Inventions & sinfonies - Johann Sebastian Bach

Inventions & sinfonies - Johann Sebastian Bach ©Photo RMN/Martine Beck-Coppola
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La douceur du jeu cantabile...


Ce présent enregistrement est fort intéressant car il met en scène un instrument peu connu, le clavicorde.



Yves Crétinon, facteur de clavecins

Il permet de le découvrir non seulement musicalement mais également historiquement et techniquement. Dans nombre d’esprits, lorsqu’on évoque le mot baroque, beaucoup pensent en premier lieu à CLAVECIN ! Cette vision n’est que trop restrictive !

Le clavicorde remonte au tympanon médiéval et est souvent présenté comme étant l’ancêtre du piano. Cet instrument à clavier suit la technique des cordes frappées, contrairement au clavecin et à l’épinette où la corde est pincée. Cependant sa mécanique peut apparaître assez simple face à celle du piano-forte de Cristofori, Silbermann ou Stein, ou à celle du piano moderne. Son principe en est le suivant. Chaque corde se trouve tendue sur deux chevalets. La touche commande une pièce appelée tangente. Quand cette pièce frappe la corde, elle sépare la corde en deux parties : l'une libre, vibrante, dont la fréquence et hauteur de la note dépend de la longueur entre l'extrémité et la tangente (création d'un nœud de vibration), l'autre étouffée par une bande de feutre appelée étouffoir.



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Il existe deux types de clavicordes, le lié et le non lié. Le premier utilise la propriété vibratoire de la même corde pour produire plusieurs sons différents mais non concomitants, rapprochant son fonctionnement à celui d’une guitare. Quant au clavicorde non lié, il emploie autant de cordes que de notes.


Les pièces enregistrées sur ce disque ont été interprétées sur un clavicorde non lié de Joop Klinkhamer, copie d’après Johann Heinrich Silbermann. Cet enregistrement a été salué par la critique internationale et couronné de plusieurs prix notamment du Preis der Deutschen Schallplattenkritik et 5 étoiles de Goldberg Magazine.

Le maître incontesté de cet instrument n’est autre que le Kantor de Leipzig, Johann Sebastian Bach. Il a composé de nombreuses pièces pour ce fabuleux et captivant instrument, notamment six préludes, quinze inventions à 2 voix et quinze sinfonies, objets de cet enregistrement paru sous le label Editions Hortus.


Ces Inventions et Sinfonies résonnent de nouveau grâce aux doigts du brésilien Cristiano Holtz, un des meilleurs clavecinistes de notre époque. La Fughetta en ut mineur BWV 961 révèle des qualités fort précieuses pour un clavicordiste, la délicatesse, la finesse et le soin. Carl Philippe Emanuel Bach confiait lui-même que « tout bon clavicordiste est toujours un claveciniste accompli, l’inverse n’est pas obligatoirement vérifié. ». Holtz fait sonner la Sarabande en fa mineur BWV 823 l’inscrivant dans le “jeu” voulu par Bach. Seul face à l’instrument, ses doigts dialoguent avec les touches.


Dans les Inventions en majeur ou en mineur – n°1 ou 4 pour ne citer qu’elles -, Holtz marque aux fers une manière claire et précise de jouer. Le lié imposé par ce dextre doigté « colorise » les ornements, tout comme la robe de la Femme au chien de Johann-Joachim Kaendler en page de couverture du livret. La mélodie Sinfonie n°1 en ut majeur BWV 787 laisse entrevoir toutes sortes de couleurs et de nuances. Le jeu cantabile s’exprime avec élégance dans la Sinfonie n°5 en mi bémol majeur BWV 791. Nous entendrions presque la respiration humaine lors de ces gracieux ornements. Le son garde toutes ses harmoniques et surtout toute sa richesse à la faveur d’un solide continuo.

Selon Johann Nikolaus Forkel, premier biographe du Kantor, le clavicorde était l’instrument à clavier préféré de Bach, « car le plus apte à exprimer tout le raffinement de sa pensée musicale ».
Son faible volume sonore en fait un instrument intimiste, comme la voix lorsqu’elle veut séduire. Nul ne saurait résister à un discours aussi charmeur. Connaisseurs ou amateurs laissez-vous tenter par la douce imitation de la voix sur instruments…



Publié le 27 févr. 2016 par Jean-Stéphane SOURD-DURAND