Queen of Baroque - Bartoli

Queen of Baroque - Bartoli ©
Afficher les détails
Le théâtre des passions baroques

La nouvelle compilation de Cecilia Bartoli rassemble dix-sept airs que l'artiste a déjà affrontés dans d'autres albums (voir notre récent compte-rendu de l’album Farinelli). Elle alterne des morceaux qui atteignent des sommets d'agilité (Carlo Broschi avec Artasese) et de prouesses techniques avec d'autres airs d'expression tragique dont la couleur sombre convient particulièrement bien au timbre vocal de la chanteuse. Mais elle nous présente aussi des inédits : È l'honor stella tiranna d’Agostino Steffani, l'un de ses compositeurs de prédilection. Sans oublier un autre premier enregistrement mondial : Quando invidio la sorte...Chi vive amante, extrait d’Alessandro nell'India de Leonardo Vinci.

Celle qui devait devenir la Reine du baroque a commencé son parcours avec l'album Vivaldi en 1999. Vivaldi est bien sûr l'un des compositeurs les plus célèbres du monde mais toute une partie de son répertoire était peu connue des mélomanes. Grâce à elle, le public a découvert un Vivaldi compositeur de premier plan. Et surtout, cet album a modifié la perception que l'on pouvait avoir alors de Cecilia Bartoli : on a commencé à la considérer comme une chanteuse extraordinaire, curieuse, ironique, spécialiste de musique ancienne.

À partir de 2009, Cecilia Bartoli, ayant nettement amélioré ses capacités interprétatives et et vocales, se sentait prête à affronter un une page importante de la musique baroque: celle des castrats et le défi physique qu'ils représentent du point de vue de la capacité pulmonaire, le volume sonore et la tessiture. Dans son album Sacrificium, dont on retrouve cinq morceaux dans cette collection de mélodies, elle illustre l'art puissant et polymorphe des castrats : Parto, ti lascio, o cara, de Nicola Porpora, un air déchirant avec ses phrases prolongées presque à l'infini et des sauts d'intervalles étonnants, d'une immense profondeur émotionnelle.

Dans son projet Mission, publié en 2012, Cecilia Bartoli se penche sur les débuts de la musique baroque et en particulier sur la musique d’Agostino Steffani.

Cecilia Bartoli ne pouvait oublier Haendel qui l'accompagne depuis des décennies, avec actuellement à son répertoire permanent cinq de ses opéras et oratorios. Disseratevi, o porte d'Averno, temps fort de l'oratorio La Resurrezzione de Haendel, représente certainement le clou de cette alchimie magnifique entre une agilité unique et un chant ardent et véhément.

Il est évident que les airs chantés par l'artiste font l'objet d'une profonde réflexion et que rien n'est laissé au hasard: il suffit de penser au magnifique phrasé, à peine murmuré de Lascia ch'io pianga.

Dans les duos, une jeune Cecilia Bartoli chante avec June Anderson l'ouverture du Stabat Mater de Pergolesi, tandis que dans les extraits de Niobe et I trionfi del fato de Steffani, l'artiste et Philippe Jaroussky forment un duo parfait.

Sans aucun doute, Cecilia Bartoli se trouve parfaitement à son aise dans le théâtre des passions baroques dont elle est la reine incontestable.



Publié le 14 avr. 2021 par Véronique Du Moulin