Dances from Terpsichore - Praetorius

Dances from Terpsichore - Praetorius ©
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1985 : Banquet de timbres pour les Danses de Terpsichore

Le 15 février dernier, nous commémorions le quatre-centième anniversaire de la disparition de Michael Praetorius, et aussi le quatre-cent-cinquantième anniversaire de sa naissance. Pour l’occasion, nous avons souhaité honorer une de ses œuvres emblématiques, à travers un enregistrement qui a fait date, et qu’avec le recul on peut relativiser dans une postérité discographique peut-être mieux fidèle au contexte de ce Terpsichore Musarum. Mais l’affaire est-elle si évidente ? Outre le plaisir qu’elle procure, à quelle légitimité l’approche bigarrée voire extravagante de Philip Pickett répondait-elle ? Commençons par remettre en perspective ce recueil chorégraphique, pour mieux cerner ses exigences interprétatives.

Héritier des danceries (1547) de Pierre Attaingnant, du Alderhande danserye (1551) de Tielman Susato (Anvers, c. 1510-1570), du Musicque de joye de Jacques Moderne (Lyon, fl 1523-1561), des recueils de Vander Phaliesen (Louvain, c. 1510-1575), du Libro de balli (1578) de Giorgio Mainerio, des Dances for Broken Consort (1599) de Thomas Morley, des Pavans, Galliards, Almains (1599) d’Anthony Holborne, des danses (Nuremberg, 1601) de Christoph Demantius, le Terpsichore Musarum (1612) advient dans un environnement fertile. L’époque du Musikalischer Tugendtspiegel (1613) d’Erasmus Widmann, du Banchetto Musicale (1617) de Johann Hermann Schein, parus en cette décennie qui passe le relais au Baroque naissant. Une primordiale archive qui thésaurise le répertoire pour la danse, au sortir de la Renaissance. Et principalement français. On lui sait gré de cet instinct patrimonial d’autant qu’ « entre Attaingnant et l'époque de Lully, les éditeurs de partition français ne semblent pas s'être intéressés à la musique d'ensemble instrumentale », comme l’observait François Lesure dans un article de 1952 (Die Terpsichore von Michael Praetorius und die französische Instrumentalmusik unter Heinrich IV, Die Musikforschung 5, p. 7).

De la même manière qu’il documenta l’organologie dans les quarante-deux planches annexées à son Syntagma Musicum (gravures d’une centaine d’instruments de l’époque), Michael Praetorius fait œuvre d’encyclopédiste en collectant les danses typiques à l’orée du XVIIe Siècle. Plusieurs séries furent envisagées, la muse Euterpe devait patronner celle dédiée à l’Angleterre et à l’Italie. Hélas seule (sur)vécut cette anthologie « jouée par les maîtres de danse français et qui peuvent être utilisées pour divertir et charmer les tables et banquets princiers », tel qu’on le lit en vieil allemand sur la couverture originale. L’ouvrage est dédié à Friedrich Ulrich, fils du Duc Henri-Jules de Brunswick-Wolfenbüttel (1564-1613) dont Praetorius était le Kapellmeister depuis 1604, et qui lui versa 2000 thalers pour couvrir les frais d’impression. Ce qui n’empêcha pas Praetorius de demander une rallonge trois ans après ! Les mélodies proviennent majoritairement d’Antoine Emeraud, le Tanzmeister du château, et qui les tenait peut-être lui-même de ses confrères violonistes de notre voisin Royaume. Un autre d’entre-eux ayant servi pour Henri IV, Pierre-Francisque Caroubel, alimenta la compilation par soixante-dix-huit contributions qui figurent sous ses initiales FC. Celles dont Praetorius écrivit les parties basses et intermédiaires (remplissage) sont annotées MPC. La mention Incerti désigne les danses reçues à deux voix avec leur ligne de basse, et cette anonymisation signifie peut-être que le compilateur ignorait l’identité de tous les auteurs. Toutefois certains sont nommés : Pierre de La Grené, Jean de La Motte, Claude Nyon, Pierre Beauchamps… (plusieurs graphies circulent, y compris dans le Dictionnaire des musiciens à la Cour d’Henri IV et des maisons princières - Classiques Garnier, Paris 2019 ; nous reproduisons ici celle identifiée dans le Minutier central des notaires de Paris). Peut-on y ajouter Grégoire de Béthune, prolifique auteur des parties instrumentales des ballets de cour jusque dans ces années-là ? Difficile de démêler la paternité de ces airs de jadis ou d’autrefois, parfois d’origine populaire voire rustique (La Robine est littéralement caractérisée comme ein Bawer Dantz).

