Enfants du Siècle d'or - Œuvres de la Fondation Custodia

Enfants du Siècle d'or - Œuvres de la Fondation Custodia ©www.latribunedelart.com
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Portraits intimes


Deux de nos chroniques, datées de la fin mars 2017 (Du dessin au tableau au siècle de Rembrandt & Dessiner le quotidien – La Hollande au Siècle d’or), avaient, déjà, un lien avec la peinture néerlandaise du Siècle d’or (1584-1702). Petit rappel historique. Les provinces du nord des Pays-Bas deviennent indépendantes en se libérant de l’autorité espagnole (Union d’Utrecht du 23 janvier 1579). Durant cette période de tensions religieuses, elles prônent la liberté des cultes. Le calvinisme se répand grâce à une bourgeoisie enrichie par le commerce du drap et le trafic maritime. Peu à peu, la clientèle habituelle des peintres (noblesse et institutions religieuses) cède le pas à cette bourgeoisie. La puissance de celle-ci ne cesse d’augmenter, faisant des Provinces-Unies une nation prospère devenant la première puissance maritime mondiale.

Nous retrouvons cette période si féconde dans la seconde exposition organisée par la Fondation Custodia. Elle fait suite à celle consacrée aux portraits de famille peints par Frans Hals (1582/83-1664) et dont nous venons de publier la chronique (7 juillet 2019 : Portraits de famille). « Protagonistes centraux des portraits de famille, les enfants sont aussi un sujet à part entière pour beaucoup de peintres hollandais et flamands du XVIIème siècle. Tour à tour charmants, cabots, attendrissants, sages ou drôles, innocents, insupportables et bruyants, ces gamins forment une galerie étonnamment intemporelle, présentée (dans cette exposition qui) offre une sélection de tableaux et d’œuvres sur papier issus (du riche fond) de la collection Custodia. » (in plaquette de présentation). Notons que Frits Lugt, créateur de cette fondation, avait projeté une telle exposition. Prévue en 1970, elle ne vit jamais le jour du fait du décès brutal de l’historien d’art.

L’exposition offre un vaste panorama de la production artistique consacrée aux portraits individuels d’enfants. Nous commençons notre visite par trois petits tableaux (huile sur panneau) dont les peintres sont anonymes. Le « Portrait de Grietge Maertensdochter » (Pays-Bas, Frise occidentale, 1629) : le nom de l’enfant apparaît dans le coin supérieur droit. Il nous permet de dire qu’il s’agit d’une fillette, « la fille de Martin ». Malgré la présence des armoiries, le nom de la famille reste encore inconnu. Représentée en pied sur un sol dallé en damier devant un fond sombre, la fillette tient un panier de cerises. Le rouge de celles-ci met une touche de couleur dans l’ensemble ! Elle est vêtue d’une tenue sombre, coiffée d’un bonnet noir. Sur le tablier, probablement de batiste, on distingue trois grelots qui pendent à la ceinture. Le collier de corail à deux rangs fait écho au rouge des cerises. Rappelons qu’on prêtait des vertus apaisantes voire curatives à ce collier. Il est orné d’une petite corne à laquelle sont suspendus plusieurs symboles cosmiques (étoile, lune,…). Grietge tient dans sa main droite une friandise qui intéresse vivement un chien dressé sur ses pattes arrière.


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Portrait de Grietge Maertensdochter (1629) – Anonyme, Pays-Bas, Frise occidentale – Huile sur panneau – En haut à gauche, armoiries avec, au centre, les lettres I M P entrelacées ; en dessous, l’âge du modèle et la date, en lettres dorées : Ætatis Svæ 1 ½ / an.º 1629 ; en haut à droite, le nom du modèle : Grietge Maertens. / Dochter © H. J. A. Raedt van Oldenbarnevelt, La Haye ; vente Amsterdam, Frederick Muller (Raedt van Oldenbarnevelt et autres), 15-16 avril 1902, n° 45 (comme « manière de J. Wz. Delff ») ; acquis en 1904 par Frits Lugt (inv. LXXII) – Fondation Custodia

Le « Portrait d’un enfant de six mois » (Pays-Bas du Nord, 1626) représente un enfant debout sur un sol de marbre noir et blanc. Chose impossible ! Ce bébé, en pied, a une attitude hiératique. Comme précédemment, le fond neutre et sombre fait ressortir la richesse du costume : tresses de fil d’or sur les manches et le bonnet, fine dentelle autour du col de batiste ainsi que du tablier aux pliures soignées. On retrouve le collier de corail rouge, ici à trois rangs, que portaient les enfants en bas âge. Une croix en or sert de pendentif ce qui permet d’en déduire que l’enfant appartient à une famille catholique. Il porte également, à chaque poignet, trois rangs de ces mêmes perles. L’enfant tient dans sa main droite un hochet d’argent à quatre grelots.


