Fantaisies 1 à 6 - Telemann

Fantaisies 1 à 6 - Telemann ©
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Un séduisant dialogue intérieur

Le génial Georg-Philipp Telemann (1681-1767) dans sa production surabondante eut soin de servir quantité d’instruments et notamment d’offrir à ceux-ci des Fantaisies à jouer seul, sans qu’aucune basse continue ne soit requise. À côté de celles abondamment enregistrées comme celles pour flûte (où désormais François Lazarevitch règne sans partage, chez Alpha Classics/Outhere Music) ou pour violon (magnifiquement servies par Rachel Podger, chez Channel Classics), celles pour viole de gambe font figure de rareté. Et pour cause ! Bien que mentionnées dans le Grundlage einer Ehrenpforte de Mattheson, comprenant une biographie de Telemann, celles-ci étaient considérées comme perdues, irrémédiablement…

Fort heureusement pour nous, Thomas Fritzch, musicologue, retrouve en 2015 leur trace dans la bibliothèque personnelle de la poétesse Eleonore von Münster (née von Grohaus, 1734-1794), du château de Ledenburg dans les environs de Hanovre.

Jérôme Chaboseau est un Telemannien convaincu, fanatique dirais-je même, tant il s’efforce depuis des années avec son ensemble Tactus d’en faire revivre maintes pages. Patiemment, il puise dans cette quantité considérable de musique de chambre que le maître de Hambourg publiait périodiquement pour un public constitué, non seulement de professionnels mais aussi et surtout d’amateurs cultivés et avides de nouveautés, en cette florissante cité hanséatique.

Voilà un enregistrement qui se révèle artisanal, au sens noble du terme. Il illustre la transmission de maître à élève avec une sincérité touchante, Jérôme Chaboseau rendant hommage à celui qui l’a instruit et accompagné dans l’apprentissage de la viole, en l’occurrence Jonathan Dunford. Ces fantaisies, bien que pouvant constituer de véritables études, n’en font pas moins voler en éclat ce cadre purement pédagogique pour envisager toute une série de tableautins aux multiples caractères. L’écriture adoptée entremêle les différents styles en vigueur à l’époque : italien, français,… pour déboucher sur une magistrale synthèse, attestant d’une connaissance profonde de l’instrument.

Avec une sonorité parfois un peu rauque et âpre, parfois diaphane, Jérôme Chaboseau nous fait entrer dans la demeure de quelque hambourgeois décidant de s’évader de ses affaires pour méditer, s’amuser et tout simplement prendre le temps de respirer en compagnie de Telemann.

La Fantaisie n°1 en ut mineur semble tendre la main par sa gravité à Sainte-Colombe et Demachy. Celle en mi mineur (n°3) esquisse d’emblée une polyphonie qui donne l’illusion d’une seconde viole. Doubles cordes, reprises de motifs sur différents registres de l’instrument : tout est bon pour établir une sorte de dialogue intérieur séduisant et plein d’esprit. Certaines pages se font réellement pensives, comme le Largo de la Fantaisie n°5. Le Scherzando de la Fantaisie n°6 démarre comme une musette avec son bourdon pour peu à peu s’émanciper vers l’aigu et tendre soudainement la main à Bach.

Voici donc un enregistrement bien agréable, à se procurer directement auprès de l’interprète (sur son site : 'http://jerome.chaboseau.free.fr/' ou lors de ses concerts avec l’ensemble Tactus.



Publié le 07 févr. 2018 par Stefan Wandriesse