Rencontre avec Raffaele Pè

BaroquiadeS : Bonjour Raffaele. Comment passe-t-on de la chorale de la Cathédrale de Lodi au répertoire baroque ?

Raffaele Pè : En fait, le passage s'est fait plutôt facilement. Quand j'ai commencé à chanter, vers 6-7 ans, les premiers morceaux que j'ai abordés, étaient les oratorios de Haendel. Notamment, je me rappelle très bien Le Messie, Joshua, Judas Maccabée. Pour l'Italie, c'est plutôt rare de trouver de telles occasions. À l'époque, mon Maestro était passionné de musique baroque et c'est grâce à lui que j'ai pu écouter l'intégrale des cantates de Bach de Sir John Eliot Gardiner. J'ai eu un coup de foudre. Et puis, Palestrina, Monteverdi et d'autres compositeurs encore

Pendant la pandémie, nous, artistes, nous nous sommes sentis un peu abandonnés, mais cela nous a servi pour étudier. Selon moi, les artistes ont eu beaucoup de temps pour réfléchir: pourquoi faisons-nous cela ; quelle est notre position dans le panorama culturel global ; quel est notre rôle. Dans ce cadre, je peux affirmer que j'ai personnellement beaucoup bénéficié de la pandémie. Mais le manque de contact a été terrible, l'impossibilité de jouer des opéras et de travailler avec d'autres artistes, musiciens, le manque de public. Le public constitue une part fondamentale de notre travail.

Malheureusement, l'impression que nous, personnes du monde théâtral, avons créé plus de problèmes pendant la pandémie, s'est largement diffusée. C'est vraiment terrible et encore aujourd'hui, on en voit encore les séquelles. Beaucoup de personnes achètent leur billet à la dernière minute, par peur que le spectacle ne soit annulé. La distanciation sociale a réduit le nombre de places disponibles.

BaroquiadeS : Il y a encore beaucoup découvrir sur la musique baroque ?

Raffaele Pè : Énormément, et pas seulement en ce qui concerne le matériel ou les sources. Il existe encore beaucoup d’œuvres qui n'arriveront pas à la dignité d'être redécouvertes mais ce qui compte davantage, si nous considérons le baroque comme quelque chose de moderne, alors oui, c'est une mine inestimable, inépuisable de créativité. Même pour des musiciens qui ne s'intéressent pas uniquement au XVIIIͤ siècle, mais qui jouent également des œuvres de Bellini, de Puccini, de Verdi. Désormais, Puccini ou Verdi sont très loin de nous. Aujourd'hui, ils appartiennent à une archéologie musicale. En fait, c'est un peu ce que nous faisons avec le répertoire à disposition. Chaque fois que l'on joue une partition au théâtre, ce qui est écrit, ou disons la façon de traduire ce qui est écrit, peut à chaque fois être l'objet d'une redécouverte baroque, la redécouverte de quelque chose de neuf.

Nous avons collaboré avec Barbara Nestola pour L'Amour malade, une œuvre attribuée à Lully. Mais grâce au travail de Barbara Nestola et de Luca Della Libera, nous avons découvert que le noyau central de l’œuvre est de Marazzoli et nous avons retrouvé le manuscrit dans les Archives secrètes du Vatican. Nous l'avons ensuite joué à Pise pendant la période du premier confinement. C'est un très bel opéra d'ailleurs, comique, amusant. C'est une petite comédie où l'Amour est malade, désespéré, malade de trop d’amour. Il ne réussit pas à sortir de ce feu qui le consume. Et qui essaie de le soigner ? La Raison, le Temps et la Fureur qui lui expliquent comment survivre aux peines d'amour. C'est très intellectuel mais aussi très amusant parce que la fin de l’œuvre est bouffe : le Temps lui dit qu'il va le soigner, grâce à quelque chose de très beau qu'il a inventé : la musique. Et l'Amour s'endort grâce au Temps qui lui joue une magnifique mélodie. Merveilleux, une métaphore extraordinaire.

BaroquiadeS : Vous avez aussi travaillé avec William Christie, Jordi Savall. Comment s'est déroulée cette expérience ?