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Portait d’un enfant de six mois (1626) – Anonyme, Pays-Bas du Nord – Huile sur panneau – Inscrit et daté en haut à gauche : Out, 6, Maenden / A°, 1626 © Donation de Marc Verspyck, Paris, au Fonds de dotation Frits Lugt le 22 septembre 2018 ; transmis à la Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris (inv. 2018-S.32) – Fondation Custodia

Un troisième tableau, « Portrait en buste d’une fillette » (Pays-Bas du Nord ?, vers 1635 ?). La représentation en buste est un format plus courant au XVIIème siècle. La frimousse suggère un air espiègle. Les grands yeux noirs regardent en coin. Elle porte un vêtement de couleur rouge agrémenté d’un col de fine dentelle en deux parties dont on peut admirer l’extrême délicatesse du rendu. De même en ce qui concerne la chevelure blonde toute en frisettes et ornée d’un bandeau ou bonnet peu habituel. La rosette de la ceinture, celle-ci portée haute, permet de dater le portrait du milieu des années 1630.


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Portrait en buste d’une fillette (vers 1635) – Anonyme, Pays-Bas du Nord ? – Huile sur panneau © Max et Maurice Rosenheim (1849-1911, et 1852-1922), Londres ; leur vente, Londres, Sotheby’s, 2 mai 1923, n° 143 ; acquis à la vente par Frits Lugt, La Haye (inv. 1180) – Fondation Custodia

Autre portrait aux boucles blondes : « Portrait d’une fillette avec un chevreuil » (huile sur toile, vers 1675) dû au pinceau de Nicolas Maes (1634-1693). Elle est présentée dans un paysage boisé, au crépuscule comme l’indique la couleur rose du ciel. Le chevreuil se tient très proche derrière elle. De sa main droite, elle recueille, dans une coquille, l’eau de source qui coule des rochers. La fillette est vêtue d’un costume « fantaisie » : un sorte de tunique blanche sur laquelle est drapé un grand châle aux couleurs changeantes, dans les tons de rose, qu’elle retient de sa main gauche. Elle est chaussée de fines sandales. Une attitude peu naturelle pour agrémenter une scène de composition bucolique !


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Portrait d’une fillette avec un chevreuil (vers 1675) – Nicolaes Maes (1634-1693) – Huile sur toile – Signé en bas à gauche, sur le bassin de la fontaine (à droite de la cassure) : MAES © Paul Mersch (1859- ?) Paris ; sa vente Paris, Drouot, Maître Baudouin (« collection de M. P. M… »), 8 mai 1908, n° 48 ; Isidore Montaignac (1851-1924), Paris7 ; peut-être vente Londres, Christie’s (collection Henry H. Howorth et autres, Lugt n° 86078) 14 décembre 19238 ; vente Paris, Drouot, Pierre Bergé & associés, 15 décembre 2010, n° 72, ill. ; acquis à la vente par la Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris (inv. 2011-S.3) – Fondation Custodia

Nous retrouvons ce paysage champêtre dans le « Portrait d’une jeune fille cueillent des raisins» (huile sur toile, vers 1638/40) peint par Johannes (Jan) Mijtens (1613/14-1670). Nous nous trouvons à la lisière d’une forêt où coule un ruisseau. Une jeune fille interrompt sa cueillette pour nous regarder. Là aussi, elle porte un vêtement de fantaisie : une robe de satin bleu agrémentée d’une ceinture dont la couleur brune ocrée se confond avec le paysage alentours. Un rang de perles orne son cou ainsi que sa coiffure aux cheveux détachés. Arrêtons-nous sur deux aspects de la symbolique picturale : d’abord le raisin qui suggère l’innocence mais peut aussi constituer le simple élément d’un décor champêtre. Puis le pavot qui figure au premier plan à gauche dans le bas du tableau : il symbolise généralement la fertilité, ici sans doute celle de la famille de la jeune fille. Seules touches de couleur de ce tableau : ses feuilles d’un vert sombre et sa fleur rouge.


