui accueillent aujourd’hui le visiteur. La Révolution transforme le lieu en théâtre, Ecole centrale, bibliothèque avant que l’arrêté départemental d’octobre 1792 n’en fasse le dépôt des œuvres saisies et confisquées. L’Empire réaffecte les bâtiments à l’archevêché, ce qui sera le cas tout au long du XIXème siècle. Les œuvres déménagent alors dans des locaux provisoires jusqu’en 1828, date à laquelle un nouveau bâtiment est spécialement érigé, en bord de Loire, pour les accueillir. 1910 : les collections réintègrent le palais archiépiscopal, la ville devenant propriétaire du lieu.

Un jardin dit « à la française » offre une agréable promenade aux visiteurs : ifs taillés en créneaux, deux parterres en mosaïculture (les motifs reprennent parfois des formes des œuvres présentées au musée). Puis au fond du jardin, un « petit bois » d’inspiration anglaise aux allées régulières. Mais ce qui interpelle le visiteur qui passe le portail, c’est bel et bien la majesté du cèdre du Liban (planté en 1804) classé « Arbre Remarquable de France » (2001). Arbre magique aux dimensions hors du commun ! 31 mètres de hauteur pour 33 mètres d’envergure, ses branches couvrant l’équivalant d’une surface de 800 m² ! Autre curiosité de cette cour, à l’abri dans un bâtiment en face du palais, Fritz, un éléphant d’Asie. Devenu incontrôlable lors d’une parade du cirque Barnum et Bailey dans les rues de Tours, il est abattu puis empaillé (1902).

Le parcours qui mène à l’Orangerie, où se tient l’exposition, permet de découvrir un palais qui a conservé une partie de son décor d’origine. C’est l’occasion d’observer des œuvres des collections du musée. Ici, peintures et mobilier évoquent les fastes du XVIIIème siècle.

Mais que vient faire ici Antoine Coypel (1661-1722) ? Qui est ce peintre, célèbre en son temps mais vite mis aux oubliettes de l’Histoire ? Pourtant, l’amateur de concerts donnés en la Chapelle Royale de Versailles, en levant les yeux vers la voûte monumentale, peut admirer des peintures illustrant des thèmes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Trois artistes majeurs s’en partagent l’exécution dont Antoine Coypel pour le centre de cette voûte (en 1709) où trône Le Père Eternel dans sa gloire apportant au monde la promesse du rachat. A cause de cette voûte très étroite et très longue, il fractionne la scène en créant « deux ouvertures feintes vers le ciel par lesquelles il fait entrer Dieu le Père et des anges portant les instruments de la Passion » (Nicole Garnier-Pelle, Dossiers de l’Art n° 295, février 2022). Et participe ainsi à la magnificence du lieu.

L’année du tricentenaire de la mort du peintre offre l’occasion de le remettre à l’honneur grâce à cette première monographie qui lui est consacrée. « Parmi les dynasties de peintres qui s’illustrèrent en France sous l’Ancien régime, rares sont celles en mesure de rivaliser avec la famille Coypel. Grâce à la constance de leurs talents et à la solidité de leurs réseaux, ses membres (du moins, certains d’entre eux) s’imposèrent pendant près d’un siècle dans les plus hautes charges dévolues aux peintres » (Alexis Merle du Bourg, ibidem). Le père, Noël Coypel (1628-1707), fut directeur de l’Académie royale de peinture et sculpture (1695) et Premier Peintre du Roi. Par ses deux mariages avec des femmes peintres, il s’allie d’abord à la famille du graveur Guillaume Chasteau (1635-1683) puis à la famille des Boullogne. Antoine naît de son premier mariage. Du second, naît, entre autres, Noël-Nicolas Coypel (1690-1734), lui aussi peintre mais qui ne connut pas le même succès que son demi-frère. Antoine aura un fils, Charles-Antoine Coypel (1694-1752), nommé Premier Peintre du Roi en 1746. Un poste que trois générations de Coypel occupèrent ! Devenu, en 1711, directeur de l’Académie royale de peinture, Antoine y donne des conférences qu’il publie en 1721. Couvert d’honneurs, il prend la défense des valeurs traditionnelles de la peinture.