Raffaele Pè : William Christie et Jordi Savall représentent la grande redécouverte du baroque dans les années quatre-vingt. Je les considère comme mes Maestri, même s'ils ne le savent pas. Mais je me suis nourri de leurs enregistrements quand j'ai commencé à étudier la musique et c'était très beau. Au début, je les craignais beaucoup, comme Gardiner. Ce sont désormais des figures monumentales, historiques. Mais j'ai beaucoup aimé comprendre quel était le secret de chacun d'entre eux dans leur façon de considérer la musique. Par exemple, pour Jordi Savall, il y a un lien inné avec la nécessité d'exprimer le naturel, la simplicité, même quand il s'agit d'un air populaire. Pour lui, c'est là que se trouve le cœur de toute grande musique, y compris le baroque. Pour Gardiner, le baroque est l'un des nombreux mondes musicaux où il s'exprime avec beaucoup d'assurance. Pour William Christie, tout part du clavier. Ce sont trois points de vue extrêmement différents et avoir pu travailler avec eux, a été une source d'inspiration. En partie parce que, comme le disait l'un de mes professeurs, il faut toujours trahir les Maestri. Les trahir signifie également transmettre leur apport, mais pour cela, il faut aussi bien les connaître. C'est une façon de les faire connaître aux nouvelles générations. Je les porte tous dans mon cœur. Jordi et moi, nous nous voyons souvent. Il a été très malade mais il a recommencé à travailler encore plus intensément qu'avant en abordant des œuvres très différentes, ce qui est la plus belle façon de recommencer à faire de la musique après le confinement.

BaroquiadeS : Et la création de la Lira d'Orfeo ?

Raffaele Pè : Oui, merci de me poser cette question. Cela me fait très plaisir. Je suis un chanteur un peu particulier, dans le sens où, à un certain moment de ma recherche musicale, j'ai ressenti l'exigence d'élargir le travail effectué sur la voix au monde instrumental. Un peu parce que moi-même j'ai étudié des instruments, le clavecin… Mais je ressens profondément, et on retrouve énormément cet aspect dans les traités du XVIIͤ et XVIIIͤ siècles, le fait que la voix est absolument le point de départ de toute lecture musicale, y compris dans le monde instrumental. La Lira d'Orfeo est un défi. Je me suis dit : pourquoi ne pas créer autour de la voix, un groupe de musiciens qui commence à travailler de cette façon, en expérimentant bien sûr. Aujourd'hui, la technique vocale du monde baroque a beaucoup changé par rapport aux années où Jordi Savall, Gardiner ou William Christie ont commencé à travailler. Aujourd'hui, il y a un grand retour au mode belcantiste, surtout en Italie où il n'y a jamais eu de véritable interruption. Je pense qu'il s'agit d'une grande ressource en Italie qui n'a pas été explorée par rapport au monde baroque. Mon intention est donc de tenter une réunification, comme au temps de notre glorieux passé théâtral, du monde vocal et du monde instrumental. En attendant, quand je présente la Lira di Orfeo, je souligne notre travail dans la musique vocale du XVIIͤ et XVIIIͤ siècles. Et être présent à Martina Franca est l'un des plus beaux projets qui nous soit arrivé. Au cours d'un unique Festival, présenter deux monuments tellement différents de l'école napolitaine : Griselda d’Alessandro Scarlatti et une œuvre de son concurrent plus jeune, Porpora. Jusqu'à présent, il n'existe pas d'enregistrement d’Angelica de Porpora, mais nous y travaillons.

En ce qui concerne la musique de cette période, il faut réussir à imaginer comment les contemporains utilisaient les textes à leur disposition. Quand nous allons au théâtre Piccolo de Milan écouter l'histoire de Lehman de Ronconi, c'est le texte qui compte. Pour nous, c'est exactement la même chose: la musique crée l'aura du texte. Il est clair que les textes actuels ne sont plus les mêmes qu'autrefois. Ainsi, dans notre travail sur Aci e Galateo, nous avons fait émerger quels étaient les grands thèmes du XVIIIème siècle, un peu comme Ovide, L’Arioste, Le Tasse, tout le monde des grandes épopées chevaleresques. Il est évident que c'est une question de rang, de sociologie, caractéristique de cette période.

BaroquiadeS : Cependant, Roland reste sur ses positions et ne fait pas évoluer l'action...