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Portrait d’une jeune fille cueillant des raisins (vers 1638/40) – Johannes (Jan) Mijtens (1613/14-1670) – Huile sur toile © Collection particulière ; vente Londres, Christie, 29 janvier 1954, n° 160, comme « D. Mytens » ; acquis à la vente par Frits Lugt, La Haye (inv. 6631) – Fondation Custodia

La chasse est un divertissement prisé. Nombreuses sont les familles faisant représenter leurs enfants en chasseurs et chasseresses. Ainsi en est-il du « Portrait de Cornelis van Groenendyck (1658-1704) » (huile sur toile, 1668) d’Abraham van den Tempel (1622/23-1672). Le garçonnet portraituré ici appartient à l’une des plus importantes familles de la ville de Gouda (Hollande méridionale). Il en fut d’ailleurs échevin (magistrat municipal adjoint au bourgmestre). Il porte un costume dont les couleurs de brun s’harmonisent avec le paysage environnant. Remarquons le bouillonné des manches, celui du jabot de dentelle. Sur sa main gantée, il tient un épervier. Le chaperon sur la tête de l’oiseau indique que la chasse est terminée. Ceci d’autant que les prises (deux oiseaux) gisent à ses pieds. A côté de ceux-ci, un filet enroulé autour de piquets, évoque une autre méthode de chasse. Cornelis est assis, sans doute appuyé contre un arbre. Sa tête blonde, tournée vers nous, nous regarde, un léger sourire aux lèvres. Un chien agrippé à sa jambe gauche complète le tableau.


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Portrait de Cornelis van Groenendyck (1658-1704), (1668) – Abraham van den Tempel (1622/23-1672) – Huile sur toile – Signé et daté en bas à gauche : A v Tempel / f 1668 © Legs Van den Kerckhoven au musée municipal de La Haye ; musée municipal de La Haye jusqu’en 1904 ; en 1935, en prêt de longue durée au Mauritshuis, La Haye ; transféré en 1954 au Dienst Verspreide Rijkscollecties (devenu l’ICN [Instituut Collectie Nederland] puis le Rijksdienst voor het Cultureel Erfgoed) ; prêt de longue durée de l’ICN à la Fondation Custodia, inv. B. 755 (inventaire ICN) – Fondation Custodia

Une huile sur toile attribuée à Jacob van Oost l’Ancien (1603-1671) présente « Trois jeunes gens, l’un dessinant ». Au premier plan, un adolescent est concentré sur le dessin (un visage) qu’il exécute sur une feuille de papier bleu. Rappelons que le dessin est la base du métier de peintre. Il faisait également partie de l’apprentissage que se devait de suivre tout jeune homme de bonne famille. Derrière lui, la main sur son épaule, un jeune homme vêtu de rouge, chapeau noir sur la tête. Ce geste protecteur laisse à penser qu’il encourage le dessinateur. Un troisième personnage complète la scène sans pour autant y participer. En arrière-plan, une balustrade baignée de lumière. Le décor ne donne pas réellement d’indications sur le lieu où elle se passe : un atelier ou la demeure d’un collectionneur ?


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Trois jeunes gens, l’un dessinant – attribué à Jacob van Oost (1603-1671) – Huile sur toile © Vente Londres, Sotheby’s, 26 juin 1957, n° 144 ; acquis à la vente par Frits Lugt, Paris (inv. 6958) – Fondation Custodia

Un mot sur le prêt, par l’Amsterdam Museum, du « Portrait du peintre Jan van de Cappelle » de Gerbrand van den Eeckhout (1621-1674) qui retrouve son épouse « Annetje Jans Grotincx » peint par Jan van Noordt (1623/24-1676/86). Ce dernier appartient à la Fondation Custodia. Il s’agit de deux huiles sur toile (1653) que l’on nomme « pendant » dans la mesure où ils étaient accrochés ensembles sur un même mur. Généralement l’époux sur le panneau de gauche, l’épouse sur celui de droite.
Jan van de Cappelle (1626-1679) est un peintre renommé pour ses marines et ses paysages hivernaux. (L’un de ceux-ci est accroché entre leurs deux portraits : un lac gelé sur lequel des joueurs de palets s’adonnent à cette activité alors que des barques sont prises dans la glace). Le peintre est représenté à mi buste dans un paysage que l’on devine boisé. Vêtu de sombre (un costume orné de pompons qu’on devine sur l’épaule et les manches), le visage étant éclairé par la blancheur du col fermé par un double lien en fils argentés. Deux pampilles à l’extrémité. Il tient délicatement l’un d’elle de sa main droite. Regard franc dans notre direction… Fine moustache et lèvres légèrement entr’ouvertes qui esquissent un léger sourire. Son épouse est représentée sur un fond clair, un ciel ennuagé typique des tableaux de cette période. Egalement vêtue de noir, la blancheur de son bonnet, du grand col et des manchettes met en valeur son teint diaphane. Son regard semble passer par-dessus notre épaule. Ses lèvres sont légèrement fardées comme ses joues roses. Une délicate boucle d’oreille en perles pend à son oreille gauche. Les roses qui l’entourent indiquent que leur mariage peut être à l’origine de la commande.


