Entretien avec Daniel Cuiller

La passion comme maître mot !


Daniel CUILLER, violoniste de formation et chef d’orchestre, dirige depuis 1987, l’ensemble Stradivaria qui figure parmi les meilleures formations internationales. L’Ensemble s’attache à interpréter le répertoire des XVIIème et XVIIIème siècles dans le pur respect des goûts musicaux de l’époque et des intentions originelles des compositeurs. La critique est unanime à reconnaître les qualités artistiques et interprétatives de l’Ensemble. Nous avons d’ailleurs rendu compte, dans nos colonnes, de deux enregistrements Te Deum pour les victoires de Louis XV d’Henry Madin (1698-1748) et La Guerre des Te deum d’Esprit Joseph Antoine Blanchard (1696-1770) et de François Colin de Blamont (1690-1760). La Guerre des Te Deum a fait l’objet d’une série de concerts. Il nous a été permis d’assister à la représentation donnée en l’abbaye de Moyenmoutier (88) dans le cadre du XVIème Festival des Abbayes en Lorraine.

BaroquiadeS :Bonjour Daniel Cuiller. Une première question : racontez-nous votre parcours musical ?
Daniel Cuiller : Bonjour,
Après des études de violon « classique », grâce aux rencontres avec certains pionniers qui s’intéressaient à l’interprétation de la musique ancienne, aux moments partagés en concert, par goût aussi et connivence avec ma future partenaire Jocelyne, j’ai pu vivre une expérience de découvreur dans ce monde « baroque » où l’apprentissage se faisait à la force du poignet… pléonasme éloquent quant à l’instrument que je pratique !
Je devins alors un peu rebelle au monde où j’avais été formé, j’avais besoin de comprendre par moi même !

BaroquiadeS : Quelles ont été les étapes cruciales de votre cheminement artistique ?
Daniel Cuiller : La rencontre (Sigiswald Kuijken, Gustav Leonhardt), la découverte d’un son (Bruce Haynes), l’échange dans le travail du répertoire grâce à mes amis du quatuor (Pariser Quartet) à l’origine du groupe existant depuis 1982 sous le nom d’Ensemble Baroque de France, qui deviendra Stradivaria.
De nombreux enregistrements, bien sûr (Concertos de Leclair, Pièces de Rameau, de Couperin…) et beaucoup de découvertes parmi lesquelles je vis un long parcours en compagnie des joyaux du répertoire français, qui me touche toujours par la distinction de son propos, par la délicatesse de son langage propre à émouvoir les plus aguerris des interprètes pour peu qu’ils se laissent aller aux beaux gestes, une initiation à un monde sonore, en quelque sorte …

BaroquiadeS : Nous notons le soin que, votre Ensemble et vous, apportez à l’ornementation et au phrasé, aux diapasons et aux tempéraments, … Quelle force vous anime pour soulever ces « montagnes de travail » que sont la recherche préparatoire des œuvres, les éventuelles transcriptions, les répétitions et leur diffusion (concerts, enregistrements,…) ?
Daniel Cuiller : Tout ce que vous évoquez est le lot quotidien des interprètes qui, comme moi, tentent d’être fidèles à leur engagement.
Montagne de travail, oui, mais satisfaction du service rendu à une meilleure connaissance d’un patrimoine fragile qui resterait inconnu, ignoré aussi dans sa dimension pédagogique par de nombreux amateurs ou connaisseurs (ainsi les nommait Carl Philip Emanuel BACH) à qui nous devons bien de partager notre passion.

BaroquiadeS : A chacune de vos prestations, la Musique transparaît comme valeur universelle, voire une articulation entre le monde, la pensée et l’émotion. Devons-nous y voir transparaître une grande sensibilité doublée d’une intelligence artistique, toutes deux dissimulées derrière la fonction de chef ?
Daniel Cuiller : Comme c’est difficile de répondre à votre question qui est, en soi, le regard le plus éloquent que vous puissiez porter sur notre façon de vivre avec la musique !

BaroquiadeS : Votre investissement artistique et musical, apparaissant comme une véritable profession de foi, vous a valu d’être nommé chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres en septembre 2018. Comment avez-vous vécu cette distinction ?
Daniel Cuiller : Bizarrement surpris au début par ce choix porté sur moi, puis finalement convaincu par mon entourage que c’était bienvenu et certainement mérité !

BaroquiadeS : Cette nomination vous a-t-elle ouvert des portes qui, jusque lors, demeuraient entrebâillées et/ou fermées ? Une sorte de sésame…
Daniel Cuiller : Absolument pas !.. Vous plaisantez ?
Je n’ai jamais cherché à utiliser des appuis ou des relations, quelles qu’elles soient, pour ouvrir les voies que je me suis ouvertes tout seul !

BaroquiadeS : Aujourd’hui, quelles sont vos attentes ? Vos souhaits ?
Daniel Cuiller : Continuer à transmettre ce qui a été un cadeau de toute ma vie, jouer la musique et la partager.
Souhaiter aux plus jeunes musiciens d’entretenir leur enthousiasme, ce qui m’a aidé au long de mon parcours.

BaroquiadeS : Et demain, quels sont vos projets musicaux ?
Daniel Cuiller : Les œuvres connues côtoient les moins connues, les musiciens attachés, comme moi, à rétablir un attrait pou les répertoires « oubliés » comprendront ce que je veux dire…
Il n’y a pas de choix particulier ; seulement accompagner et ouvrir l’écoute d’un public curieux, comme nous, de découvrir …

BaroquiadeS : Merci beaucoup Daniel de nous avoir consacré de votre temps. BaroquiadeS suivra avec attention votre actualité.
Daniel Cuiller : Merci à vous, cher Jean Stéphane !



Publié le 14 févr. 2020 par Jean-Stéphane Sourd Durand