Entretien avec Johannes Pramsohler

Malgré un agenda fort rempli, le violoniste baroque originaire du Tyrol du Sud Johannes Pramsohler a bien voulu nous accorder un entretien au cours duquel il s'est livré en toute simplicité et franchise, qualités fort précieuses. Nous le remercions d'ailleurs de nous avoir alloué de son temps pour réaliser cet entretien. Au cours de ces dernières années, Johannes Pramsohler est devenu l'un des musiciens les plus fascinants de sa discipline.

Baroquiades : Quand et comment vous est venu l’amour porté à la Musique ?
Johannes Pramsohler : Je suis né dans une famille de musiciens. Mon père est directeur d'une école de musique. C'était donc logique pour moi et mes frères de jouer de la musique. Ça faisait parti de notre vie quotidienne. Par contre, j'ai décidé assez tard d'envisager une carrière de musicien professionnel. Tout au long de mon adolescence, j'étais très intéressé par le domaine technique (électronique, télécommunication, informatique...) et j'avais plutôt en tête une carrière d'ingénieur du son. Mais j'ai très vite compris que je préférais être sur la scène et non derrière. (rires)

Baroquiades : Non seulement d’être un violoniste accompli, vous êtes directeur artistique du label Audax Records. Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de sa création ?
Johannes Pramsohler : Créer un label n'est pas facile ! Il faut une certaine folie juvénile pour entamer une telle aventure, surtout dans une période pas facile pour le marché du disque. La plus grande difficulté était de convaincre des distributeurs à collaborer avec un petit label n’ayant qu'un seul CD dans son « catalogue ». Je suis très fier d'avoir obtenu un contrat de distribution avec Harmonia Mundi pour l'Allemagne ce qui m'a permis de contacter les distributeurs du reste du monde avec beaucoup plus d'aplomb. J'ai beaucoup appris, j'ai fait des belles rencontres humaines et j'ai élargi mes compétences.

Baroquiades : Combien d’enregistrements avez-vous produit ? Lequel préférez-vous ?
Johannes Pramsohler : Jusqu' aujourd'hui Audax Records a produit six enregistrements. Je n'ai pas un enregistrement préféré mais j'aime beaucoup observer le développement à travers nos disques - à la fois artistique et celui de la prise de son que nous affinons constamment avec notre ingénieur du son. Actuellement, nous sommes en train de préparer nos sorties pour cet automne : le premier enregistrement mondial des Sonates en trio opus 2 de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville, que nous avons réalisé en partenariat avec Royaumont. Et pour le second intitulé Barocco, c'est un disque destiné aux enfants, qui sera accompagné d'un livre à dessiner, colorier et gribouiller...(rires). Le projet est conçu pour faciliter l'accès aux enfants à ce monde merveilleux du baroque.

Baroquiades : Vous et votre Ensemble Diderot, que vous avez fondé en 2009, avez publié récemment le premier enregistrement mondial des Six dernières sonates «Il Giardino del paciere» de Johann Friedrich Meister. Qu’est-ce qui vous a motivé à choisir ces sonates de Meister ?
Johannes Pramsohler : C'est Reinhard Goebel – violoniste et chef d’orchestre allemand - qui m'a fait découvrir ce compositeur remarquable. Le dernier enregistrement avec son ensemble Musica Antiqua Köln (fondé en 1973) était dédié à six sonates et Reinhard Goebel m'a demandé de compléter le projet avec les six sonates restantes. La musique de Meister est l'exemple parfait de la réunion des goûts avant l’heure : on entend Corelli, Lully, Purcell, Reincken, Buxtehude. Le style de composition est extrêmement maîtrisé – il n'y a pas une faute ! Et c'est un des premiers exemples du « Ars combinatoria », l'art de composer avec des moyens très limités et de rassembler différentes idées sous un même sujet en créant un cycle d'œuvres se référant les unes aux autres.

Baroquiades : Comment le public anglais a accueilli votre concert à Saint John’s Smith Square (LONDRES) pour la sortie de l’enregistrement «Il Giardino del piacere» ?
Johannes Pramsohler : Le concert était un grand succès. J'étais ravi de faire le premier concert de l'Ensemble Diderot à Londres dans un lieu si prestigieux. Entre-temps, on a donné ce programme plusieurs fois et le public est toujours très charmé par cette musique. Avec des compositeurs tels que Pachelbel, Biber et Keller, on a conçu un programme autour de Johann Friedrich Meister qui permet de découvrir ce compositeur méconnu. A part l'aspect pédagogique, cette musique évoque des sentiments très forts et amène l'auditeur dans un monde complètement différent.
[Ce présent enregistrement fera d’ailleurs l’objet d’une future chronique sur le site.]

Baroquiades : Pourquoi vous concentrez-vous à faire revivre des pièces méconnues, qui bien souvent constituent de véritables joyaux ?
Johannes Pramsohler : Parce que c'est important de montrer au public qu'il n'y a pas que Bach, Haendel, Rameau et Vivaldi ! Ces génies étaient entourés de collègues, d'amis, d'adversaires, d'élèves et de maîtres qui avaient eux aussi contribué à leur succès et au développement de l'histoire de la musique. Il n'y a pas non plus que la Joconde dans tous les musées du monde...(rires)

Baroquiades : Quels sont vos projets en tant que violoniste, ceux de votre ensemble Diderot, ou bien ceux de votre label Audax Records ?
Johannes Pramsohler : En ce moment, nous travaillons sur deux projets d'enregistrement avec des chanteurs et l'Ensemble Diderot en effectif élargi. Dans les années qui viennent, nous allons encore «creuser» le sujet des débuts de la sonate en trio dans les différents pays d'Europe. J'ai récemment commencé à diriger (à la tête de mon violon) des orchestres modernes. C'est une activité que je trouve très enrichissante et que j'aimerais davantage développer.






Publié le 18 août 2016 par Jean-Stéphane SOURD DURAND