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Portrait du peintre Jan van de Cappelle, (1653) – Gerbrand van den Eeckhout (1621-1674) – Huile sur toile © Amsterdam Museum, inv. SA 40424


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Portrait d’Annetje Jans Grotincx, épouse de Jan van de Cappelle, (vers 1653) – Jan van Noordt (1623/24-1676-1686) – Huile sur toile © Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 8335

Quittons l’univers des tableaux pour celui du dessin. Les portraits individuels d’enfants sont ici aussi à l’honneur. Et comme précédemment, le modèle, à de rares exceptions près, ne peut être identifié. Si certaines feuilles sont connues du public, nombre d’entre elles n’ont encore jamais été exposées. Ainsi en est-il du « Garçon jouant du violon entouré de chiens (Le Savoyard) » (eau-forte, 1658) de Karel du Jardin (1626-1678). L’air sérieux et appliqué du jeune garçon contraste avec l’espièglerie, le regard plein de malice de l’« Enfant jouant du tambour à friction » d’Adriaen van der Werff (1659-1722) présenté plus loin. Ce tambour à friction ou « rommelpot » est un pot de terre cuite couvert d’une vessie de porc dans laquelle on faisait passer un roseau ; la main humide faisait tourner celui-ci qui émettait alors un bruit de scie. Les enfants s’en servaient en faisant du porte à porte lors de diverses fêtes hivernales.


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Garçon jouant du violon entouré de chiens (Le Savoyard), (1658) – Karel du Jardin (1626-1678) – Eau-forte (rognée au coup de planche) – Signé et daté, en haut à gauche, K. DU IARDIN fec / 1658 © Acquis du marchand Helmut H. Rumbler, Francfort-sur-le-Main, par la Fondation Custodia, 2018 (inv. 2018-P.63) – Fondation Custodia


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Un enfant jouant du tambour à friction – Adriaen van der Werff (1659-1722) – Pointe du pinceau et encre grise, lavis gris, sur un tracé à la pierre noire et traces de sanguine ; pièce de papier ajoutée en haut à gauche et dans le coin droit © Vente, J. G. Cramer, Amsterdam (Jan Matthias Cok), 13 novembre 1769 sqq., Album H, n° 424 ; vente, Sir Henry Thurston Holland, Ier Vicomte Knutsford (1825-1914) et son héritier, Londres (Sotheby’s), 11 avril 1935, n° 94, à Frits Lugt (L. 1028) (inv. 4887) – Fondation Custodia

Des enfants endormis sont souvent représentés. Frans van Mieris l’Ancien (1635-1681) dessine (pierre noire) le fils d’un ami : « Willem Paets dans son berceau ». Le dessin est daté (en bas à gauche pour nous), du 15 (octobre, barré) novembre 1665. Willem Paets est donc âgé de deux mois et demi, puisque né en août de cette année-là. Le bébé, aux joues bien pleines, est profondément endormi. Les rayures noires, derrière lui, rendent l’ombre portée de la capote à bordure d’osier. Autre « Enfant endormi » (anonyme hollandais, 1666) : il l’est profondément, paisiblement ainsi que la tête enfoncée dans l’oreiller le laisse voir. Ici la technique de dessin mêle le gris de la pierre noire et le rouge de la sanguine. Cette dernière est utilisée pour le visage du nourrisson, souligne les fossettes de la main du bébé et encadre le dessin.


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Willem Paets dans son berceau (1665) – Frans van Mieris l’Ancien (1635-1681) – Pierre noire – Inscrit, en bas à gauche, d’une main du XVIIe siècle, au graphite, Anno 1665 den / in [ochtober barré] 15 November [le 15 placé au-dessus] ; en bas à droite, à la plume et à l’encre brune, N : 14. [correction du numéro 10] © Collection Cornelis Paets (1636-1694), Leyde ; son fils Willem Paets (1665-1740), Leyde ; probablement par héritage à Willem Paets, Leyde, 1740-1750 ; sa veuve Maria le Leu de Wilhelm, Leyde, 1750-1751 (possiblement vendu par l’intermédiaire de Gerard Hoet à Van der Marck) ; collection Johan van der Marck Aegidiusz. (1707-1772), Leyde, jusqu’en 1772 ; sa vente, Amsterdam (De Winter & Yver), 29 novembre 1773 sqq., Album J, n° 859, 6,5 fl., à Louis Metayer (1728-1790), Amsterdam ; sa vente, Amsterdam (Van der Schley et al.), 16 décembre 1799 sqq., Album I, n° 4, 8,10 fl., à Bernardus de Bosch (1709-1786), Amsterdam (pas dans sa vente du 10 mars 1799) ; vente, Cornelis Sir John G. Carew-Pole (1902-1993), Londres (Christie’s), 1er décembre 1970, n° 113, à la Fondation Custodia (inv. 1970-T.33) – Fondation Custodia