Si l’on considère que ces violonistes sortis du lot, souvent issus de la confrérie Saint-Julien-des-Ménétriers, jouaient aussi dans les noces, facturaient des leçons particulières, cela dans tout le pays, on conçoit que certaines mélodies émanaient probablement des terroirs, passées dans la mémoire et la pratique collectives. On retrouve ces toponymes dans le Terpsichore Musarum : Poictu, Bretaigne, Montirande, Loraine, Picardie… Parfois par le biais de chansons à la mode comme celles de Pierre Certon, parfois importées d’Italie via des musiciens immigrés. On en retrouve, antérieurement ou postérieurement, sous divers titres en divers pays. Une des Bourrées est connue en Angleterre comme une contredanse (Parsons Farewell) ; la Pavane de Spaigne renvoie à Antonio de Cabezón (1510-1566) qui la qualifiait de « Pavane italienne » alors qu'en Écosse elle s'intitulait The Queine of Ingland's Lesson ! Praetorius connut certainement des mélodies anglaises par l’intermédiaire de compagnies de théâtre qui séjournaient à Wolfenbüttel, et les intégra dans quelques Courantes. En tout cas, nul doute que le fonds s’approvisionne à la Cour de France, comme l’attestent les similitudes avec les deux Livres de luth de Robert Ballard exactement contemporains (1611, 1614), et avec les manuscrits supervisés par Philidor L’Aîné (Rés F. 494, 496, 497, 498), ces trois sources partageant même six ballets en commun.

Quelle instrumentation pour ces danses ?

La collection excède les trois cents pièces, et rassemble majoritairement des Courantes (plus de la moitié !) quoique brèves, des Voltes (48), des Ballets (37), des Gaillardes (23), des Branles (21)… Hormis un des trois Passameze qui spécifie les cornets, la question de l’instrumentarium (qui devait être abordée dans un tome jamais paru du Syntagma Musicum) reste ouverte à conjecture pour toutes les autres pièces. Les danses à cinq parties de Caroubel devaient originellement résonner sous les archets de la « Bande des Violons du Roy », d’ailleurs elles correspondent à la nomenclature dessus/haute-contre/taille/quinte/basse et l’ambitus de chaque partie convient à ces instruments. « Étant donné qu’Antoine Emeraud était maître de danse et que les maîtres de danse français de l’époque étaient normalement des violonistes, que Caroubel était violoniste à la cour de France et que certaines pièces de Terpsichore figurent également dans le répertoire de la bande des violons, il semble que le recueil était avant tout destiné aux cordes » estimait Peter Holman dans la notice de son CD avec son The Parley of Instruments (Hyperion, septembre 2000). Lequel n’emploie les ingrédients pittoresques (flûte à trois trous, cornemuse et tambourin) que dans le Branle de Village.

Dans la notice (janvier 2006) de l’album Grand Bal à la Cour d’Henri IV (K617), convoquant chansons de Pierre Guédron et danses de Praetorius, Denis Raisin-Dadre citait Pierre Trichet (Traité des instruments de musique, c. 1640) : « les violons sont principalement destinés pour les danses, bals, ballets, mascarades, aubades, festins et autres joyeux passetemps, ayant été jugés plus propres pour ces exercices de récréation qu’aucune autre sorte d’instruments ». Le meneur de Doulce Mémoire argumentait son choix « de distribuer les pièces en fonction de la nature des instruments : à la bande de vent les bransles de tradition ancienne, à la bande de violons les courantes nouvellement apparues. Cet équilibre nous a semblé le bon, entre une débauche d’instrumentations inspirées du traité de Praetorius [...] qui n’a rien à voir avec la réalité d’un bal, et le bannissement des vents sous le prétexte fallacieux et non démontré que les violons s’étaient imposés comme seul partenaire de la musique de danse, dès le début du XVIIème ». Toujours est-il qu’en son disque, les vents se limitent pertinemment à flûtes, hautbois, bassons, cornet, sacqueboute. Pour sa part, l’enregistrement Ricercar (Liège, 1994) se stratifiait en trois groupes étanches et fort plausibles : une bande d’une douzaine de violons, un consort de violes, et les souffleurs de La Fenice emmenés par le cornet de Jean Tubéry.