Antoine Coypel en personne nous accueille ! Faisons connaissance. Il reçoit une éducation classique au collège d’Harcourt (collège de l'université de Paris, fondé en 1280 et fermé en 1793, situé à l’emplacement de l'actuel lycée Saint-Louis). Il apprend le latin et, sans doute, le grec. Il se forme à la peinture dans l’atelier paternel. Son père étant nommé directeur de l’Académie de France à Rome, en 1672, il le suit. Ils y séjournent jusqu’en 1675. Le séjour romain permet à Antoine de forger son œil en découvrant, avec émerveillement, l’art antique. Il côtoie Le Bernin (1598-1680) ou le théoricien de l’art, graveur et diplomate français, Roger de Piles (1635-1709). Retour en France en passant par l’Italie du Nord où il admire les œuvres du Titien (vers 1490-1576), de Véronèse (1528-1588) ou encore de Corrège (vers 1489-1534). En 1681, âgé de vingt ans, il est reçu comme peintre d’Histoire à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Dès lors, il participe aux grands chantiers royaux que sont les châteaux de Marly, Meudon ou Versailles. La protection des plus grands lui est acquise. En témoigne le tableau Louis XIV se reposant dans le sein de la gloire après la paix de Nimègue (toile non présentée dans l’exposition : accrochée au Musée Fabre de Montpellier, ses dimensions imposantes ne permettent pas de la transporter ; c’est aussi le cas d’autres tableaux que nous évoquerons). 1685. Il est nommé peintre ordinaire de Monsieur, Gaston d’Orléans (1640-1701) frère du roi. A l’hiver 1689, il devient son Premier peintre. Durant les dernières années du XVIIème siècle, il peint une série de toiles dont les thèmes sont issus de l’Ancien Testament. De ces toiles sont tirés des cartons de tapisserie pour la Manufacture des Gobelins. Dans la « querelle du coloris » (débat esthétique animant les peintres lors du dernier quart du XVIIème siècle afin de savoir si, dans la peinture, le plus important réside dans la couleur ou dans le tracé), il se fait le champion des Rubénistes (privilégier les sensations grâce à la couleur) contre les Poussinistes (le dessin privilégiant la forme est plus important).

Le contexte politique se dégradant (Guerre de la Ligue d’Augsbourg, 1688-1697), Antoine Coypel abandonne les grandes compositions et se tourne vers une peinture plus galante, plus légère, vers une peinture dite « de cabinet ». Œuvres que l’on dit également relever du « petit goût ». Privé de commandes publiques, il songe un instant à s’exiler en Angleterre. Philippe d’Orléans (1674-1723), futur Régent, le retient en l’assurant de son amitié. Et lui commande la décoration de la galerie du Palais-Royal, dite galerie d’Enée (aujourd’hui disparue). Autre grande commande : un décor plafonnant pour l’hôtel particulier de sa maîtresse, la comtesse d’Argenton. 1715. Le Régent le nomme Premier peintre du roi et l’anoblit en 1717.

C’est donc un Autoportrait daté de 1715 qui ouvre l’exposition. Nous ne connaissons, à ce jour, que trois autoportraits réalisés entre 1698 et 1715. Sur l’un d’entre eux, il se représente, dans son atelier, avec son fils Charles Antoine. Sur celui exposé ici, il se peint en buste de trois-quarts face sur un fond sombre. Déjà malade, il est vêtu d’une robe rouge d’intérieur (ou d’atelier), coiffé d’une perruque grisonnante à la mode louis quatorzième. La main gauche posée sur le bras d’un fauteuil. De la droite, il tient non pas l’un des attributs traditionnels du peintre (une palette, des pinceaux voire un tableau) mais un livre : le Recueil des Médailles des principaux évènements du règne de Louis le Grand publié en 1702. Coypel avait donné, dès 1691, des dessins pour la gravure. « Dessiner les médailles du roi revenait en d’autres termes à forger la gloire immortelle du souverain, activité dont le prestige dépassait de loin l’exécution d’un tableau. La noblesse de l’entreprise éclaire dès lors le caractère sérieux et presque austère de Coypel qui semble se percevoir comme un gardien du temps, un peu mélancolique. » (in catalogue). Son regard traduit cette assurance ! Tout comme la sobriété de la mise en scène. Il est à noter que ce tableau ne répond pas à une commande mais constitue un don de l’artiste à l’Académie royale. Il est mis en regard avec l’estampe de Jean-Baptiste Massé (1687-1767), gravure qui fut son morceau de réception (1717) à l’Académie royale. Dans une vitrine, la page de garde des Vies des Premiers Peintres du Roi depuis M. Le Brun jusqu’à présent, édité en 1752. Cet ouvrage reprend une conférence (mars 1745) durant laquelle Charles-Antoine retrace la vie de son père. Il éclaire les étapes importantes de sa vie privée, passe en revue les étapes de sa carrière. Une « source incontournable pour la datation, entre autres, des travaux de Coypel au Palais-Royal. » (in catalogue)

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Autoportrait (1715), Antoine Coypel, Huile sur toile, Versailles © Musée national du Château et des Trianons, dépôt du Louvre

La seconde section évoque les liens particuliers de Coypel avec la gravure. Neveu de graveur, il lance la mode de représenter ses huiles sous cette forme. Mais uniquement dans sa jeunesse. Principalement des eaux-fortes. C’est pour lui un moyen de faire connaître son œuvre. C’est aussi une source de revenus non négligeable. Rappelons que la gravure est un art graphique désignant l’ensemble des techniques utilisant soit l’incision soit le creusement pour reproduire une image, un texte,… L’une des brochures remises à l’entrée de l’exposition permet de découvrir la mise en œuvre de ces techniques.