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« Enfant endormi » (1666) – Anonyme hollandais – Sanguine et lavis gris ; trait d’encadrement à la sanguine – Inscrit par l’artiste, à la sanguine, en bas à gauche, illisible (probablement la date) ; tracé par une main postérieure, à la plume et à l’encre brune, 1666 in Arnhem den 16 Jullij. Au verso, en bas à droite, au pinceau, cp © Acquis du marchand Drucot, Paris, par Frits Lugt (L. 1028), 1937 (inv. 5161) – Fondation Custodia

Parfois nous avons simplement l’étude d’une tête, telle cette « Etude de tête de fillette » de Cornelis de Vos (1584/85-1651). Il est indiqué qu’il y a, au verso, une « Esquisse de la charité » (pierre noire) que nous découvrons grâce à une reproduction photographique. La tête est dessinée sur un papier bleu à la pierre noire avec des rehauts de craie blanche. Un trait à l’encre brune encadre le visage. Douceur du modelé, joues rondes, mèches de cheveux délicatement bouclées encadrant le visage, rendu des cils, bouche mis close… Tout concourt à la délicatesse de ce portrait ! Il irradie de douceur !


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Étude de tête de fillette – Cornelis de Vos (1584/85-1651) – Pierre noire et rehauts de craie blanche sur papier bleu ; trait d’encadrement à l’encre brune © Collection privée, France (comme faisant partie d’un album assemblé au XIXe siècle) ; le marchand Jean-Marie Le Fell, Paris ; auprès duquel la Fondation Custodia l’a acquis, 2002 (inv. 2002-T.7) – Fondation Custodia

Harmen ter Borch (1638- ?1677) représente sa sœur cadette « Jenneken ter Borch écrivant » (sanguine sur velin, 1653). Nous « entrons » là dans l’intimité d’une famille connue ! Le Père, Gérard l’Ancien (1582/83-1662) apprit à dessiner à l’ensemble de ses enfants dès leur plus jeune âge. Il conservait chacune de leurs productions en les annotant le plus souvent sur le recto. Sur le dessin exposé, cette mention figure en haut au milieu. Elle nous permet de connaître le nom et l’âge du dessinateur (Harmen, quatorze ans) ainsi que le prénom du modèle (Jenneken) qui est pleinement absorbée par ce qu’elle écrit. Remarquons la délicatesse du trait tant dans le rendu des manches de la robe que des fines boucles de cheveux qui encadrent le visage. Une scène comme croquée sur le vif où l’on sent poindre la tendresse. « Le choix inhabituel du vélin trahit la valeur spéciale que l’artiste attachait à ce portrait de sa sœur de treize ans » (in catalogue en ligne).


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Jenneken ter Borch écrivant (1653) – Harmen ter Borch (1638-1677) – Sanguine sur vélin ; trait d’encadrement à l’encre brune – Inscrit, par Gerard ter Borch l’Ancien, en haut au milieu, à la plume et à l’encre brune, Har.t Borch de[n] 8.Novembr 1653. nae Janneke[n] © Vente, Sir Kenneth MacKenzie et al., Londres (Sotheby’s), 15 février 1921 sqq., n° 100 ; collection Dr Erwin Rosenthal (1889-1981), Berlin ; de qui Frits Lugt l’a acquis (L. 1028), 1924 (inv. 1921) – Fondation Custodia

Une autre sanguine de leur frère Gérard ter Borch, le Jeune (1617-1681) : « Tête d’un jeune homme ». Le jeune garçon présente son profil gauche, les yeux levés. Le trait est précis et rend avec minutie les ondulations de la chevelure.


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Tête d’un jeune homme – Gerard ter Borch le Jeune (1617-1681) – Sanguine © Collection Gustav Nebehay (1881-1935), Berlin ; acquis de ce dernier par Frits Lugt (L. 1028), 1928 (inv. 3666) – Fondation Custodia

Les scènes domestiques, les scènes de repas sont également présentes. Ainsi la « Fillette mangeant sa bouillie » (anonyme hollandais du XVIIème siècle) : le dessin est exécuté à la pierre noire sur papier brun. Des rehauts de craie blanche éclaircissent le portait. La fillette est assise dans un fauteuil en bois et tressage d’osier d’après ce que nous devinons. Une cuiller dans la main qu’elle s’apprête sans doute à tremper dans un pot à gruau posé sur ses genoux. La bouillie est un repas ordinaire, composé de céréales et d’eau, voire de lait. La fillette tourne le regard vers sa droite. Elle semble visiblement enjouée, heureuse de ce qui se passe de ce côté-là !