Raffaele Pè : C'est vrai, mais c'est le choix qu'a fait Métastase dans son premier livret d'opéra. C'est une opération intéressante. Un peu comme si Ronconi se mettait à travailler sur Boccace. Il s'agit d'un grand texte ancien mais traduit par un grand artiste de la modernité. Je pense qu'il faut faire la même opération avec les textes de Griselda et d’Angelica. Il est clair qu'ensuite on décide de ce que l'on va faire : le travail de traduction et de transcription est-il intéressant ou pas ? On peut se demander pourquoi Porpora a opté pour un Roland aussi statique. Mais je dois dire que quand j'ai chanté Orlando de Haendel avec le Giardino Armonico, là aussi Roland est très passif, par rapport à un Médor délicat mais très beau musicalement, ou une Angélique qui apparaît comme un personnage négatif. Par contre, avec Porpora, l'amour naît et grandit. J'aime toujours voir comment un personnage est décliné. Comme par exemple dans Griselda, Boccace est traduit dans une forme arcadique, d'où le thème pastoral qui prend l'aspect de la flûte à bec chez Scarlatti, ou bien le thème de la chasse… Ce choix est intéressant parce qu'il parle de l'époque où se déroule l'opéra. Scarlatti a certaines priorités qu'il veut mettre en exergue par rapport à Métastase. Scarlatti, à Rome, veut dire certaines choses, tandis que Porpora, la même année à Naples, a d'autres priorités, des priorités politiques. Et derrière, il y a tout un monde. L'Académie de l'Arcadie à Rome a eu une importance primordiale dans toute l'Italie et même en Europe durant les quarante premières années du XVIIIème siècle. D'une certaine manière, elle a déterminé les goûts littéraires. Qui souhaite entrer dans le monde de la littérature, doit être arcadien. Son importance a souvent été sous-estimé. En effet, à Rome, les cardinaux et le Pape veulent que l'aristocratie soit éduquée à la guerre, à la lecture ou à l'art mais il n'existait pas de lieu où pouvoir développer une éducation de la littérature poétique. Dans ces années-là, la poésie occupe une place fondamentale. C'est tout ce que nous avons. Pour bien vivre, il faut vivre de façon poétique. Il est très important d'exposer le public d'aujourd'hui à ce genre de stimulant et qu'il se retrouve face aux grands textes du passé mais mis en musique.

BaroquiadeS : Comment vous-êtes vous préparer au rôle de Gualtiero ?

Raffaele Pè : Le monstre.... cela n'a pas été facile parce que Scarlatti ne te met pas à l'aise et le texte poétique, à la première lecture, donne l'impression de quelque chose de peu réaliste, et donc pose des problèmes d'interprétation. Nous en avons beaucoup parlé avec Rosetta (NDLR : Rosetta Cucchi, metteur en scène) : comment faire pour que le personnage soit crédible. Un élément intéressant dans l’œuvre de Scarlatti réside dans le fait que l'histoire commence comme une farce, imposée à son épouse. Mais, à un certain moment, la chose lui échappe, à cause de son sadisme. Un sadisme que je vois décrit pour la première fois dans une œuvre du XVIIIème siècle. Et Scarlatti fait quelque chose d'extraordinaire. Avec un air absolument inattendu, le troisième air du premier acte Che bella tirannia (Quelle magnifique tyrannie), où il est évident qu'il ne réussit plus à contrôler totalement le plaisir qu'il éprouve. Il est à la fois victime et bourreau, ce que l'on peut comparer aux mauvais traitements infligés aux femmes aujourd'hui, à ce qu'on peut lire dans les journaux et qui te poussent à te demander : comment est-ce possible que la femme ne se soit pas révoltée, comment est-ce possible qu'elle n'ait rien fait, que personne n'ait parlé avec un être aussi ignoble. Il est évident que parfois des rapports intérieurs se créent à l'intérieur du couple, et pour moi, c'est incroyable comme un texte aussi ancien nous parle encore aujourd'hui. À mon avis, sur ce point, Rosetta a été formidable parce que le rôle de Gualtiero est particulièrement difficile. Il est curieux que le thème de Griselda, à partir du moment où Boccace l'a diffusé, a été immédiatement traduit en latin par Pétrarque et c'est la seule nouvelle de Boccace qui a connu une diffusion européenne. Jusqu'au XIXème siècle, c'est un livret qui a souvent été mis en musique. Je trouve merveilleux que cet opéra soit arrivé à Martina Franca avec ce niveau de tension car il est évident qu'il ne s'agit pas d'une histoire qui finit bien. Au contraire, c'est une histoire tragique. Mais c'est un théâtre qui fait penser, qui fait réfléchir sur ce qui s'est passé.