Sont accrochées deux copies d’atelier d’originaux perdus : Jupiter et Junon sur le mont Ida ou La ceinture de Vénus (nota bene : l’original est réapparu lors d’une vente newyorkaise en janvier 2020) ainsi que Vénus apportant des armes à Enée (toutes deux vers 1700/1720). Deux œuvres prêtées par le MBA de Rennes. La première toile s’inspire d’un passage de l’Iliade, (texte attribué à Homère, composé approximativement entre 850 et 750 av. JC). Junon se rend sur le mont Ida pour y enivrer d’amour son époux, Jupiter. Le peintre figure les attributs des dieux : l’aigle de Jupiter entre les deux protagonistes ; le paon de Junon, en haut à droite. Derrière elle, deux chérubins portent les flambeaux de l’hymen puisque ils se seraient mariés sur ce mont. Au-dessus du couple divin, s’amoncelle une nuée d’or. Elle les dérobera aux yeux des hommes et des dieux. La seconde toile évoque une scène de l’Enéide (épopée de douze chants écrite entre 29 et 19 av. J-C par Virgile). Vénus apporte à son fils Enée les armes qu’elle a fait forger, pour lui, par Vulcain. Afin de vaincre Turnus, roi des Rutules. Vénus, toute en grâce, est assise et s’apprête à lui donner un bouclier, bouclier qui lui assurera l’invulnérabilité. Enée, visage enjoué, la remercie en portant la main droite sur son cœur. Des angelots accompagnent la scène située dans un paysage, en arrière-plan. Deux tableaux aux coloris vifs. Charme suave des personnages. Sens du rythme. Elégance et raffinement. Deux tableaux confrontés à deux estampes (burin et eau-forte). De Gaspard Duchange (1662-1757), Jupiter et Junon. De Jean-Baptiste Poilly (1669-1728), Vénus donnant des armes à Enée. A la différence des tableaux (sans doute prévus pour être des pendants), ces gravures, rectangulaires en largeur, n’ont pas la même taille. La première étant plus petite.

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Vénus portant des armes à Enée, vers 1700-1720, Atelier d’Antoine Coypel, Huile sur toile, Rennes, musée des Beaux-Arts © Adélaïde Beaudion – Musée des Beaux-Arts de Rennes

L’exposition se poursuit avec la reconstitution d’un grand décor disparu, celui de la spectaculaire Galerie neuve du Palais-Royal, dite galerie d’Enée. L’hostilité de Jules Hardouin-Mansart (1646-1708) l’écarte du chantier des Invalides. Philippe d’Orléans lui confie alors le décor de la grande galerie, lieu d’apparat s’il en est ! Longue de 46 mètres, haute de 8 mètres, elle est aveugle sur la rue de Richelieu mais ouverte sur le jardin. Le choix de traiter l’histoire d’Enée est novateur mais sans doute convenu entre le commanditaire et l’artiste. Rappelons que l’histoire d’Hercule, ou celle d’Apollon, est réservée à la personne du roi. Une eau-forte coloriée (vers 1780), Vue et perspective du Palais-Royal du côté du jardin de François-Antoine Aveline (1718-178 ?) donne à voir la façade construite par Jacques Lemercier (1624) mais ne permet pas d’apercevoir le bâtiment abritant la galerie qui est caché par les arbres.