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Fillette mangeant sa bouillie – Anonyme hollandais (XVIIe siècle) – Pierre noire et rehauts de craie blanche sur papier brun © Acquis du marchand Matthiesen, Londres, par Frits Lugt (L. 1028), 1946 (inv. 5882) – Fondation Custodia

Jacques de Gheyn II (1565-1629) représente « La Prière avant le repas » (vers 1595.) Il s’agit d’une gravure au burin signée en bas au milieu, dans l’une des bandes du carrelage du sol. La famille est réunie autour de la table au moment du bénédicité (rendre grâce à Dieu pour le don de nourriture qu’il fait aux hommes). Tous ont les mains jointes. Le père et le fils aîné lèvent leur regard vers le haut. Notons que seuls les parents sont assis, les enfants restant debout pendant que tous mangent. Un chien est aux pieds de sa maîtresse. Une servante apporte un plat alors que la seconde vaque à ses occupations dans ce qui peut être une cuisine en arrière-plan. La scène insiste sur la transmission des valeurs familiales. En témoigne la symbolique utilisée par l’artiste. D’abord la vigne qui grimpe sur le mur à côté de la mère : une référence au Psaume 128/127 qui compare la femme à une vigne féconde et les enfants à des plants d’olivier. D’ailleurs une pousse se trouve derrière chacun des enfants. Sur la gauche du dessin, nous remarquons un arbre au bord d’un ruisseau qui, lui, symbolise le père de famille. Sous l’estampe, un poème en quatre quatrains : il s’agit d’une interprétation de ce même psaume par l’humaniste écossais George Buchanan (1506-1582) dont on lit le nom sur la droite.


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La Prière avant le repas (vers 1595) – Jacques de Gheyn II (1565-1629) – Gravure au burin – Signé, en bas au milieu, IDGeijn in et ex. (IDG entrelacé) ; dans la marge inférieure, FElix ô ter […] Cingent agmine mensam ; signé, en bas à droite, Georg. Buchan (George Buchanan) © Collection Albertina, Vienne ; obtenu par échange par Frits Lugt (L. 1028), 1924 (inv. 1605) – Fondation Custodia

Une particularité : l’« Etude pour un portrait de famille » d’Adriaen van Ostade (1610-1685). En fait, il s’agit de trois études datant probablement du milieu des années 1680. Le groupement des personnages varie d’une feuille à l’autre bien que les parents restent plus ou moins au même emplacement. Leur posture, elle non plus, ne varie pas. Par contre, la place des groupes d’enfants est à chaque fois modifiée. « En plaçant les trois feuilles les unes à côté des autres, on a l’impression (…) d’accompagner l’artiste dans sa recherche de la meilleure composition ; celle dans laquelle il voulait sans doute faire ressortir l’amour filial et familial (...). Van Ostade a d’abord mis en place les figures au moyen d’une abondance de tracés libres au graphite : rien de plus que l’indication globale de leur emplacement à l’intérieur de la composition. Il a ensuite repassé certaines lignes à la plume et à l’encre pour cristalliser les différentes postures tout en prenant en compte les différents âges des enfants. » (in catalogue en ligne)


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Etude pour un portrait de famille (vers 1654) – Adriaen van Ostade (1610-1685) – Plume et encre brune, lavis gris et brun, sur un tracé au graphite © Collection John Postle Heseltine (L. 1508) ; possiblement sa vente, Londres (Sotheby’s), 7 juin 1920 sqq., n° 187 ; acquis du marchand Frank T. Sabin, Londres, par Frits Lugt, 1923 (inv. 1190) – Fondation Custodia


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Etude pour un portrait de famille (vers 1654) – Adriaen van Ostade (1610-1685) – Plume et encre brune, lavis gris et brun, sur un tracé au graphite © Collection Edward Peart (L. 891) ; vente, Warwick Castle, Londres (Sotheby’s), 17 juin 1936, n° 97 (sous le nom de C. de Moor), acquis par Frits Lugt (inv. 5037) – Fondation Custodia