BaroquiadeS : La dernière scène est magnifique. Tous les personnages sont liés à une chaise, à l'exception de Griselda.

Raffaele Pè : Parce que Griselda, en réalité, est le seul personnage libre. Tous les autres, pour un motif ou pour un autre, sont victimes ou bourreaux. C'est un théâtre qui économise ses contenus mais qui fait réfléchir.

BaroquiadeS : En réalité, cette oeuvre de Scarlatti n'a été représentée qu'une seule fois...

Raffaele Pè : Oui, mais à plusieurs reprises. Dans un forme semi-privée mais c'est là où se trouve la différence entre Venise et Rome. À Venise, il existait beaucoup de théâtres avec un guichet où tout un chacun pouvait acheter sa place. Le théâtre Capranica fonctionnait aussi de cette manière, en quelque sorte. Mais la Papauté n'aimaient pas les divertissements théâtraux. À Rome, les théâtres ne faisaient qu' ouvrir et fermer. C'est l'année du Jubilé et tous les théâtres sont fermés, c'est l'année de la Pénitence et les théâtres sont fermés, ou bien il y a la guerre. Rome a eu une vie théâtrale particulière. L'Opéra de Rome est récent. Il est arrivé très tard dans l'histoire de la ville. Le théâtre n'a pris racine que vers le XIXème siècle.

BaroquiadeS : Dans l'un de vos entretiens, j'ai lu que vous parliez de votre travail comme d'un travail non seulement musical mais aussi très physique...

Raffaele Pè : C'est un travail d'abord musical. Je travaille sur les textes, sur le texte musical mais la préparation technique exige un grand travail musculaire, un équilibre attentif entre l'émission et le contrôle du souffle. Il est clair qu'il faut travailler sur un corps tonique, pas tonique en général mais qui renforce la musculature qui contrôle l'émission du son : abdominale, intercostale, dorsale, scapulaire. Cette prise de conscience de ton corps permet de chanter pendant trois heures sans connaître de problèmes pharyngés. Quand vous m'entendez parler, vous vous rendez compte que je ne parle pas comme je chante. Beaucoup de chanteurs qui utilisent la voix de fausset parlent comme ils chantent, à cause de problèmes de thyroïde. Mais cela n'a rien à voir avec ma préparation. Moi, je suis un baryton qui a aussi travaillé sur le registre de tête. Il faut stimuler le physique pour créer une mémoire involontaire. Il faut beaucoup d'années d'étude. Il faut absolument que cela se fasse de façon involontaire, comme quand tu sens un danger arriver et tu retires la main. Dans ce cas tu sens passer un feu sonore différent, fondé d'abord sur le registre de poitrine et puis sur la tenue abdominale. Une note peut être très aiguë mais ce n'est pas cela qui compte. Ce qui compte, c'est la contraction abdominale correcte qui se fait sans qu'on y penses. Il existe beaucoup d'exercices : les flexions, les sauts avec écart pour faire travailler les obliques, la planche pour les dorsaux. Il arrive de faire des émissions incorrectes. Tu t'en rends compte immédiatement et tu peux directement indiquer le muscle qui n'a pas travailler. Le travail sur la région lombaire permet d'obtenir un son parfaitement arrondi.

BaroquiadeS : Comment envisagez-vous votre futur ?

Raffaele Pè : Je suis très heureux de tout ce qui se passe pour l'instant dans mon parcours de recherche. Pendant ces dernières années, beaucoup de choses inattendues se sont passées grâce à ma curiosité musicale. Et donc, je pense que mon futur ira dans la même direction. Je crois que c'est un peu ce qui me caractérise, le fait que l'expression, le spectacle, le chant mais aussi la musique, les instruments, naissent essentiellement d'une curiosité ingénue. De très beaux projets nous attendent : l'Académie de Santa Cecilia, le Bolchoï et d'autres encore dont je ne peux pas encore parler. Je dois dire que je vis un moment magique et le souhait que je me fais, c'est que tout se passe en combinaison avec la musique et pas seulement pour le spectacle. Au bout du compte, un chanteur ressent cette nécessité.