La décoration de cette galerie s’effectue en deux temps : de 1701 à 1705, puis de 1715 à 1717. Coypel peint d’abord la voûte : sept grandes peintures murales, sans doute exécutées « à fresque ». Il reprend le principe de la voûte compartimentée en reliant chacune des compositions par un décor en trompe l’œil (cariatides, esclaves ou renommées). Au centre, Vénus implorant Jupiter en faveur d’Enée (achevé en 1703) qu’il est coutume d’appeler L’Assemblée des dieux. Ceci en raison des nombreuses divinités de l’Olympe qui sont représentées. Puis, six scènes tirées de l’Enéide. Ne dit-on pas que Coypel prie les plus belles personnes de la Cour de lui prêter leurs traits afin de représenter les déesses… et que ces dernières furent nombreuses ! Dix ans plus tard, à la demande du duc d’Orléans, désormais Régent de France, Coypel revient afin d’orner la partie basse de la galerie. Retour sur l’histoire d’Enée afin d’être en cohérence avec le plafond et les voussures. Sept tableaux, seront accrochés sur le mur aveugle de la galerie. « Centrées sur la figure d’Enée, les compositions forment un contrepoint terrestre aux divinités de l’Olympe présidant au plafond. Les sujets dépeints s’intercalent entre ceux de la voûte, obligeant le spectateur à naviguer du sol au plafond pour suivre l’ordre du récit. Par le choix d’une mise en scène épique et volontiers théâtrale, Coypel signe son retour à la grande peinture d’histoire qu’il affectionne tant, au « grand goût ». », explique la commissaire Jessica Degain. Le décor du plafond est peuplé de nudités peintes dans des tonalités claires, lumineuses. Le décor mural est animé de scènes guerrières au ton dramatique assuré. Deux campagnes de peinture qui marquent une évolution de style ainsi que l’aptitude du peintre à varier les registres.

Ce décor suscite l’admiration des contemporains tant par la richesse des peintures que par le somptueux mobilier qui s’y trouve. Mais ce décor n’existe plus car, à la fin des années 1770, le duc de Chartres, futur Philippe-Egalité (1747-1793) décide de réaménager la Palais-Royal et n’a aucun scrupule à détruire cette galerie ! 1784. Est construite à la place, l’actuelle Comédie-Française. Néanmoins, nous gardons des « traces » de ce décor disparu. Particulièrement des dessins préparatoires. Ainsi que quelques esquisses du plafond, conservées soit au MBA d’Angers soit au musée Réattu d’Arles. Egalement une série de douze estampes réalisées du vivant de Coypel puisque ce dernier fait graver, à partir de 1706, la galerie d’Enée. Ces gravures sont prêtées par la BnF dans le cadre de l’opération « Dans les collections de la BnF » qui présente, dans plusieurs établissements patrimoniaux, un « trésor » ou une sélection d’œuvres de ses collections. Quant aux sept tableaux de la seconde campagne de décoration, ils sont sauvés et déposés, dans un premier temps, au château de Saint-Cloud puis saisis lors de la Révolution. Les trois premières toiles sont actuellement au musée Fabre de Montpellier, les quatre autres, au musée du Louvre. Leur très grande taille ne permet pas de les faire voyager, nonobstant le fait qu’elles sont dans un mauvais état pictural, Coypel ayant fait des essais de nouvelles couleurs qui ont mal résisté au temps.

Une plaquette intitulée « Un décor disparu restitué par l’estampe » (remise à l’entrée) fournit l’historique de la galerie et liste les pièces exposées. Une suite d’estampes et d’esquisses préparatoires que nous avons tout le loisir de découvrir, d’examiner au plus près. Il a été ainsi possible d’effectuer un montage des esquisses et des tableaux, à la fois de la voûte et des murs (cf. la photo ci-dessous). Le même montage a été exécuté pour les gravures. Des espaces grisés figurent les œuvres soit perdues soit non localisées. Par ailleurs, une reconstitution virtuelle, maquette numérique en 3D de la galerie, est proposée dans un film réalisé par Fleur de Papier (diffusé sur YouTube.fr page du musée des Beaux-Arts de Tours). Une proposition de reconstruction réalisée en partenariat avec le musée Fabre de Montpellier.

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Montage des esquisses préparatoires © Musée des Beaux-Arts, Tours - JMB

Arrêtons-nous sur l’étude pour mise au carreau destinée au compartiment central de la voûte. La « mise au carreau » est une technique de carroyage (quadrillage) pour permettre ou faciliter la copie d’une œuvre, avec un changement d’échelle si nécessaire. Elle facilite le respect des proportions en décomposant les formes et les tracés en petites sections. L’étude (huile sur toile) du musée d’Angers, est exceptionnelle par ses dimensions, 95 x 195 cm. Dans un cadre en trompe l’œil, cette Assemblée des dieux voit Vénus implorer Jupiter en faveur de son fils Enée. L’ensemble des dieux est convoqué. Sont rassemblés ici les douze dieux et déesses, mais aussi plusieurs autres figures marquantes de la mythologie gréco-romaine. Si nous pouvons les reconnaître (tel Neptune et son trident ou encore Mercure, le dieu ailé), n’oublions pas que le visiteur de la galerie devait lever la tête afin de voir cette scène culminant à 8 mètres de hauteur ! En dessous de l’esquisse, dans une vitrine, l’estampe (burin et eau-forte) de Nicolas-Henri Tardieu (1674-1749). Elle adopte un cadrage plus serré, mesurant 86,4 x 104 cm. Le graveur utilise, en effet, quatre planches afin de restituer le plus grand nombre de détails. « La conjonction de l’étude peinte en couleur et des gravures invite à reconstituer mentalement l’apparence de ce décor grandiose, disparu » (in catalogue).