Les microsillons pionniers avaient suivi leur intuition. Ainsi le Collegium de Fritz Neumeyer (Archiv Produktion, janvier 1960), mélangeant flûtes à bec, violes, luth, entre bonbonnière doucereuse et imagerie d’Épinal (clochettes incluses). Un décor de crèche et santons, un anachronique pays de Cocagne, presque une incursion du merveilleux. Une recette que prolongera et assaisonnera l’album Tanzmusik des Frühbarock de l’Ulsamer Collegium de Konrad Ragossnig (Archiv 1973), dans une veine bigarrée, moins melliflue et d’une âcreté plus prosaïque. Praetorius mentionne cordes et vents pour moduler le volume et l’effet de certaines reprises, accréditant ainsi un consort varié. À pareille époque, à quelque deux cents kilomètres de Wolfenbüttel, William Brade (1560-1630) faisait paraître à Hambourg deux collections (1609 &1614) de danses « pouvant être jouées agréablement sur toutes sortes d’instruments », en spécifiant les violes pour le second recueil. Avec ses cordes frottées et pincées, cornets, trombones, flûtes, piffari, bombardes, bassons, clavecin, orgue, l’Hespérion XX de Jordi Savall (Deutsche Harmonia Mundi, avril 1981) profitait de cette latitude sans outrepasser une nomenclature qui semble aussi judicieuse qu’idiomatique. Dès lors, serait-on autorisé à aborder le Terpsichore Musarum sur un large panel tel qu’inventorié dans les gravures du Theatrum Instrumentorum, alors que nombre de spécimens iconographiés (notamment les anches) devenaient d’emploi marginal ou frappé de désuétude ?

Dans A Performer’s Guide to Renaissance Music (2nd edition, 2007, Indiana University Press, pp 238-239), James Tyler enfonce le coin, et devinez la cible : « récemment, notre perception des sonorités de la musique du XVIe siècle a souvent été distordue par les enregistrements d'ensembles bien intentionnés mais malavisés, qui présentent certains répertoires, particulièrement musique de danse, avec toute une gamme d’instruments à vent et percussion exotique et inappropriée. Visant à charmer et évoquer le bon vieux temps, cette approche du type magasin de jouet [...] a suscité la trivialisation de beaucoup de bonne musique. (... Le Syntagma Musicum) a inspiré à quelques directeurs d'ensemble d’engendrer ce qui se résume à une utopie organologique (...) Avant d'aborder cette œuvre, ils doivent être capables de distinguer ce qui était un usage instrumental normal au début du XVIIe siècle et ce qui était théorique ou même rarement usité. Malheureusement quelques directeurs n’ont pas toujours été capables d'opérer ces distinctions, ce qui a entraîné qu'il y ait là bien plus de flûtes à bec contrebasse, soprano et sopranino, de cervelas, bassanelli, courtauds soprano, cornemuse et leur équivalent contemporain qu’il n’en exista jamais au temps de Praetorius ». À bon entendeur.

L’improbable musée imaginaire

Néanmoins, on doit se méfier d’une implication trop stricte avec la facture et la vocation originelles de ces danses. Au-delà de la dédicace « divertir et charmer les tables et banquets princiers », rien n’affirme que Praetorius prétendait copier le cérémonial et la manière dont on les représentait à la Cour de France, sinon (lui dont la prose est parfois verbeuse) il aurait été plus explicite. Selon David J. Buch (Dance Music from the Ballet de Cour 1575-1651, Pendragon Press, Stuyvesant, 1994, p. 46), on peut ainsi douter « qu’il publiait une collection de musique achetée par les personnes dont l’intention était de recréer le ballet français. Il apparaît plutôt qu’il s’agissait d’arrangements pour le concert, de Tafelmusik, ou peut-être à usage de la danse de société ». Hypothèse qui réhabiliterait une enviable marge d’exécution, selon les circonstances, et les orchestre ou musiciens disponibles.