BaroquiadeS : Je vous remercie pour votre gentillesse et votre disponibilité.

Intervista a Raffaele Pè, controtenore :

BaroquiadeS : Come si passa dal coro del Duomo di Lodi al repertorio barocco ?

Raffaele Pè : In realtà, il passaggio è stato facile perché quando ho iniziato a cantare da bambino, avevo 6-7 anni, le primissime musiche che ho cantato lì era Haendel, gli oratori di Haendel, e tra cui, mi ricordo benissimo il Messiah, Joshua, Giuda Maccabeo. È anche un po' strano che in Italia ci sia questa occasione. All'epoca, il Maestro era molto appassionato di barocco, quindi grazie a lui, ho potuto ascoltare anche l'edizione completa delle cantate di Bach di John Eliot Gardiner. C'è stato quest'amore a prima vista, Poi c'è stato anche Palestrina, Monteverdi, tanti compositori.

Noi durante la pandemia ci siamo sentiti un po' abbandonati ma è comunque servita per lo studio, Ha dato tanto tempo agli artisti, secondo me, di pensare; perché stiamo facendo questo, qual è la nostra posizione nel panorama globale culturale, qual è il nostro ruolo. Io devo dire che ho beneficiato molto della pandemia. Però la mancanza di contatti è stato terribile, l'impossibilità di fare opera e di lavorare con altri artisti, musicisti, col pubblico. Il pubblico è una parte fondamentale del nostro lavoro. Si è creato quest'idea che noi del mondo teatrale, creassimo più problemi per la pandemia. Questo è terribile. E ha lasciato degli stracci. Molte persone comprano il biglietto all'ultimo momento per paura che sia cancellato lo spettacolo, il distanziamo permette molti meno posti.

BaroquiadeS : C'è ancora tanto da scoprire sulla musica barocca ?

Raffaele Pè : Tantissimo, non solo per i materiali, le fonti. Ce sono ancora tantissime opere ma non tutte avranno la dignità della riscoperta. Ma quello che più conta, se vediamo il barocco come un qualcosa di moderno, è una forziere inestimabile, inesauribile di creatività, anche per i musicisti che non fanno solo il 1700 ma anche che fanno cose di Bellini, di Puccini, di Verdi. Ormai Puccini o Verdi distano da noi di tantissimi anni. Quello che una generazione fa era considerato vicino, oggi Puccini o Verdi potrebbero essere considerati un' archeologia. Perché un po' è quello che facciamo con il repertorio. Cioè ogni volta che una partitura va in scena, ciò che vedi scritto può creare, diciamo che il modo in cui viene tradotto, quello che vedi scritto, ogni volta può essere una riscoperta barocca, la riscoperta di qualcosa di nuovo.

Con Barbara Nestola, abbiamo collaborato per Amour malade, un opera considerata di Lully, ma grazie alle ricerche di Barbara Nestola e Luca Della Libera, si è scoperto che il nucleo originale essere di Marazoli e si è trovato il manoscritto all'Archivio segreto vaticano. E lo abbiamo eseguito a Pisa durante il lockdown. E' un'opera bellissima, tra l'altro, comica, buffa. Diciamo, è una piccola commedia dove Amore è malato, nel senso che è disperato, è troppo malato d'amore. Non riesce ad uscire da questo fuoco che lo fa ardere. Allora, chi lo cura? La Ragione e il Tempo e lo Sdegno, che gli spiegano come potere sopravvivere alle pene d'amore. È anche molto intellettuale. Però è molto divertente perché comunque l'esito è buffo, dove c'è il Tempo che dice : sono io che ti farò sopravvivere e lo farò con una cosa bellissima che ho inventato io, che è la musica. E quindi l'amore riesce ad addormentarsi grazie al Tempo che gli suona una bellissima melodia. Bellissimo, una metafora bellissima.

BaroquiadeS : H lavorato anche con William Christie, Jordi Savall. Com'era lavorare con loro ?