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Au premier plan : L’Assemblée des dieux (1717), Nicolas-Henri Tardieu d’après Antoine Coypel, Estampe, burin et eau-forte, Bibliothèqye nationale de France © BnF – Photo JMB & Au second plan : L’Assemblée des dieux (L’Olympe, esquisse pour le plafond de la galerie d’Enée du Palais-Royal) 1702, Antoine Coypel, Huile sur toile, Angers, musée des Beaux-Arts © Musée d’Angers – Photo JMB

Nous l’avons dit, Coypel est très vite conscient de l’importance de l’estampe pour diffuser son œuvre. Bien que maîtrisant les rudiments de celle-ci, il fait appel à des graveurs professionnels pour restituer son travail. Ces estampes sont accrochées sur le mur d’en face. Toutes de même taille. L’ordre d’exposition est ici chronologique. Il suit les événements à partir de la chute de Troie et non tels qu’ils apparaissent dans l’Enéide. De façon subjective, observons trois d’entre elles. Jupiter apparaissant à Enée de Louis Desplaces (1682-1739). Une composition en zigzag sur trois registres. Effets lumineux des éclairs zébrant le ciel. Jupiter apparaissant comme porté par l’aigle. Position effrayée d’Enée regardant les cieux, bras ouverts. En arrière-plan, les Troyens festoient, offrant des libations aux dieux. Les vaisseaux d’Enée changés en nymphes de Nicolas-Dauphin de Beauvais (168 ?-1763). Sujet complexe rarement représenté par les artistes. Turnus, roi des Rutules, a mis le feu aux vaisseaux des Troyens qu’il assiège. Vaisseaux protégés par Cybèle qui les transforme en nymphes. Disposition pyramidale guidant le regard vers Cybèle, couronnée de tours et conduisant un char tiré par des lions. Poses alanguies des divinités marines. Alentours, vents (à la tête ailée) soufflant sur ces dernières. La mort de Turnus, de Jean-Baptiste Poilly, qui marque l’ultime épisode de l’Enéide. Animé par le désir de venger son ami Patrocle, Enée tue Turnus, lors d’un combat singulier. Touché à la cuisse, ce dernier demande grâce, implore la clémence de son ennemi. Enée reconnaissant le baudrier de Patrocle, lui ôte la vie. Mise en scène théâtrale. Espace structuré. Souci du détail. Rendu de l’expression des passions (la colère d’Enée) qui animent les protagonistes. Un mot sur les cartouches placés en bas au centre de chacune des scènes. Ces inscriptions aident le visiteur dans la lecture de ces scènes qui peuvent être, parfois, difficiles à identifier. Ici, une courte sentence tirée de l’Enéide. L’usage des cartels (cartouche, plaquette, étiquette fixés sur le cadre d'un tableau, le socle d'une statue et portant une inscription qui identifie l'œuvre) sous les tableaux va en grandissant durant le XVIIIème siècle pour devenir une norme à partir du XIXème siècle.

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La Mort de Turnus, Jean-Baptiste Poilly, d’après Antoine Coypel, Matrice gravée entre 1717 et 1721 : tirage de la seconde moitié du XVIIIème siècle, Estampe, burin et eau-forte en contrepartie, (élément d’impression) © Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie – Photo JMB

Parenthèse. Si nous avons évoqué le plafond de la Chapelle royale de Versailles, il convient de dire un mot au sujet d’un autre grand plafond de Coypel : celui de l’hôtel d’Argenson, en cours de restauration. En 1923, la Banque de France obtient l’autorisation de détruire cet hôtel en contrepartie de la promesse de remonter les décors. Remontage qui s’achève à l’hôtel de Rohan abritant, avec l’hôtel de Soubise attenant, une partie des Archives nationales. Ce Triomphe de l’amour sur les dieux déploie un thème galant, s’il en est ! Des amours facétieux tentent d’arracher aux dieux leurs attributs. Plafond qui sera accessible au public, à partir de mars 2022.

