Max Emanuel Cencic - Il Pomo d'Oro - Maxim Emelyanychev

Max Emanuel Cencic - Il Pomo d'Oro - Maxim Emelyanychev ©Parnassus Productions
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Max Emmanuel Cencic tout en subtilité

Max Emanuel Cencic reste décidément l'un des contre ténors les plus intéressants du moment. Après ses opérations de re-création d'un répertoire très largement tombé dans l'oubli, après un passage par la mise en scène, voici un nouvel album dédié à l'art des castrats. Si le titre même de cet enregistrement Decca ne nous surprend guère tant il est logique qu'un artiste de la dimension de Cencic salue la suprématie musicale napolitaine du 18ème siècle, le choix des arie est lui d'une très grande subtilité.
Cencic fait le choix de s'éloigner partiellement des prouesses vocales, de la pyrotechnie, qui font en grande partie le succès des retrouvailles du public avec ce répertoire et le succès de nombreux contre ténors. En prenant ce risque, il met en évidence des évolutions vocales assez remarquables : un timbre d'alto qui a gagné en onctuosité, un médium plus large, mieux assis, et un aigu toujours aussi virtuose. Appuyées par une aisance indéniable dans la caractérisation des personnages, une diction impeccable et une remarquable expressivité, ses qualités vocales lui font gagner un pari qui eût pu être risqué et confirme l'intelligence de ses choix artistiques.
L'enregistrement s'ouvre avec le Polifemo de Porpora et un Quel vasto, quel fiero vertigineux dans lequel Max Emanuel Cencic se joue d'intervalles meurtriers. On retrouvera ces démonstrations d'agilité vocale intacte dans l'Eraclea de Vinci et le Scipione de Leo.
Le Demetrio du même Leo est plus solennel, plus intime aussi : il demande une variété de couleurs et une longueur de souffle parfaitement maîtrisées par Cencic qui distille en outre une nostalgie modulée dans Il Prigioniero fortunato de Scarlatti ou une interprétation du Tutto appoggio.... de Il Cambise du même Scarlatti toute en couleurs et en nuances. L'Olimpiade de Pergolese constitue l'un des sommets de cet enregistrement. Tout y est : longueur de souffle, homogénéité, inflexions caressantes du timbre.... Dans l'extrait de Siface de Leo comme dans celui d'Il Tigrane de Scarlatti, Max Emmanuel Cencic nous convie à des ballades toutes de tendresse dans lesquelles l'homogénéité du timbre et du registre font merveille. L'élégiaque et plus brillant Germanico de Porpora est interprété avec ampleur et une profondeur de sentiment incontestable. Et en conclusion de cette superbe démonstration un Massimo Puppieno (Scarlatti) qui est presque susurré, presque halluciné.

Il y a dans cet enregistrement quelque chose de profondément touchant, une rare sincérité des sentiments, quelque chose de brûlant aussi, comme un nostalgique rappel des feux baroques de Naples. Le talent de Cencic est superbement servi et accompagné par Il Pomo d'Oro qui, sous la direction de Maxim Emelyanychev s'affirme comme presque insurpassable dans ce répertoire. Et il leur revient de clore ce beau voyage avec le Concerto en ré majeur pour deux violons et clavecin de Domenico Auletta (1723-1753) qui est une délicate et réjouissante surprise.
Rappelons enfin que ce programme, composé pour sa presque totalité d'enregistrements en premières mondiales, fera l'objet d'une tournée en France : le 20 janvier 2016 au Théâtre des Champs Elysées à Paris puis à Lyon le 22 janvier (Chapelle de la Trinité), et à Rouen le 29 mars (Opéra de Rouen).

Publié le 16 déc. 2015 par Jean-Luc IZARD