Raffaele Pè : Loro rappresentano la grande riscoperta del barocco degli anni '80. Per me sono stati i miei Maestri, anche se loro non lo sanno, perché io mi sono nutrito delle loro incisioni da quando andavo a scuola, da quando ho iniziato a studiare musica ed è stato inizialmente molto bello. Inizialmente li temevo molto, anche Gardiner, perché sono figure ormai monumentali, storiche. Ma è stato bello vedere di ciascuno qual è il segreto con il quale ciascuno di loro guardano la musica. Ad esempio, per Jordi Savall c'è un innato legame con questa necessità di esprimere la naturalezza, come dire, la semplicità e anche quando un tune è popolare, quando la musica popolare nasce proprio da lì. Ecco, per lui questo è il movente di tutta la grande musica, incluso il barocco. Per Gardiner, invece, il barocco è uno dei tanti mondi musicali in cui lui si esprime con grande disinvoltura. Per William Christie, tutto nasce dalla tastiera. Però sono tre punti di vista estremamente diversi, ed avere potuto lavorare con loro, è stato una ispirazione. Anche perché, comunque, come diceva un mio insegnante, i Maestri vanno sempre traditi. Allora per tradirli, che vuol dire anche tramandarli, però bisogna anche conoscerli. E' un modo di portarli ad un altra generazione, ma io li porto tutti nel cuore, tantissimi, poi con Jordi, ci vediamo spessissimo. E' stato malissimo per il covid ma devo dire che a ripreso a lavorare più intensamente di prima in un opera diversissima, uno dei modi più belli per riprendere a fare musica dopo il lockdown.

BaroquiadeS : La creazione della Lira d'Orfeo...

Raffaele Pè : Sì, grazie per questa domanda. Sono molto contento. Io sono un po' un cantante particolare, nel senso che ad un certo punto della mia ricerca nella musica antica, ho sentito l'esigenza di espandere questo lavoro fatto sulla voce anche al modo strumentale, un po' perché io stesso sono uno strumentista in parte, ho anche studiato tastiera, il clavicembalo, ecc. però sento proprio e anche questo si trova tantissimo nella trattatistisca seicentesca e settecentesca, il fatto che la voce è assolutamente il punto di partenza per qualsiasi lettura musicale anche nel mondo strumentale. La Lira d'Orfeo è una sfida. Mi sono detto perché non creare intorno alla voce un gruppo di strumentisti che inizino a sentire in questo modo, ovviamente sperimentando perché oggi, la tecnica vocale rispetto al mondo barocco è cambiata molto, rispetto agli anni in cui hanno cominciato a lavorare Jordi Savall, Gardiner o William Christie. Oggi, nel barocco c'è una grande ritorno al modo belcantistico, soprattutto perché in Italia, non c'è mai stato una reale interruzione. Credo che questo, in Italia sia una grande risorsa che per tanti anni non è stata esplorata rispetto al barocco. La mia intenzione è un po' di cercare di riunificare, com'era nel nostro glorioso passato teatrale, il mondo strumentale a quello vocale e fare afferire tutto questo. Intanto, ogni volta che la presento, La Lira d'Orfeo è sempre presentata per il nostro lavoro nella musica vocale del settecento, del seicento e del settecento. Infatti essere qui presenti a Martina Franca è uno dei più bei progetti che ci siano capitati. In un solo Festival, presentare due monumenti così diversi della scuola napoletana, che sono La Griselda di Alessandro Scarlatti e il suo concorrente più giovane Porpora. Non esiste una registrazione dell'Angelica ma ci sarà molto presto; ci stiamo lavorando.

Per la musica di questo periodo, bisogna immaginare come i compositori dell'epoca fruivano i testi. Noi, quando andiamo, per esempio in Italia al Piccolo teatro di Milano a sentire la storia di Lehman di Ronconi, il testo è tutto quello che conta. Per noi, è esattamente la stessa cosa. La musica crea l'aura del testo. È chiaro che per i testi che per noi sono al cuore nella nostra attualità non sono quelli che facevano parte della loro attualità. Anche quando abbiamo fatto questo lavoro su Aci e Galatea, abbiamo fatto emergere un po' come Ovidio, l'Ariosto, il Tasso, tutto il mondo delle epopee cavalleresche, quali fossero i grandi temi del settecento. E' evidente che è una questione di rango, di sociologia, di quel periodo....

BaroquiadeS : Orlando, però è fisso nella sua posizione e non fa andare avanti l'azione.

