Sonates pour violon - Bach

Sonates pour violon - Bach ©
Afficher les détails
Des pages peu connues et parfois atypiques de Jean Sébastien Bach

Jean Sébastien Bach (1685-1750) a écrit de la musique de chambre durant toute sa vie. A côté des œuvres phares que sont ses compositions pour violon seul (sonates, partitas), pour violoncelle seul (suites), ses grandes sonates pour violon et clavecin obligé etc... qui appartiennent à des périodes bien précises de son existence (les années 1720 à Cöthen essentiellement), on trouve aussi dans sa production des œuvres de dimensions plus modestes sans lien apparent entre elles et composées à différentes périodes de sa vie. En outre leur authenticité n'est pas toujours garantie et leur attribution au cantor de Leipzig est parfois même remise en question. C'est le cas des sonates pour violon et continuo que Gottfried von der Goltz a rassemblées dans le présent enregistrement.

L'authenticité de la sonate en sol majeur BWV 1021 ne souffre aucune contestation. Elle peut être datée de l'année 1732 d'après la nature du papier utilisé ainsi que son écriture. Sa brièveté et sa ressemblance stylistique avec des sonates de Georg Philipp Telemann (1681-1767) datant de 1715 suggèrent qu'elle ait été composée à une date antérieure à 1730. Curieusement, la basse chiffrée de cette sonate a été utilisée telle quelle dans deux autres œuvres de Bach dont la ligne mélodique est complètement différente. La coupe de cette superbe sonate est celle de la sonata da chiesa avec quatre mouvements de tempos lent, vif, lent, vif. Elle débute avec un Adagio d'une beauté mélodique sans pareille. Le Vivace qui suit, très court et très concentré, use un langage contrapuntique très serré. Le Largo au relatif mineur est une longue cantilène du violon accompagnée par de simples accords du clavecin. Le Presto final très bref est une fugue à deux voix jubilatoire d'une belle écriture.

La sonate en do mineur BWV 1024 est généralement attribuée à Jean Sébastien Bach mais son authenticité est désormais contestée sans que l'on puisse lui donner un autre auteur. Il est possible qu'elle ait été composée par un musicien qui fréquentait le cercle familial. En tous cas les nombreux ornements écrits sont typiques de ceux que Bach utilisait dans sa musique de chambre. L'Adagio liminaire est très dramatique. L'Allegro, une superbe fugue à deux voix plus aérée que celle de la sonate précédente, témoigne d'une maîtrise parfaite du contrepoint. L'Affetuoso qui suit en mi bémol majeur est un morceau paisible dans lequel le violon déroule une belle mélodie sur un accompagnement de doubles croches. La sonate se termine par un Rondo ¾ Vivace dont le refrain est un thème très dansant terminé par un unisson caractéristique. Les couplets se succèdent avec beaucoup de fantaisie et le refrain est répété quatre fois avec des variations.

La sonate suivante écrite dans la même tonalité (do mineur) que la précédente et de coupe identique (sonata da chiesa), est anonyme. D'autres caractéristiques suggèrent qu'elle ait pu être composée en 1720 dans le proche voisinage de Jean Sébastien Bach. L'Adagio initial est remarquable par des chromatismes qui m'évoquent l'Europe Centrale. Dans L'Allegro très virtuose qui suit, on trouve aussi des chromatismes et des accents rythmiques qui font penser aussi à la Pologne ou à la Moravie. La Siciliana en mi bémol majeur est un morceau sans histoires centré sur la beauté mélodique mais quelques chromatismes viennent rompre la sérénité du morceau. Dans l'Allegro final 3/4 très dansant , le violon se livre a quelques acrobaties et le style du morceau assez lâche et presque galant me paraît désormais très éloigné de celui de Bach.

L'authenticité de la sonate en mi mineur BWV 1023 ne saurait être mise en doute. Son caractère assez atypique suggère une œuvre de « jeunesse », composée peut-être vers 1710. L'écriture virtuose du violon résulterait de la rencontre à Weimar de Jean Sébastien Bach avec le célèbre violoniste Johann Georg Pisendel (1687-1755). La sonate débute par un court Préludio consistant en arpèges rapides et aériens du violon au dessus d'une pédale de mi. Suit un Adagio ma non tanto d'une noble grandeur. De nombreux chromatismes et altérations confèrent à ce mouvement un caractère intensément dramatique. L'Allemande et la Gigue sont des morceaux plus conventionnels mais toujours empreints d'une passion contenue.

La date de composition de la fugue en sol mineur BWV 1026 est inconnue mais d'après son style, elle pourrait avoir été composée pendant le séjour de Jean Sébastien Bach à Weimar. Cette œuvre sévère, sans concession, impressionne par sa science du contrepoint et témoigne de la connaissance approfondie qu'avait Bach de la technique violonistique notamment dans les spectaculaires passages en doubles cordes.

La sonate en la majeur BWV Anh 153 est désormais unanimement considérée comme une œuvre de Georg Philipp Telemann. Elle débute par un Adagio dont la ressemblance avec des pages analogues de Jean Sébastien Bach explique pourquoi elle a pendant longtemps été attribuée à ce dernier. Après un Largo très dramatique, le quatrième mouvement Allegro auquel on pourrait ajouter la mention alla Polacca, témoigne du goût de Telemann pour la musique d'Europe Centrale. L’œuvre se termine par une magistrale fugue à trois voix d'une virtuosité extrême avec ses arpèges, ses bariolages, ses double et triples cordes.

Gottfried von der Goltz (violon), Annekatrin Beller (violoncelle) et Torsten Johann (clavecin) en réunissant et en effectuant une lecture critique de partitions très peu connues, ont réalisé un travail historiquement informé; ils ont en effet réussi à transmettre avec authenticité, le style musical pratiqué par le jeune Bach à la cour de Weimar. On s'émerveille tout au long de l'audition de la virtuosité de Gottfried von der Goltz dans les fugues et du soin apporté par ce violoniste dans la réalisation d'ornements qui m'ont paru naturels, appropriés et d'une grande précision.

Comme la sonorité du violon (Paolo Antonio Testore, ca 1720) est enchanteresse et que la prise de son de l'ensemble est optimale, l'auditeur de cet CD est assuré de passer une heure délectable en compagnie de ces musiciens d'exception et de la musique magnifique de Jean Sébastien Bach et de ses collègues.



Publié le 01 mai 2022 par Pierre Benveniste