Lors de son passage au collège d’Harcourt, Antoine Coypel s’initie au latin et découvre la littérature antique dont il s’éprend. Un goût pour les textes anciens qui se traduit par des sujets empruntés à Homère, à Virgile. Nous en avons confirmation, s’il est besoin, avec les tableaux du musée de Tours. Une mise « en exergue (de) la postérité des deux œuvres tourangelles dans la grande tradition de la peinture d’Histoire. » (in catalogue). La Colère d’Achille et son pendant, Les Adieux d’Hector et d’Andromaque, mêlent les coloris éclatants de Pierre-Paul Rubens (1608-1640), les têtes d’expression de Charles Le Brun (1619-1690) et une théâtralité qui s’inspire des pièces de Jean Racine (1639-1699).

Outre des dessins préparatoires et des gravures, est exposé un moulage (plâtre armé) de la célèbre statue antique, Tête et torse du Laocoon. Remarquons « l’expression du visage du prêtre troyen qui deviendra rapidement l’archétype de la représentation de la douleur ; un exemple que Charles Le Brun aura à l’esprit quelques années plus tard, lors de l’élaboration de ses travaux sur l’expression des passions. » (in catalogue). Le Brun codifie les émotions, les passions au travers d’une représentation visuelle de celles-ci. Ainsi chaque passion est associée à une expression physique. Une expression tourmentée reprise pour le devin Calchas. Une gravure à l’eau-forte et burin de Jean Audan (1667-1756) présente : La Colère. Là aussi une planche qui a très certainement inspiré Coypel pour construire le visage d’Achille. Nota bene : la première édition de L’Expression des Passions de l’Ame (1727) décrit de façon détaillée la passion dont il est alors question. Le Brun remarque en général que le sourcil exprime plus que toute autre partie l’extériorisation des Passions. Ensuite les yeux, la bouche, le nez, voire les joues. C’est ce qui est pleinement figuré dans ce dessin repris par Audran.

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La Colère d’Achille, Antoine Coypel, Huile sur toile, gros plan sur le visage d’Achille © Musée des Beaux-Arts de Tours

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La Colère d’Achille, Antoine Coypel, Huile sur toile © Musée des Beaux-Arts de Tours

Revenons aux tableaux. Ils témoignent de l’attrait du peintre pour Homère à une époque où ce dernier est peu apprécié. D’abord, La Colère d’Achille. Le guide de la visite, déjà évoqué, offre une lecture détaillée, véritable « mode d’emploi » pour la compréhension de ce tableau. Achille, furieux, est prêt à tirer le glaive contre Agamemnon. Athéna apparait pour le retenir, le conjurant de combattre par des mots. Elle le retient non pas par les cheveux, ce qui était jugé inconvenant pour un héros, mais par le bras. Calchas, assis au centre de la composition, implore le ciel. A droite, même attitude pour Nestor, drapé de bleu. A gauche, Ulysse, assis à proximité des navires grecs, observe la scène. Rigueur de la composition en frise. Figures nombreuses aux visages largement expressifs. Souci de la précision dans le rendu des cuirasses, des sandales ou des casques à panache. Voire des lambrequins de la tente. Importance de la couleur due à l’emploi de teintes chaudes. Sur le dessin préparatoire (trois crayons, pierre noire et sanguine rehauts de craie blanche sur papier vergé bleu) la position d’Athéna est différente.

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La Colère d’Achille (vers 1710), Antoine Coypel, Trois crayons sur papier bergé bleu oxydé © Musée des Beaux-Arts de Tours – Cliché D. Couineau

Quittons Achille pour Hector et ses adieux à Andromaque. A nouveau une composition en frise, chargée en personnages. Sur un fond d’architecture cette fois-ci. A nouveau la fouge de la dramaturgie proche de celle de la pièce éponyme de Racine… Goût pour le théâtre dont Coypel recommande l’étude aux artistes.

Soucieux d’accomplir son devoir et défendre son peuple, Hector embrasse son épouse et son fils Astyanax. Andromaque le supplie de rester, pressentant un drame. « (…) ne fais pas de l’enfant un orphelin, de ta femme une veuve » (Ovide, chant VI). Cet épisode de l’Iliade a fait l’objet de nombreuses représentions tant picturales que théâtrales. La scène se déroule sur les remparts de Troie. Affliction des femmes sur la gauche. Soldats à cheval sur la droite. Episode à la fois tragique et tendre. Le visage d’Hector, qui lève les yeux au ciel, exprime une douleur aigue. Celui d’Andromaque, la tristesse. De la tendresse aussi pour cet enfant apeuré, effrayé qui cherche les bras maternels. Aux pieds d’Andromaque, un petit chien symbole traditionnel de la fidélité. Les deux tableaux ont été gravés par Nicolas-Henri Tardieu.

