Vertigo - Duo Tartini

Vertigo - Duo Tartini ©Design : David Plantier
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Simplicité et authenticité pour honorer un musicien virtuose et sensible

Giuseppe Tartini (1692-1770) fut un pédagogue et un violoniste virtuose dont la postérité, davantage séduite par l’exubérance et le lyrisme de son contemporain Antonio Vivaldi (1678-1741), ne semble retenir que sa brillante et célébrissime Sonate en sol mineur dite Trille du Diable. Pourtant, son œuvre, riche de plus de cent trente sonates, n’a pas manqué d’impressionner les mélomanes européens. Signe de sa notoriété, la plupart de ses manuscrits sont ramenés en France en 1796, l’armée napoléonienne récoltant parmi les plus précieuses œuvres d’art d’Italie au titre du trésor de guerre. En cette année 2020, nous commémorons les 250 ans de la disparition du maître de Padoue. Le Duo Tartini, composé du violoniste David Plantier et de la violoncelliste Annabelle Luis, se devait de rendre hommage à ce musicien de l’Illuminismo. C’est ainsi qu’il sort des précieuses étagères de la Bibliothèque nationale de Paris quelques-unes de ses ultime sonates, composées quelques années seulement avant sa mort, en 1765/66. C’est là, parmi les pages du Manuscrit 9796, que dormaient ces quelques pièces dans lesquelles se manifeste la période la plus exigeante de Tartini : celle de la recherche de la beauté dans la simplicité plutôt que dans la difficulté démonstrative.

Dès les premières notes de la Sonate en la mineur a8, David Plantier et Annabelle Luis font entendre un jeu dépourvu de toute frivolité. L’interprétation équilibrée des deux instruments se fait dans une recherche patente d’une expressivité simple et authentique. Pourtant, la partition ne fait aucunement défaut de son écriture savante que le jeu instrumental sait mettre à l’honneur grâce à des ornementations tout aussi agiles que gracieuses. Dans chacune des quatre premières sonates de l’enregistrement, la propreté et la finesse du duo Tartini font entendre le Baroque sensible que l’on aime tant dans l’intimité de notre salon, même dans les nets traits des cadences du violoniste. Son instrument – précieux objet fabriqué en 1766 par le luthier Giovanni Battista Gudagnini et prêté par Dominique et Olivier de Spoelberch – fait entendre un timbre clair et sonne comme une caresse. On retrouve cette souplesse dans le son rond du violoncelle du célèbre luthier français Nicolas Augustin Chappuy datant de 1777.

Il est très appréciable de sentir la présence équilibrée entre les deux instrumentistes. La basse est souvent des plus intéressantes, notamment lors du premier mouvement de la Sonate en la majeur A4 dans lequel Annabelle Luis accompagne avec personnalité et originalité, par exemple par ses pizzicati espiègles et tout à fait opportuns. Car, si la partition ne fait pas preuve d’elle-même d’une ligne de basse des plus exubérantes, les interprètes savent la mettre en valeur, comme certainement il l’eût été du temps de Tartini. Cela est donc tout naturel que le duo paraisse complice, proposant une interprétation aussi personnelle que vivante, comme l’auraient certainement proposé Tartini et son ami violoncelliste, l’abbé Antonio Vandini.

On retrouve l’espièglerie dans l’agilité de la Sonate en ré majeur D19, seule œuvre de jeunesse du disque, toujours très distincte et bien justifiée par une direction de phrasés aux allures authentiques. L’intimité de l’effectif en duo n’en est pas moins présente, même dans les impressionnants passages en trio dont la conscience mélodique est idéale, par exemple lors du touchant Andante de cette sonate D19 qui précède un Allegro joueur, humble démonstration d’une superbe maîtrise d’archet de David Plantier, faisant honneur à l’école du maître de Padoue. Lors de la Sonate en ré majeur D9 le violoniste fait de nouveau preuve de doubles cordes parfaitement nettes et justes, assurant la pleine expressivité mélodique et harmonique de chaque partie. C’est avec le brio des variations de cette fougueuse sonate que termine, avec toujours la même simplicité apparente, cette hommage à Giuseppe Tartini, virtuose dont on retrouve toujours avec autant de plaisir et d’admiration la poésie sous les doigts de musiciens aussi talentueux que respectueux et curieux de la musique du XVIIIe siècle.



Publié le 22 nov. 2020 par Emmanuel Derœux