Mondonville - Trio Sonatas Op. 2

Mondonville - Trio Sonatas Op. 2 ©Diderot/d'Alembert, Encyclopédie, Bibliothèque Nationale de France
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«Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux», Marcel Proust


En cette mi-octobre, les mélomanes ont le plaisir de découvrir dans les bacs le tout premier enregistrement mondial des Sonates en trio, Opus 2 signées de la main de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville, compositeur et violoniste français.


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Maurice Quentin de La Tour - © Domaine public

Avant de se lancer corps et âme à la redécouverte du répertoire français notamment celui de Mondonville avec l’écoute de ce présent enregistrement, peut-être est-il nécessaire de resituer ce compositeur dans son époque ?

Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville est né en 1771. Il sera l’un des violonistes les plus virtuoses de l’époque baroque. Sa carrière musicale le conduira à occuper différentes fonctions comme celle de maître des violonistes aux Concerts de Lille, de violoniste et directeur au Concert Spirituel, ou bien encore de sous-maître de musique de la Chapelle royale. Quant à ses œuvres, elles sont empreintes de riches couleurs peignant par touches délicates à la manière précise de Johannes Vermeer, un dramatisme fort peu courant chez ses contemporains notamment Jean-Philippe Rameau pour ne citer que lui. Cette maîtrise musicale mêlant instruments et voix, confère à ses créations la qualité d’œuvres remarquables de la musique baroque. Entre 1734 et 1755, Mondonville compose 17 grands motets. Conformes aux normes liturgiques de l’époque, les motets prédominent dans le répertoire de la Chapelle. Cependant, seules 9 partitions ont traversé les temps parmi lesquelles on peut mentionner Dominus regnavit, Elevaverunt flumina, Gloria patri, Jordanis conversus est retrorsum, Venite exultemus Domino.
Mondonville se distingue aussi dans le domaine de la musique de chambre. Il apparaît comme l’un des bâtisseurs de la sonate dite classique, dans laquelle le clavecin édifie ses fondations sur l’accompagnement du violon. Inventive et expressive, tels sont les qualités pouvant être retenues dans la musique de Mondonville se nourrissant des influences françaises et italiennes. Lors de la querelle des Bouffons (1752-1754), Mondonville prendra finalement partie pour la musique française.

Si ce présent enregistrement constitue sans nul doute possible un véritable chef d’œuvre, le lieu d’enregistrement revêt tout autant de splendeur. Située au cœur de l’abbaye de Royaumont (Asnières-sur-Oise), la Bibliothèque musicale François Lang, baptisée du nom d’un pianiste français (1908-1944) et inaugurée en 2009, offre aux artistes et aux chercheurs un lieu hors du commun tant au plan acoustique qu’à celui de la richesse des collections proposées.


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Bibliothèque musicale François-Lang - © Jérôme Johnson

C’est d’ailleurs cet écrin qu’a choisi Johannes Pramsohler, violoniste de talent pour enregistrer l’Opus 2 des Sonates en trio pour deux violons et basse continue, composées par Mondonville et dédiées au Marquis de la Bourdonnaye. Jusque lors, ces sonates parues en 1734 étaient injustement jetées dans un profond oubli. Elles présentent pourtant un immense intérêt musical. Les sonates en trio sont composées de deux voix dites mélodiques accompagnées d’un basse continue, appelé continuo. Elles tirent leur nom de leur forme écrite (de leur composition) et non au nombre d’exécutants. Par exemple, elles peuvent être interprétées par seulement deux instruments: un violon à la ligne mélodique et un clavecin jouant concurremment la voix mélodique et le continuo. Le continuo peut être exécuté par plusieurs instruments tels le clavecin bien évidemment, le violoncelle baroque que vous pourrez entendre dans ce disque.

Dirigeant de l’archet de son violon, un Pietro Giacomo Rogeri datant de 1713 ayant appartenu à Reinhard Goebel – violoniste et chef d’orchestre allemand – , Johannes Pramsohler conduit d’une main de maître sa formation l’Ensemble Diderot, qu’il a fondé en 2008. Ces musiciens relèvent avec brio un défi technique, notamment les violonistes (Johannes Pramsohler et Roldán Bernabé) face aux nombreuses et malicieuses doubles-cordes présentes dans les 6 trios enregistrés sur le disque. Le jeu dit en double-corde est une technique d’exécution simultanée de deux notes sur un instrument à cordes (violon, guitare, …) ou un instrument de percussion (timbales, marimba, …). Ce «défi» demande une certaine agilité et virtuosité pour l’exécuter.

Malgré une structure identique en quatre mouvements, comparable à celle d’Arcangelo Corelli, les six sonates ne souffrent d’aucune monotonie grâce à la fraîcheur de jeu des interprètes. Les musiciens traduisent avec soin aussi bien les influences «italiennes» (enchaînements de doubles-croches, allegros emmenés, adagios passionnés, continuo vivant joué par le claveciniste Philippe Grisvard) que les «françaises» (beauté harmonique des troisièmes mouvements airs en 6/8, à 2 temps, légers). L’aria de la Sonata 1 en mi mineur en est un des parfaits exemples. Ecoutez et vivez cette élégance musicale qui charme vos oreilles. Il est aisé d’imaginer les archets glisser avec majesté sur les cordes… réagissez avec fougue, avec passion. Soyez impétueux !
Le presto, dernier mouvement de la première sonate, ajoute une double dimension à l’interprétation. Le contrepoint se veut mélodique et harmonique consacrant ainsi un délicieux chromatisme, les notes sont attractives.

Le double mouvement (fugue et allegro) de la Sonate 2 en si bémol majeur nous transporte dans une «valse» étourdissante de notes. L’Ensemble Diderot honore avec foi et conviction la musique de Mondonville.

Les Sonates 3 en sol majeur et 5 en ré majeur, au timbre radieux relevé par la flûte traversière de Kristen Huebner apporte un important détail sur le génie du compositeur. Mondonville a attribué un rôle prédominant à la deuxième voix en la plaçant plus haute que le premier violon. L’ivresse musicale peut s’emparer de notre corps avec les différences rythmiques présentes dans le dernier mouvement de la Sonate 4 en fa majeur, tourbillons entre les triolets en 6/8 et le continuo à 4 temps.

Quant au troisième mouvement de la dernière sonate, Sonate en do majeur, il offre une place de premier rang au violoncelle baroque tenu par Gulrim Choi. Le phrasé est précis, soigné donnant vie à la musique. Le style est langoureux mais paradoxalement éloquent. Il nous entraîne sur ce chemin de découverte ou de redécouverte du riche patrimoine musical français grâce à Mondonville mais également à Jean-Marie Leclair. Nombre de compositeurs ont adopté le style de la sonate tels que Georg Philipp Telemann – auteur de près de 150 sonates inspirées par le maître Corelli –, Georg Friedrich Händel dans ses Opus 2 et 5.

Chers Auditeurs, Chères Auditrices, prenez votre bâton de pèlerin et partez à l’exploration du monde musical de Mondonville…



Publié le 18 oct. 2016 par Jean-Stéphane SOURD DURAND