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Etude pour un portrait de famille (vers 1654) – Adriaen van Ostade (1610-1685) – Plume et encre brune, lavis gris et brun, sur un tracé au graphite ; trait d’encadrement à la plume et encre brune © Vente, Samuel Woodburn (1786-1853), Londres (Christie), 12 juin 1860 sqq., n° 1289, 9 £, à « Daniell » ; collection John Charles Robinson (L. 1433) ; collection John Postle Heseltine (L. 1507) ; possiblement sa vente, Londres (Sotheby’s), 7 juin 1920, n° 187 ; vente, Henry Oppenheimer (1859-1932), Londres (Christie’s), 10 juillet 1936 sqq., n° 275, acquis par Frits Lugt (inv. 5096) – Fondation Custodia

Nous retrouvons la signature de Rembrandt Harmensz.van Rijn (1606-1669) sur trois dessins datés des années 1640/1650. Le portrait (eau-forte) d’un petit garçon dessiné de profil. Un « Nu masculin, assis et debout (« Het rolwagentje », le Trotteur)», une eau-forte sur papier japon. Curieuse dénomination s’il en est ! Si notre regard se porte au-delà des figures masculines, la scène en arrière-plan représente une femme, accroupie, qui encourage un enfant à marcher vers elle. Ce dernier, les bras tendus, essaie d’avancer vers elle en s’aidant d’un trotteur (notre actuel youpala !). Les nus sont de jeunes hommes bien campés. Puis une « Femme portant un enfant sur ses genoux » (plume et encre brune, lavis brun et pinceau sec ou doigt) : il s’agit là d’un motif cher à Rembrandt. L’enfant est blotti dans les bras de la femme. Ses deux mains devant sa bouche, il nous regarde. Notons les « repentir » : la tête de la femme est, de prime abord, top loin de celle du bébé. L’artiste abaisse alors son visage et corrige les premiers traits, mais sans entrer dans les détails.


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Portrait d’un garçon, de profil (1641) – Rembrandt Harmensz. van Rijn (1606-1669) – Eau-forte (deuxième état) – Signé et daté, en haut à gauche, Rembrandt f 164[1]. Au verso, inscrit, en haut à gauche, au graphite, illisible (coupé) ; en haut au milieu, au pinceau, 70114 ; au milieu à gauche, au pinceau, B310 /R310/S310 [Bartsch, Rovinski, Seidlitz] ; au milieu, au graphite, 310 ; en bas à droite, au pinceau, No. 310 © Collection Frédéric-Auguste II de Saxe (1797-1854), Dresde (L. 972 et L. 685) ; son épouse, la Princesse Maria Anna von Bayern, Reine de Saxe (1805-1877) ; son neveu, George I, Roi de Saxe (1832-1904) ; son fils, Johann Georg Prince de Saxe (1869-1938) ; acquis de ce dernier par Frits Lugt (L. 1028), 1925 (inv. 2386) – Fondation Custodia


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Nu masculin, assis et debout (« Het rolwagentje », Le Trotteur), (vers 1646) – Rembrandt Harmensz. van Rijn (1606-1669) – Eau-forte sur papier japon ; légèrement retouchée par une main postérieure à l’encre brun-gris – Inscrit au verso : en haut au milieu, à la plume et à l’encre brune, AIGX (probablement un code de prix) ; au milieu, à la plume et à l’encre brune, N°:186 (numéro Gersaint) ; en bas à droite, à la plume et à l’encre brune, 186 ; en bas à gauche, au pinceau, 13914 ; en bas au milieu, au pinceau, B. 194I ; une légère trace d’un autre tirage du Bartsch 194 au verso © Collection Nathaniel Smith (L. 2298) ; sa vente, Londres (King), 9 avril 1804 sqq., probablement n° 59 (3e jour), £4.11 ; collection Paul Davidsohn (L. 654) ; sa vente, Leipzig (C. G. Boerner), 26 avril 1921 sqq., n° 162, DM 11,500, à Carlos Gaa ; sa vente, Leipzig (C. G. Boerner), 5 mai 1926 sqq., n° 811, à Frits Lugt (L. 1028) (inv. 2468) – Fondation Custodia


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Femme portant un enfant sur ses genoux (vers 1645-1650) – Rembrandt Harmensz. van Rijn (1606-1669) – Plume et encre brune, lavis brun et pinceau sec ou au doigt ; trait d’encadrement à la plume et à l’encre brune (partiellement coupé) © Collection Chevalier de Damery, Paris (L. 2862) ; sa vente, Paris (Regnault-Delalande), 18 novembre 1803 sqq., n° 67 (probablement partie de ce lot) ; collection Baron Nicolas de Plater (vers 1880-1957), Paris ; collection Lucien Huteau & Max Bine, Paris ; acquis de ce dernier par Frits Lugt (L. 1028), 1925 (inv. 2143) – Fondation Custodia