Raffaele Pè : È vero ma è una scelta di Metastasio nel suo primo libretto d'opera. Comunque, anche questo è un'operazione interessante. È come se Ronconi si mette a lavorare su Boccaccio. È un grande testo antico ma tradotto da un grande artista della modernità. Anch'io penso che sia per Griselda che per Angelica, vanno letti in questo modo. E' chiaro che poi, si decide. Allora, il lavoro di traduzione e di trascrizione è interessante o no. Il fatto che abbia scelto un Orlando così statico in questa operazione, c'è da chiedersi perché. Ad esempio, quando ho cantato con Il Giardino Armonico questo Orlando di Haendel, anche in quel caso lì, devo dire che Orlando è molto passivo, in confronto ad un Medoro molto leggerino ma bellissimo e un'Angelica che risulta essere un personaggio negativo. Invece qui l'amore è sviluppato. Ogni volta mi piace vedere come viene declinato. Come ad esempio, in Griselda, Boccaccio viene tradotto in questa forma arcadica, quindi il tema pastorale, che in Scarlatti diventa il flauto dolce, il tema della caccia... Questa scelta lì è anche interessante perché ci parla anche dell'epoca in cui viene fatta. Quindi ci sono anche delle preminenze che per Scarlatti sono più da fare emergere rispetto a Metastasio. Scarlatti a Roma ha necessità di dire una cosa, Porpora, nello stesso anno a Napoli, ha un'altra necessità perché è una necessità politica. Poi c'è tutto un mondo dietro. L'Accademia dell'Arcadia a Roma ha avuto un'importanza in Italia davvero schiacciante, e direi anche in Europa in quegli anni lì, per i primi quarantanni del '700. È come se avesse deciso di fatto del gusto letterario, in generale. Quindi se tu vuoi rientrare nel mondo letterario, devi essere un arcadico. Questo viene spesso sottovalutato, quanta rilevanza abbia avuto questo contributo. A Roma, l'Accademia dell'Arcadia nasce perché i cardinali e il Papa avevano deciso che la nobiltà romana era educata soltanto o alla guerra oppure alla lettura o all'Arte ma non avevano un luogo dove potere fare crescere l'educazione della letteratura poetica, che in quegli anni lì è tutto, la poesia è tutto quello che abbiamo. Per vivere bene, devi farlo in modo poetico. Esporre il pubblico di oggi a questo tipo di stimolo, è comunque importante, perché appunto ha lo stesso rilievo dei grandi testi del passato, quando noi andiamo a leggere Manzoni, a leggere Petrarca, però qui ritroviamo questi grandi temi ma in musica.

BaroquiadeS : Come si è preparato per il ruolo di Gualtiero ?

Raffaele Pè : Quello schifoso....E' stato una grande sfida perché Scarlatti non ti mette a proprio agio e appunto, il testo poetico a prima lettura, dà l'impressione di qualcosa di irrealistico, e quindi per uno che deve agirlo, che deve farlo in scena....abbiamo parlato tanto con Rosetta (Rosetta Cucchi, regista) su come deve essere questo personaggio per renderlo credibile. Una cosa interessante che succede in Scarlatti è il fatto che lui inizia la storia come se fosse uno scherzo imposto alla moglie. Ma ad un certo punto la cosa gli sfugge di mano a causa di questa cosa che è il sadismo, che io personalmente non avevo mai visto dipingere in musica nel 1700. E questo è una cosa straordinaria che Alessandro Scarlatti fa, tra l'altro con un'aria assolutamente inaspettata, che è la terza aria del primo atto, dove lui dice: “ Che bella tirannia” e dove lui non riesce più a controllare il piacere che prova. Lui ne è in qualche modo vittima ma è anche carnefice. E questo se viene paragonato alle situazioni di maltrattamento femminile che oggi ci sono e quando si leggono sul giornale, uno si chiede: “ ma com'è possibile che la moglie non si sia rivoltata, com'è possibile che non abbia fatto niente, che nessuno abbia detto niente a questa, è incredibile come un testo antico in realtà ci parla ancora oggi. Rosetta, su questo, secondo me, è stata molto brava perché comunque era difficilissimo il suo ruolo. Una cosa curiosa è che Griselda è un tema che, da quando Boccaccio l'ha diffuso, è stato subito tradotta in latino da Petrarca, ed è stata l'unica novella di Boccaccio che abbia avuto una diffusione al livello europeo, e fino all'inizio dell'800, è stato un libretto d'opera molto, molto musicato. E' bello che venga portato qui con questa tensione, perché comunque non è una storia felice, è una storia triste. Ma è un teatro che ti fa pensare, un teatro che ti fa riflettere su cosa è successo.

