Rencontre avec Paolo Zanzu

BaroquiadeS : Bonjour Paolo. Vous avez fondé récemment un nouvel ensemble sur instruments d’époque, Le Stagioni, qui a déjà donné plusieurs concerts. Pouvez-vous retracer votre parcours musical pour nos lecteurs ?

Paolo Zanzu : J’ai commencé très jeune l’étude du violon et du piano, puis, à l’âge de quinze ans, j’ai découvert le clavecin.

BaroquiadeS : Qu’est-ce qui vous a donné aussi jeune le goût des instruments anciens ?

Paolo Zanzu : Mes parents sont historiens de l’art, j’ai grandi dans les ateliers de restauration : j’avais donc une forte proximité avec les oeuvres d’art anciennes. Le hasard a aussi joué son rôle : quand je suis venu passer le concours du CRR de Paris, les épreuves de clavecin se tenaient une semaine avant celles de piano. Admis en clavecin, je n’ai finalement pas passé le concours de piano. J’ai ensuite poursuivi mes études de clavecin et de pianoforte au CNSM de Paris et au Royal Academy de Londres.

BaroquiadeS : Claveciniste et chef d’orchestre, c’est une association qui n’est pas rare dans le monde baroque. Quelles en sont les raisons ?

Paolo Zanzu : Historiquement, c’était le maestro al cembalo qui dirigeait l’opéra depuis son clavecin, avec le concours du violon solo. Aujourd’hui, c’est toujours le cas. Le clavecin joue tout au long de l’oeuvre, accompagnant les chanteurs dans les récitatifs et les airs. Il sert également de base rythmique et harmonique pour tout l’orchestre. De plus, pendant les répétitions, c’est au clavecin que l’on travaille l’oeuvre tout entière.

BaroquiadeS : Vous vous êtes donc orienté assez rapidement vers la direction d’orchestre ?

Paolo Zanzu : Très tôt, j’ai eu envie de diriger. J’ai donc étudié la direction d’orchestre à Paris et j’ai eu la chance, par la suite, de devenir l’assistant de grands chefs, tels que William Christie et John Eliot Gardiner.

BaroquiadeS : Un grand honneur en effet, mais aussi une lourde responsabilité !

Paolo Zanzu : C’est en effet une responsabilité importante que d’être l’assistant de si grands chefs, mais j’aime aussi les défis liés à cette fonction. Du reste, il est très différent d’etre chef assistant, chef invité ou de diriger sa propre formation. Chacune de ces positions comporte ses difficultés propres, qui ne sont pas seulement musicales : elles peuvent aussi être d’ordre politique ou psychologique, par exemple.

BaroquiadeS : Diriger sa formation est un rêve qui se réalise ?

Paolo Zanzu : C’est là où on a le plus de liberté. Cela permet de rechercher plus librement un son, de développer l’idéal esthétique que l’on cultive et de recréer les oeuvres que l’on aborde telles qu’on les imagine.


© Mari Shimmura

BaroquiadeS : Quel est votre répertoire de prédilection ?

Paolo Zanzu : Le XVIIIème siècle.

BaroquiadeS : Mais n’est-ce pas un défi que de vouloir embrasser un répertoire aussi vaste et varié ?

Paolo Zanzu : Le XVIIIème siècle est peut-être, en musique comme en architecture, en littérature ou en philosophie, la période historique où l’on assiste pour la première fois à une mondialisation des courants et des esthétiques. Dans le cas de la musique, ce sont les compositeurs italiens qui, dès la fin du XVIIème siècle, créent le cadre dans lequel évolue la musique européenne au cours du XVIIIème siècle : une sorte d’ensemble de canons formels et esthétiques qui imprègnent tout le continent et dont l’héritage perdure encore au XIXème siècle.

BaroquiadeS : Cette vision nourrit-elle vos concerts ?

Paolo Zanzu : La croisée des chemins musicaux en Europe a été, dès nos débuts, un thème fondamental. Pour notre premier concert, au mois d’octobre dernier, salle Cortot, nous avons choisi Haendel, qui a opéré dans sa musique une synthèse exceptionnelle des styles et des esthétiques européens. Au mois de mars, nous allons donner un concert à Edimbourg avec un programme consacré aux échanges musicaux entre l’Italie et l’Ecosse au XVIIIème siècle. A Paris, au mois de mai, nous participerons à l’émission de Clément Rochefort Génération France Musique, le live, avec des oeuvres de Bach. En juin, nous donnerons un programme de musique française, avec des oeuvres de Clérambault, Leclair et Rameau. Pour ces deux concerts, nous serons accompagnés par la mezzo-soprano Anna Reinhold.
A Semur-en-Auxois, où l’ensemble est en résidence, nous donnerons au mois d’avril un concert dédié à Bach et Haendel, avec la basse Renato Dolcini, et au mois de juillet l’oratorio de Haendel La Resurrezione, mis en scène par Elsa Rooke.

BaroquiadeS : J’ai vu en effet que vous étiez en résidence dans cette petite ville de Bourgogne : n’est-elle pas un peu à l’écart des chemins habituels du baroque musical ?

Paolo Zanzu : La ville est très belle et évoque ces cités italiennes qui ont eu leur heure de gloire à la Renaissance. Son théâtre, reconstruit au début du XXème siècle, est une perle. Dans les années 80, des artistes du calibre de Scott Ross, Michel Chappuis et Blandine Verlet y donnaient régulièrement des concerts et des stages de musique baroque. Proche de Paris et de Lyon, Semur-en-Auxois se trouve en Côte-d’Or, qui est désormais, grâce à l’Opéra de Dijon et au Festival de Beaune, un centre majeur de création musicale. Le festival Ouverture vient également d’y être crée.
Je suis convaincu que cette synergie d’initiatives, unies à l’accueil chaleureux que la ville a réservé à notre projet, donnera un nouveau souffle à la vie musicale locale.

BaroquiadeS : Vous êtes également un claveciniste réputé. Votre premier disque est consacré aux Suites pour clavecin de Haendel. D’autres enregistrements sont-ils prévus ?

Paolo Zanzu : Mon prochain enregistrement, consacré aux Suites anglaises de Bach, paraîtra au printemps. Dernièrement, j’ai aussi pris part à l’enregistrement de l’intégrale des Sonates de Domenico Scarlatti pour France Musique.

BaroquiadeS : Je vois que vous débordez de projets, nous tenterons de les suivre du plus près possible !



Publié le 04 févr. 2019 par Bruno Maury