Les deux derniers dessins qui ont retenu notre attention sont de la main de Hendrick Goltzius (1558-1617). Un « Chien endormi » (vers 1596) avec au verso l’ « Etude du même chien, vu de dos » (pointe de métal ou graphite sur papier ou parchemin préparé jaune, issu probablement du carnet à dessin de l’artiste). Il s’agit d’un épagneul à perdrix de Drenthe, un chien d’arrêt à poil mi-long, lisse ou ondulé. Un soin particulier a été apporté au rendu de ce pelage. L’artiste a su rendre la tendresse qui était la sienne pour celui qui était très certainement son chien. Dans le « Portrait de Frederick de Vries » (gravure sur burin, signée et datée de 1597), nous retrouvons l’animal. Le jeune garçon s’apprête à partir à la chasse : il « enfourche » le chien tel un chevalier sa monture, un faucon prêt à s’envoler sur son poing droit. Tous deux, enfant et animal, nous regardent d’un air malicieux ! Remarquons la précision de la gravure : aspect noueux du tronc à l’écorce rugueuse… détails du vêtement dont le gilet semble briller et précision du rendu de la dentelle du col… longs poils du chien aux pattes de… lion !


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Chien endormi ; verso : Étude du même chien, vu de dos, (vers 1596) – Hendrick Goltzius (1558 – 1617) – Pointe de métal et graphite sur papier ou parchemin préparé jaune ; ligne d’encadrement à la pointe du pinceau et à l’or © Vente, Johan van der Marck Aegidiusz. (1707-1772, Leyde), Amsterdam (De Winter & Yver), 29 novembre 1773 sqq., Album U, n° 1894, associé aux nos 1895, 1896 et 1897, à Oets, 25 fl. ; vente anonyme, Amsterdam (Ph. van der Schley), 17 juillet 1775 sqq., Album A, n° 7 ; vente anonyme, Amsterdam (Ph. van der Schley & Yver), 5 décembre 1785 sqq., Album D, n° 278, avec n° 279, 1 fl., à Nijman ; vente, Jean Bernard (1765-1833, Amsterdam), Amsterdam (De Vries), 24 novembre 1834 sqq., Album C, n° 6, à De Vries ; vente, Jacob de Vos Jbzn (1803-1878, Amsterdam), Amsterdam (Fr. Muller), 22 mai 1883 sqq., n° 211, avec n° 210, 30 fl., à Alphonse Wyatt Thibaudeau (c. 1840 – c. 1892, Londres et Paris) ; vente, Cremer, Zebinden et al., Amsterdam (Fr. Muller), 15 juin 1886 sqq., n° 106, 23 fl., à Pieter Langerhuizen Lzn (1839-1918), Crailoo ; sa vente, Amsterdam (Fr. Muller), 29 avril 1919 sqq., faisant partie du n° 914L, à S. Duits, pour Frits Lugt (L. 1028) (inv. 262) – Fondation Custodia


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Portrait de Frederik de Vries (1597) – Hendrick Goltzius (1558-1617) – Gravure au burin (premier état), (rognée au coup de planche) – Inscrit, signé et daté, en bas à gauche, Cum Privil. Sa. Cae. M. / Anno 1597 / HG. ; dans le cartouche en bas, Theodorico Frisio Pictori egregio / aput Venetos amicitiae et filij absentis / repraesentandi gratia D.D. ; dans la marge inférieure, Quid tabula h[a]ec…in a[e]re manu. ; et signé en bas à droite, P. Scriverius © Acquis lors d’une vente anonyme, Paris (Boisgirard), par Frits Lugt (L. 1028), 1951 (inv. 6408a) – Fondation Custodia

Notre visite s’achève. Si notre choix fut exhaustif, il n’en demeure pas moins que les œuvres présentées offrent un beau panorama de la palette artistique des artistes de ce Siècle d’or. Elles nous permettent de mieux appréhender, de mieux comprendre les étapes préparatoires aux grands portraits de famille. A cette occasion, plusieurs tableaux ont été restaurés et replacés dans des cadres anciens. Les dessins, issus d’albums ou de porto-folio, ont eux-aussi bénéficiés d’un encadrement spécifique. Comme d’autres visiteurs, nous avons regretté l’absence d’un catalogue papier qui nous aurait permis de continuer notre voyage de façon plus palpable… Notons cependant l’excellence du catalogue en ligne qui, lui, est consultable tant sur place que… chez soi !



Publié le 15 août 2019 par Jeanne-Marie BOESCH