Vivaldi - Thibault Cauvin

Vivaldi - Thibault Cauvin ©
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La fête de la musique heureuse

Il fallait être un peu « gonflé » pour s'attaquer aujourd'hui à Vivaldi, en pleine résurgence baroque. Il fallait l'être encore un peu plus pour s'y attaquer à la guitare classique alors que c'est un instrument auquel Vivaldi n'a pas consacré d'œuvre, et pour cause. Il fallait l'être enfin franchement pour s'attaquer à des musts de la musique de Vivaldi avec un orchestre qui, en dehors du continuo, ne joue pas sur instruments d'époque...

On savait le surfer-guitariste-voyageur Thibault Cauvin, grand guitariste, musicien exigeant et ambitieux. Et capable de relever des défis de haut niveau. Mais avant l'écoute, on se demandait si, cette fois-ci, le morceau n'allait pas être un peu trop gros et l'ambition de ce disque un peu démesurée...

Vivaldi a composé un nombre extravagant de concertos (plus de cinq cents), type d'œuvre dont il a fixé la structure en trois mouvements (allegro-largo-allegro). Violoniste virtuose, Vivaldi a écrit la majeure partie de ses concertos pour violon (plus de deux cents cinquante), afin d'en tenir la partie solo lui-même. Mais il a écrit des concertos pour pratiquement tous les instruments de son époque. En parallèle, il laisse une centaine de sonates dont douze sonates en trio. Ces sonates en trio qui constituent la forme archétypale de la musique de chambre de l'époque baroque sont destinées à une exécution de salon, le plus souvent familiale. C'est, à l'époque de la maturité de Vivaldi un style déjà en déclin, comme l’est d’ailleurs le luth.


© Laurent Speller

Sur le programme complexe de ce CD, dont une grande part à déjà été enregistrée, Thibault Cauvin prend le risque de la comparaison avec ses prédécesseurs et aînés. Et le gagne sans qu'il soit besoin de tergiverser. Ses choix initiaux, qui pouvaient nous faire douter, loin de nuire à l'interprétation, renforcent sa précision, sa dynamique, sa couleur et sa virtuosité, sans jamais céder à l'esbroufe ni même à l'excès. Bref du pur baroque, qui fait de cet enregistrement un beau et très agréable moment.

Sous la direction précise et attentive de Julien Masmondet, l’Orchestre de chambre de Paris est très équilibré et dispense de très belles couleurs. La complicité (et probablement l'immensité du travail accompli) entre le chef et son soliste est palpable et permet à Thibault Cauvin de s'abandonner avec d'évidentes délices et à la fête vénitienne et à l'introspection à laquelle invitent les mouvements plus lents. De la fête, on a la virtuosité (ô combien), la dynamique voire une certaine forme d’excitation –notamment dans les deux allegros du Concerto pour mandoline en ut majeur. C’est dans le largo du Concerto pour violon en la mineur que la langueur introspective, que l’évocation de la lagune embrumée est peut-être la plus accomplie.

Le Concerto pour deux mandolines est également un pur moment de grâce, et en particulier les entrelacs et les respons des deux guitares dans l’andante. Sur une des œuvres qui a marqué dans les années 70 la résurrection de Vivaldi, et que l’auditeur a déjà dans l’oreille dans de nombreuses autres versions, c’est un exploit. Celui-ci doit beaucoup à la présence enjouée de la guitare de Xuefei Yang et à son engagement dans une conception esthétique pleinement partagée avec Thibault Cauvin et Julien Masmondet.

Il serait enfin injuste de ne pas souligner le superbe travail effectué par les trois instrumentistes de la basse continue : Benoit Grenet au violoncelle, Damien Pouvreau au théorbe et Yvon Repérant au clavecin qui, tout a long de l’enregistrement apportent cet équilibre sur lequel Thibault Cauvin va déployer cette superbe broderie.



Publié le 07 déc. 2016 par Jean-Luc Izard