Essai sur l’art véritable de jouer les instruments à clavier - CPE Bach

Essai sur l’art véritable de jouer les instruments à clavier - CPE Bach ©Editions Hortus
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Clavecin et clavicorde : l'art du clavier selon CPE Bach

Carl Philipp Emanuel Bach, né à Weimar le 8 mars 1714 et décédé à Hambourg le 14 décembre 1788, est le deuxième fils (vivant) de Johann Sebastian Bach. Musicien, compositeur mais aussi musicologue, CPE Bach est reconnu par ses contemporains pour son œuvre musicale ainsi que pour son traité théorique sur la pratique de son instrument (le clavier) qui nous intéresse ici. Grand interprète au clavier, le Bach de Berlin ou de Hambourg comme on le surnomme parfois, éprouva le besoin de théoriser la pratique de son instrument. Dans son « Essai sur la vraie manière de jouer des instruments à clavier » il aborde les questions techniques, mais aussi esthétiques « car il faut former le goût » puisque selon lui les maîtres « jusqu’ici n’ont pas éduqué leurs élèves selon les vrais principes de l’art ».

La première partie du traité comprend trois chapitres. Après une courte préface et une importante introduction, elle traite de l’exécution des pièces pour clavier. Position des doigts et interprétation sont l’essence de ces chapitres. La seconde partie traite de la basse continue, de l’accompagnement et du lien entre composition et improvisation. Pour lier la théorie et la pratique, CPE Bach publia en annexe de la première partie dix-huit leçons en six sonates, en notant de manière très détaillée ses exigences en matière d’exécution. Les  6 Sonatine nuovo parurent en annexe de la réédition de 1787.

Ce sont ces sonates qu'interprète ici Cristiano Holtz. Cet interprète est né en 1972 au Brésil. Depuis ses débuts au clavecin à l’âge de douze ans, il a travaillé avec de prestigieux professeurs comme Jacques Ogg, Pierre Hantai, Marco Mencoboni et Miklos Spanyi. Il a reçu de nombreux prix et récompenses : le concours Eldorado (Brésil 1996), prix de la (Allemagne 2006), cinq étoiles du Goldberg Magazine (Grande-Bretagne, Espagne) pour son disque consacré au compositeur J. Mattheson (Ramée 2006). Son enregistrement consacré à G.F. Haendel a été gratifié d’un Record Geijutsu Award au Japon. Il est spécialiste du répertoire de J.S Bach : son enregistrement des « Œuvres rares pour clavecin » a été loué par la presse internationale, et considéré par plusieurs revues comme l’un des meilleurs enregistrements soliste de Bach.

Ces huit sonates, composées au total de vingt-quatre mouvements, sont jouées soit au clavicorde soit au clavecin selon la préférence de l’artiste. Le son du clavicorde est plus rond et grave que celui du clavecin ; c’est un instrument à cordes frappées, alors que les cordes du clavecin sont pincées. Les œuvres jouées au clavicorde sont donc plus douces à l’oreille, elles possèdent un son inhabituel par rapport au clavecin que nous avons plus souvent l’occasion d’entendre. Le clavicorde était un instrument destiné à l’étude, car sa faible sonorité était peu adaptée aux concerts. Mais sa petite taille pratique facilitait son utilisation domestique.

Le clavicorde utilisé dans cet enregistrement est une reproduction de Geert Karman réalisée en 1990 à Amsterdam d’après Christian Gottfried Gera (1765). Le clavecin a été construit par Matias Kramer à Rosengarten en 2010, d’après G. Silbermann (1740). Bach père et fils possédaient plusieurs instruments de ces deux facteurs qu’ils connaissaient et aiguillaient amicalement dans leurs recherches.

Au disque, les deux instruments révèlent leur belle sonorité bien équilibrée. L’église britannique de Lisbonne leur offre un bel écrin à l'ambiance intimiste, qui sied à ces études. L’interprétation de Cristiano Holtz, juste et claire, nous fait oublier que ces études étaient destinées à la pédagogie. Ces oeuvres transpirent le génie de la famille Bach, elles sont originales, riches et de bon goût, exactement ce que CPE Bach veut nous faire assimiler. Cristiano Holtz, passionné par Bach, est un interprète idéal pour ces morceaux qu’il doit jouer depuis des décennies maintenant. Le fait d’avoir deux instruments différents sur le disque évite aussi la monotonie des disques de soliste et les choix de l’interprète sont plutôt bien sentis.

J’ai particulièrement apprécié les sonates les plus lentes celles qui d’après moi sont les plus difficiles à interpréter. Les tempos Andante et Adagio ont toujours ma préférence mais d’autres sonates plus enlevées comme l’Allegretto con spirito en ré mineur, l’Allegro di molto en mi bémol majeur ou l’arioso ed amoroso en fa majeur ont aussi retenu mon attention par la fluidité du jeu de Holtz et l’intelligence du compositeur.

« Essai sur l’art véritable de jouer les instruments à clavier » est un disque aérien. On est agréablement emporté par ses tempos plutôt rapides et charmé par ceux plus tranquilles. L’interprète est au coeur de son art, on entend la qualité des instruments par une habile prise de son qui retraduit fidèlement le talent du compositeur. Ce CD des Editions Hortus, spécialisées dans les oeuvres pour orgue, s'avère particulièrement intéressant, autant pour la rareté des enregistrements du clavicorde que pour ses œuvres méconnues du grand public et pourtant essentielles au répertoire des ancêtres du piano. Il se signale également par la qualité de son interprétation.



Publié le 20 sept. 2016 par François Pervillé