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Les Adieux d’Hector et d’Andromaque (vers 1711), Antoine Coypel, Huile sur toile, gros plan sur les visages lors de la scène des adieux © Musée des Beaux-Arts de Tours

Parenthèse. Le succès des tableaux de Coypel est tel qu’ils sont reproduits en tapisserie par la Manufacture des Gobelins, ainsi que le cycle des épisodes de l’Ancien Testament dont il termine les cartons en 1717-1718. Puis une tenture de l’Iliade dont les deux tableaux sus nommés sont les premiers cartons. Des problèmes de santé, puis sa mort en 1722, l’empêchent de terminer l’exécution des cartons. Des membres de sa famille mènent à bien l’achèvement des derniers modèles. Un chapitre du catalogue (pages 143 à 151) est consacré à cet aspect de la vie artistique du peintre.

« L’exposition s’achève sur une ouverture au XIXème siècle afin de souligner la postérité de l’œuvre d’Antoine Coypel et l’évolution de cette grande peinture d’Histoire. » (in dossier de presse). D’abord au travers des arts décoratifs. Sont exposées deux pendules, en bronze doré, datant du premier Empire. Pendule Achille et Agamemnon : le sacrifice d’Iphigénie (cadran signé Robin) : remarquons la proximité de pose d’Achille (personnage de droite) avec celle du tableau de Coypel. La posture des personnages, ainsi que ceux représentés sur le socle, se rapproche de la statuaire antique. Pendule Les Adieux d’Hector et Andromaque (cadran signé Lepaute) : nous retrouvons la figure emblématique de la douleur de la mère et de l’épouse. Hector, dans un élan amoureux, recouvre son épouse de son bouclier. Andromaque lui tend leur fils qui s’élance vers son père assurant ainsi de lien entre les deux figures, au-dessus du cadran. Le relief de bronze, sur le socle en acajou, est décoré d’un relief en rapport avec le sujet.

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Les Adieux d’Hector et Andromaque, Lepaute, Pendule, Bronze doré © Mobilier national – Isabelle Bideau

Nous retrouvons la colère d’Achille sur trois tableaux réalisés pour le Prix de Rome de 1810 et 1881. Ces œuvres sont l’image de la persistance des sujets homériques tout au long du XIXème siècle. Mais ils montrent, également, les changements intervenus dans la représentation du thème de la colère d’Achille. Le premier est dû au pinceau de Jean-Baptiste Auguste Vinchon 1786-1855). Un tableau qui a bénéficié de la campagne de restauration menée par le musée de Tours (YouTube, page du musée des beaux-Arts de Tours). Nombre restreint de personnages disposés en frise. Emotions contenues. Au centre de la scène, Nestor vêtu de bleu, pointe son doigt vers le ciel. Des maladresses anatomiques, telle l’épaule démesurée du soldat casqué sur la droite du tableau. Palette restreinte de tons sombres, hormis le rouge du drapé qui couvre les jambes d’Agamemnon. Mais tonalités plus lumineuses (blanches et bleues) de la robe d’Athéna. Michel-Martin Drölling (1786-1851) remporte le prix avec le second tableau exposé. Tableau salué par la critique, car il «se fait remarquer par l’agrément de la composition, un bon goût de dessin, une exécution très soignée. » (in catalogue). Le Journal de l’Empire félicite l’artiste d’être « le seul (à avoir) établi cette scène entre le camp et les vaisseaux des grecs, à la vue du ciel et de la vaste mer. » (ibidem). Personnages toujours disposés en frise. Emotions expressives mais empreintes de retenue. Rigueur formelle des attitudes, même si Athéna est plus aérienne et pose, avec délicatesse, sa main sur l’épaule du héros. Coloris aux tons chauds. Recherche d’une beauté idéalisée. Ce qui permet de rattacher cette toile au courant néoclassique.

Troisième tableau peint (1881) dans le cadre du Prix de Rome, celui de Louis Paul-Edouard Fournier (1857-1917). Le thème est toujours le même : Achille détourné de sa colère par l’intervention, ici musclée, d’Athéna ! En effet, elle est représentée cette fois-ci touchant (tirant ?) les cheveux d’Achille. Rappelons que, comme pour tous les autres tableaux présentant cette scène, le peintre doit rendre Athéna invisible aux yeux des autres protagonistes. Gageur s’il en est ! Achille est figé net dans son élan meurtrier. La cour d’Agamemnon est, quant à elle, frappée de stupeur. Peinture claire aux ombres peu contrastées qui font penser à une… bande dessinée ! Mélange des découvertes archéologiques (les poteries, le trépied,…) avec une théâtralité pleinement assumée (scène masquée d’un voile presque blanc qui la baigne d’une lumière éblouissante). Gamme de couleurs rappelant celle des lécythes à fond blanc (vases funéraires à parfum, spécifiques de l’art grec caractérisés par leur fragilité et la finesse des scènes peintes). Profil grec des personnages.

