Concertos pour violoncelle - Haydn - CPE Bach

Concertos pour violoncelle - Haydn - CPE Bach ©audite - 2016
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Quand chantent les cordes

Les concertos pour violoncelle de Joseph Haydn constituent une sorte de pont musical entre les grandes compositions baroques pour cet instrument (notamment les fameuses Suites de Bach, ou les œuvres de Boccherini) et celles de la période classique. Composé au début des années 1760, le Concerto n° 1 est encore fortement marqué par l'influence baroque, comme en témoigne sa riche ornementation. Le second, composé quelques vingt années plus tard, marque nettement l'inflexion vers une ligne de chant plus lyrique, incitant à l'introspection, qui se développe avec majesté dans son premier mouvement. Les exigences virtuoses de ces deux partitions requièrent une très grande agilité du soliste, sur qui repose la continuité du phrasé musical.

Marc Coppey nous livre une magnifique version de ces deux premiers concertos. Par la fluidité toute lumineuse de son jeu, et sa parfaite insertion au sein de son ensemble des Solistes de Zagreb, son interprétation éclaire d'un jour nouveau ces œuvres pourtant maintes fois enregistrées.

Le premier mouvement (Moderato) du premier Concerto permet d'emblée de juger de l'équilibre de cette interprétation : souplesse du phrasé des cordes accompagnantes, attaques graves, parfaitement ajustées du violoncelle, qui s'épanchent en variations virtuoses à la fin du mouvement. Celles-ci débouchent sur un final superbement enlevé, qui laisse deviner la fluidité de l'archet, soutenu par un accompagnement d'une très grande onctuosité. L'Adagio se développe sur le phrasé impeccable du soliste, avec les sons ronds et soyeux de l'instrument, un Matteo Goffriller de 1711. Il s'en dégage une frissonnante intensité, qui culmine dans la tension du final. Le tourbillonnant Allegro molto qui suit met en valeur le parfait tuilage des répliques, et le dynamisme des Solistes de Zagreb, face à un violoncelle aérien mais qui ne les écrase pas de sa virtuosité, tenant « modestement » sa place. La fluidité de la ligne orchestrale est de toute beauté...

Le second Concerto marque d'emblée sa facture plus « classique ». Au son envoûtant du violoncelle, son Allegro moderato nous entraîne dans une longue rêverie, à laquelle les variations virtuoses du final apporteront une fin délicieuse. Le court Adagio qui suit met encore une fois en valeur le phrasé souple et expressif du violoncelle, sur de fines attaques ciselées. Et l'Allegro final permet d'apprécier la fluidité et le dynamisme de l'ensemble, dans de chaleureux échanges.

Marc Coppey a choisi d'accompagner ces deux œuvres d'une composition antérieure, le Concerto pour violoncelle en la majeur de Carl Philipp Emanuel Bach. Cette mise en regard permet d'apprécier à sa juste valeur l’originalité de Carl Philip Emanuel au sein de la période baroque finissante. Le violoncelle y tient incontestablement la vedette lors de l'Allegro, avec ses reprises insistantes dans les graves, face à des Solistes de Zagreb impeccablement unis. Surtout le Largo, grave et mélancolique, est interrompu d'étonnantes fulgurances qui préfigurent le romantisme. Marc Coppey nous en restitue ici parfaitement la teneur et la portée, qui nous éloignent momentanément des variations ornées du baroque. L'Allegro assai nous ramène en revanche bientôt dans une atmosphère joyeuse, tourbillonnante et aérienne, aux attaques précises et virevoltantes.

Notons enfin l'excellent équilibre de la prise de son, particulièrement fidèle dans la restitution des différentes parties. Elle échappe soigneusement à l'écueil de trop mettre en avant le soliste, pour mieux souligner la parfaite homogénéité de l'ensemble.

En résumé un bien beau programme, qui a déjà « tourné » au premier semestre 2016 dans de nombreuses salles de concert en province et à l'étranger, et qui devrait connaître également un beau succès au disque !

Publié le 20 juin 2016 par Bruno MAURY