Fantaisies pour la viole - Telemann

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Renaissance d’une partition perdue

Contemporain de Bach, Georg Philipp Telemann compte parmi les compositeurs les plus célèbres de son époque. Il serait par ailleurs le compositeur le plus prolifique de l’histoire de la musique avec environ six mille œuvres produites, dont plus de trois mille répertoriées et… beaucoup d’œuvres perdues. Perdues… mais pas toujours de façon définitive car il arrive que certains manuscrits soient redécouverts fortuitement plusieurs siècles après. C’est précisément l’histoire de ces douze Fantaisies écrites pour la viole de gambe solo dont la partition qui semblait avoir disparu à jamais, a été fortuitement retrouvées dans les archives d’Etat de Basse Saxe à Osnabrück en 2015. Après avoir composé douze Fantaisies pour traverso en 1732, puis douze Fantaisies pour violon en 1735, Telemann compose la même année douze Fantaisies, mais cette fois pour la viole de gambe. Ces compositions arrivent un peu à contre courant à un moment de l’histoire ou la viole tombe doucement en désuétude au profit du violoncelle… La Défense de la basse de viole contre les entreprises du violon et les prétentions du violoncelle d’Hubert Le Blanc fut publiée en 1740 !

Trois enregistrements en deux ans

D’autre part, Telemann ne doit pas spécialement sa renommée à ses compositions pour la viole… Après deux premiers enregistrements de ces douze Fantaisies, le premier par Thomas Frizsch, le gambiste à l’origine de leur découverte, puis par Paolo Pandolfo, nous arrive une troisième interprétation signée de l’un de ses élèves, Robert Smith (voir son site). Ce jeune gambiste anglais (et violoncelliste baroque), est lauréat du Concours international de viole de gambe Bach-Abel à Köthen, où il a remporté à la fois le premier prix, le prix du public et le prix spécial. L’enregistrement qu’il nous propose un peu plus de deux ans après leur « renaissance », permet de dévoiler une qualité d’écriture d’un Telemann au summum de son art. Et c’est de toute évidence la qualité de ces pages qui a initié trois enregistrements en un peu plus de deux ans de ces partitions inédites ! Sans compter l’enregistrement, partiel à ce jour (puisqu’il ne porte que sur les six premières Fantaisies) réalisé par Jérôme Chaboseau, et qui a fait également l’objet d’une chronique dans ces colonnes.

Douze fantaisies, douze tonalités différentes

Ces douze Fantaisies, écrites dans douze tonalités différentes, constituent une véritable découverte. Douze Fantaisies, douze univers différents, magnifiquement interprétées par Robert Smith dont l’immense talent d’interprète se décèle dès les toutes premières mesures. Un style quasi parfait, un son ample, un phrasé impeccable, ces Fantaisies offrent à l’auditeur près de quatre vingt minutes de pur bonheur durant lesquelles il peut apprécier au mieux le timbre de la viole seule, sans le moindre artifice. Ces pièces intimistes révèlent une musique élégante et inventive, à travers laquelle Robert Smith s’attache avec réussite à mettre en avant la subtilité des contrastes. L’austérité que l’on pourrait craindre d’un tel enregistrement est totalement absente. Les mouvements des Fantaisies sont assez courts, peu de mouvements durent plus de trois minutes. Le jeu expressif, le phrasé et la technique parfaite de Robert Smith, ainsi que les variations de tonalités des fantaisies rompent à merveille la monotonie et confèrent à chacune de ces fantaisies son atmosphère propre. De plus, l’ensemble est servi par une excellente prise de son, bien équilibrée, sans réverbération excessive, mettant en valeur le son de la viole, une copie de Colichon réalisée par Pierre Bohr.

Pour conclure, ce CD est une vraie révélation qui s’adresse autant aux amoureux de Telemann qu’aux passionnés de la viole de gambe qui s’apprécie au mieux seule, sans accompagnement. Il est possible d’en découvrir un extrait ici. Il peut être commandé directement sur le site de l’éditeur, Resonus.



Publié le 11 janv. 2021 par Eric Lambert