En décembre 1973 chez EMI, David Munrow et son Early Music Consort tentèrent une approche stimulante et colorée, accusant une recherche de textures plus riches que leurs prédécesseurs allemands, quitte à s’influencer du rétroviseur et briguer un vernis François 1er. Empruntant certains fleurons de cette équipe (Simon Standage au violon, Michael Laird au cornet, David Corkhill à la percussion), Philip Pickett suit la voie ouverte par Munrow dont il imite maintes instrumentations, en améliorant toutefois la qualité de jeu (tant en justesse d’intonation qu’en précision rythmique), en affinant encore l’esthétique, et en amplifiant les effectifs… Cette entreprise apparaît si ce n’est une hérésie, du moins un fantasme, une douce folie. Au-delà de toute rigueur musicologique, difficile pourtant de résister à cet exercice de style qui, d’un coup de baguette magique, s’exfiltre du musée et prend vie.

Non seulement Pickett multiplie les configurations, mais surtout il alterne ambiances et perspectives : du gala à l’agrément domestique, du salon feutré au plein air, de la galerie au boudoir, du palais à l’appartement, et cela ne se rencontre guère dans la discographie. Comme il se doit, le programme débute par une entrée en grande pompe, un Passameze paladine en fanfare et montre d’emblée un orchestre en pleine forme : net, vigoureux, éblouissant, scandé par deux timbaliers. Sur un tempo rapide qui concède au spectaculaire. Il s’agissait du tout premier disque du New London Consort : combien fallait-il marquer les esprits ?! Conformément à l’étiquette, qui voulait qu’une mesure à trois temps succède à la Pavane, ce Passameze laisse place à une Gaillarde pour les couples, qui lui est d’ailleurs consécutive dans la partition (286-287) : un moment intimiste guidé par les deux violons auréolés des flûtes à bec. La fantaisie de l’instrumentarium récidive dès la pièce suivante. Hors toute querelle d’authenticité envers un tel attelage, la célèbre Bourrée gigote sur une ludique combinaison de trois courtauds épicés par les anches nasillardes (cervelas, régale) : l’oreille ne saurait objecter à cette effervescente réjouissance.

Une série de Bransles commence par celui de la Torche où le Mariani (Brescia, c. 1650) de Standage mène une poignée de cordes (deux violons, deux altos, violoncelle, contrebasse). On retrouvera ce même morceau en plage 9, dans un arrangement signé Pickett qui requiert des Schreierpfeifen (à perce conique, une sorte de chalémie mais encapsulée). Notons que l’enregistrement utilise aussi un lot de Rauschpfeifen, dont la démarcation (tant étymologique qu’organologique) avec les Schreierpfeifen s’avère confuse. Ces deux parcs se différencient ici par leur tessiture : du sopranino à l’alto pour les premières (dont la stridence se repère dans le gouailleur Ballet des coqs et surtout dans la Volte 223), du ténor à la basse pour les Schreierpfeifen. Notons que pour celles-ci le livret mentionne curieusement cinq instrumentistes alors qu’elles n’apparaissent que dans ce Bransle de la Torche, qui en mobilise quatre. Signalons au passage qu’on aurait apprécié que ce livret fort détaillé (liste des instruments et leur distribution aux interprètes) s’orne de quelques photos de sessions où l’on aurait pu visualiser ces instruments.

Deux harpes doubles, aux mains de jeunes spécialistes tels que Frances Kelly et Andrew Lawrence-King, s’approprient trois Bransles consécutifs, dont la parure gracile nous rappelle que ce recueil entreprend aussi de charmer. Changement de décor à vue pour le Bransle de village qui nous convie à l’air vif d’une noce de Brueghel ou d’une kermesse de Rubens ; s’y esbaudissent les violoneux, avec le renfort d’une viole (grande basse), bientôt relayés par une contadine vielle-à-roue. Les libations semblent porter leur fruit et se dissipent par le comateux Philou, qui échoit d’une vêture cocasse, avec cymbalum et… xylophone (métaphore des gosiers asséchés par la gueule de bois ?).