BaroquiadeS : Bellissima l'utima scena dove sono tutti legati tranne Griselda.

Raffaele Pè : Lei in realtà è libera, sono gli altri che sono tutti vittime o carnefici per un motivo o per un altro.

È un teatro fatto di mezzi contenuti ma che è comunque molto espressivo.

BaroquiadeS : In realtà, quest'opera di Scarlatti è stata rappresentata una volta sola...

Raffaele Pè : Con varie recite, però. In forma semi privata ma non era come a Venezia, dove i teatri erano col botteghino e uno poteva pagare il proprio posto. Anche il teatro Capranica aveva questo modo di fare, ma a Roma, in quelli anni lì, al Papa non piaceva che ci fosse il divertimento teatrale. I teatri a Roma aprivano e chiudevano ad intermittenza per richiesta del Papa. Se c'era l'anno del Giubileo, tutti i teatri erano chiusi, se c'era l'anno del Pentimento, chiusi tutti i teatri, se c'era la guerra, chiusi tutti i teatri. E quindi Roma ha avuto una vita teatrale molto singolare. Il teatro dell'Opera di Roma è un opera molto moderna. E' nata molto tardi nella storia della città. A Roma la cosa non ha mai attecchito fino all'800. E' così.

BaroquiadeS : Ho letto in un'intervista che parla del Suo lavoro come di lavoro non solo musicale ma anche fisico ...

Raffaele Pè : Allora, è musicale, nel senso che come tutti, lavoro sui testi, sul testo musicale, ma la preparazione tecnica richiede una grande cura muscolare, un attento equilibrio per l'emissione e il controllo del fiato. Per questa cosa, è chiaro che devi lavorare su un corpo tonico, non tonico in generale ma solo sulla muscolatura che è effettivamente coinvolta nell'emissione; addominale, intercostale, dorsale, scapolare. Questa coscienza è quella che permette di fare un ruolo per tre ore senza avere problemi laringei. Quello che sente del mio suono, sente che non parlo come canto. Ma ci sono tanti falsettisti che parlano come cantano per un problema di tiroide. Ma questa non ha nulla a che fare con la mia preparazione. Io sono un baritono che ha anche lavorato sul registro di testa. Ne viene fuori un fuoco sonoro differente che è fondato, inanzi tutto sulla voce di petto e poi, sulla tenuta muscolare. Non conta quanto sia alta la nota ma quanto è coinvolto il proprio addome. Bisogna stimolare il fisico affinché crei una memoria involontaria. Sono tanti anni di studio. E' una cosa che deve avvenire assolutamente in modo involontario ma è come quando senti che c'è un pericolo che sta arrivando e ritrai la mano. Quella è la stessa cosa che succede quando tu stai per emettere e succede esattamente il coinvolgimento muscolare corretto senza che tu lo pensi. Ma ci sono tanti esercizi che aiutano, tipo lo squat, jumping jack che fa lavorare l'obliquo. Per il dorsale, tutta la parte di planc. Per esempio, quando ci sono delle emissioni non corrette, si sente subito e puoi già dire quale muscolo non sta lavorando. La zona lombare viene coinvolta per la massima rotondità della voce.

BaroquiadeS : Come vede il Suo futuro ?

Raffaele Pè : Io sono molto felice di cosa vedo che sta succedendo nel mio percorso di ricerca perché sono successe tante cose inaspettate in questi anni che sono sempre nate dalla mia curiosità musicale. E quindi penso che il mio futuro sarà ancora legato a questo. Credo che questo sia un po' la mia cifra, il fatto che appunto l'espressione, lo spettacolo, il canto ma anche la musica, gli strumenti nascono sostanzialmente da questa ingenua curiosità. Abbiamo tantissimi bellissimi progetti in arrivo, Santa Cecilia, probabilmente ci sarà il Bolshoi, poi altre cose che non posso dire, bellissime. Devo dire che è un momento meraviglioso ma, l'augurio che mi faccio, che sia sempre insieme alla musica e non solo per lo spettacolo. Alla fine chi canta, ha questa necessità.

BaroquiadeS : La ringrazio per la Sua gentilezza e a Sua disponibilità.



Publié le 03 sept. 2021 par Véronique Du Moulin