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La Colère d’Achille (1881), Louis-Paul Edouard Fournier, Huile sur toile, Paris, Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts © Beaux-arts de Paris, Dist. RMN-Grand-Palais / image Beaux-Arts de Paris

Pour terminer notre visite, des caricatures d’Honoré Daumier (1808-1879). Lithographies, dessinées entre 1841 et 1843, révélant la dérision de l’Antiquité. Elles font partie de sa série Histoire ancienne, publiée dans Le Charivari. Sont accrochées ici quatre des cinquante planches. Parodies de célèbres épisodes de l’Iliade, de l’Odyssée. Mais également des Aventures de Télémaque, roman de Fénelon (1651-1715) publié en 1699. « Les cibles du génial caricaturiste ne sont pas, loin s’en faut, l’Antiquité et ses héros, mais bien la manière dont ses contemporains –artistes et gens de théâtre- persistent à interpréter les grands textes de l’Antiquité par (…) les conventions de la peinture à sujet antique, encore largement soumise à des formules néoclassiques éculées. » (in catalogue). Ménélas vainqueur inaugure la série. Puis, L’Enlèvement d’Hélène, La Colère d’Agamemnon et enfin Achille sous sa tente. Avec, à chaque fois, sous le dessin, la légende de la scène. Daumier convoque, alors, des vaudevillistes pour écrire ces vers ! Il est amusant de découvrir un Ménélas, champion de la guerre de Troie (les cadavres jonchent le sol à l’entour), ventripotent, à l’air suffisant, avançant à la manière d’un danseur. Il ramène son Hélène à la maison. Mais une Hélène à la beauté déchue et tout aussi dodue. Il est évident qu’elle ne l’entend pas de cette oreille et fait un pied de nez à son cocu de mari qui… semble s’en moquer! Sur une autre gravure, les rôles sont inversés : Hélène est une costaude qui enlève son amant Pâris ! Pâris qui profite de la situation, juché sur l’épaule de sa dulcinée, fumant ce qui semble être un cigare. Scènes où le laisser-aller des personnages n’a plus rien d’antique pour ce qui concerne les planches suivantes ! Achille n’est plus un héros mais fume, avachi sur une chaise à bascule dans sa tente. Son ami Patrocle figure une maitresse de maison lustrant son bouclier. Sur le dernier dessin, Agamemnon vieilli injurie son ami Achille qui… semble n’en n’avoir cure, préférant continuer de pêcher. Esprit de dérision qui se retrouve, par exemple, dans La Belle Hélène, célébrissime opérette de Jacques Offenbach (1819-1880).

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L’Enlèvement d’Hélène, Honoré Daumier, Lithographie tirée de l’Histoire ancienne, planche 13, 1841-1843 Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie © Bibliothèque nationale de France

Clap de fin sur notre visite ! « Célèbre en son temps, Antoine Coypel est l’auteur de nombreuses peintures d’Histoire et de scènes mythologiques galantes, faisant le transition entre le « grand goût » de Charles Le Brun et le « petit goût » du siècle de Louis XV » selon le propos de Jessica Degain. Avec Charles de La Fosse (1636-1716), Jean Jouvenet (1644-1717) et les Boullogne, il représente une période de transition entre la peinture du siècle de Louis XIV, froide et austère, et une peinture plus légère et souriante, annonciatrice du XVIIIe siècle. Il allie, non sans une certaine aisance, coloris vifs et teintes lumineuses. La ligne graphique est fine et précise. Malgré cela, son art s’est rapidement démodé et fut, parfois, jugé décadent. Bref, un artiste tombé, au fil du temps, dans un relatif oubli mais remis à l’honneur grâce à cette exposition.

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Une riche programmation culturelle accompagne l’exposition : cycle de conférences, visites commentées (le samedi à 14h30), spectacles divers. Des cours d’histoire de l’art pour tout public et même un cycle de trois péplums à la cinémathèque de Tours. L’exposition fait également l’objet de médiations réservées au jeune public. Voir les détails sur le site du musée des Beaux-Arts de Tours.
A noter : le musée de Rennes et le château de Versailles programmeront, fin 2023-début 2024, une exposition consacrée à son père, le peintre Noël Coypel.



Publié le 25 févr. 2022 par Jeanne-Marie BOESCH