Survient un cortège de huit ballets, encadré par deux tonitruants épisodes de caractère : celui des Sorciers (avec trois chalémies) et celui des Coqs. S’entretoisent trois gracieux volets époussetés par le tambourin, où quatre flûtes à bec alternent avec autant de traversières pour les Princesses. Défilent diverses familles de vents. D’abord une rarissime occasion d’entendre un consort de cervelas (ténor, basse, basset, grande basse) qui, bien que Praetorius raillait sa sonorité de mirliton, pouvait servir à accompagner les polyphonies sacrées à quatre voix et qu’on admire ici à découvert, dans un répertoire profane. On rappellera que le plus grave cervelas, pour une hauteur d’une trentaine de centimètres, descend aussi bas qu’un contrebasson, grâce à l’agencement intestin de sa tubulure. Puis pour les Baccanales voici un quatuor de cromornes dont une grande basse prêté par le facteur Eric Moulder. Lequel cède place à un grandiloquent équipage de sacqueboutes pour les Matelotz. Ce qu’on peut considérer comme la première partie du disque se referme dans la discrète pénombre de la Pavane de Spaigne égrenée par un délicat clavecin italien, puis de la Spagnoletta pour une paire de luths.

À l’instar de l’introduction de l’album, sa seconde moitié débute par un Passameze, circonscrit aux cornets et sacqueboutes, rythmé sur la grosse caisse, servant de porche à trois Courantes. Les deux premières, respectivement confiées aux cordes et aux traversières, rivalisent d’élégance in convivius. La Courrant de Bataglia invite bien sûr les cuivres dont les trompettes. Avant de lancer les festivités s’instille une précieuse Sarabande esquissée par violon et lira da braccio. Le programme se conclut par une chaîne de « danses hautes », huit Voltes. La première fait tressauter cornets et sacqueboutes sur la battue de deux caisses claires. Quatre flûtes pour sa suivante, puis quatre « sourdines » (leur unique apparition sur ce disque, et l’on n’en trouvera guère d’équivalent ailleurs !) qui comme suggère le nom de cet aérophone à anche double produit un son rauque et caviteux. Les quatre dernières progressent crescendo. Le miellat de cinq flûtes à bec précède une Volte pour les archets, une autre pour cornets et sacqueboute qui taquine les jarrets, avant le bouquet final : sur le lourd galop de deux tambourins du Béarn, rappelant l’origine provençale de cette danse, la trentaine de musiciens s’émoustillent, avec éclat et une non moindre dignité.

Hormis les réserves quant à l’instrumentation, la performing edition s’avère habile, efficace et d’un goût très sûr. Aucune ornementation superflue, l’interprétation privilégie la fluidité mélodique, la clarté de l’agencement, et sous cet aspect de sobriété résiste aux délicieuses fioritures, aux diminutions virtuoses du Capriccio Stravagante de Skip Sempé (Paradizo, 2012). Le New London Consort n’a pas toujours convaincu dans les répertoires d’aval (Brandebourgeois de Bach) ni même d’amont : Carmina Burana, Fête des Fous trop policée (à comparer avec la truculence du Clemencic Consort !), Pilgrimage to Santiago qui sent davantage le studio climatisé que les chemins tortueux et périlleux du pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle (à comparer avec la verveuse équipe de Thomas Binkley !). Ici dans le Terpsichore Musarum les troupes de Pickett nous livrent leur nectar, plus fabuleux que nature. Cinquante trop brèves minutes (durée standard à l’ère vinyle avant que le support CD n’établisse des normes plus généreuses) qui nous privent du Passepiedz de Bretaigne, des Bransles de Montirande ou de Poitou, d’un Ballet du Roy… Des absences que consolera le plaisir qui nous est offert par la formation londonienne, et qui préfigure ce qu’on peut applaudir comme le sommet de sa discographie : l’album Susato d’octobre 1991. Lequel, dans l’ample acoustique du Walthamstow Assembly Hall, moins flatteuse pour l’individualité des timbres, parachèvera la propension orchestrale : un bal Renaissance à échelle symphonique !



Publié le 22 avr. 2021 par Christophe Steyne