Sei Sonate à due Hautbois, Violino et Basson con Basso Continuo ZWV181 - Zelenka - Ensemble Zefiro

Sei Sonate à due Hautbois, Violino et Basson con Basso Continuo ZWV181 - Zelenka - Ensemble Zefiro ©OGphoto / Vetta / Getty Images
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Si des noms fort bien connus comme Haendel, Vivaldi, Purcell, Rameau et bien d'autres marquent l'histoire de la musique baroque de notre chère Europe, il ne faut pas oublier celui du plus grand compositeur tchèque de cette époque, Jan Dismas Zelenka (1679-1745), dit le Bohémien. Dès son plus jeune âge, il évolue dans le monde musical puisque son père est cantor, organiste et chef de choeur. Il s'adonne à la pratique du violone, contrebasse de viole à six cordes. Il est d'ailleurs engagé comme joueur de violone à la cour catholique de l'Electeur de Saxe et roi de Pologne Frédéric-Auguste Ier, à Dresde en 1710-1711. Son écriture virtuose ne connaîtra pas la notoriété tant espérée. Disgrâce? Malchance? Convoité par Zelenka, le poste de Kappellmeister - tenu par le feu Johann David Heinichen, mort en 1729 - lui échappera le 1er décembre 1733 au bénéfice de Johann Adolf Hasse à la musique profusément italianisante et plus en vogue à cette époque! Le Bohémien devra se contenter de sa nomination de consolation, «compositeur d'église» en 1735. Il décède en 1745 et ses œuvres seront archivées, en quelque sorte inhumées, à la Bibliothèque de Saxe. Appréciée par Bach et Telemann, sa musique tombe rapidement dans les profondeurs de l'oubli. Bien triste destin! La grandeur de son talent ne lui est donc pas reconnue même à titre posthume. Il faudra attendre 1830 pour que ses manuscrits ne soient exhumés en partie par le musicologue Friedrich Rochlitz, et surtout à partir de 1950 grâce à Günter Hausswald, Camillo Schœnbaum et Hubert Unverricht. On peut parler d'une certaine résurrection...

Même si la majeure partie son œuvre est religieuse, la profane plus restreinte numériquement n'en demeure pas moins de très grande qualité, notamment avec les Six Sonates - Sei Sonate vers 1721-1722, objets de ce présent enregistrement. Ces sonates sont composées pour deux hautbois, basson et basse continue. Ce cadeau du ciel est servi par un ensemble spécialisé dans le répertoire pour instruments à vent, Zefiro crée en 1989 par les hautboïstes Alfredo Bernardini et Paolo Grazzi et la bassoniste Alberto Grazzi. Tel Zéphyr, dieu des vents d'Ouest, l'ensemble apporte un souffle novateur aux sonates dans son interprétation originale et délicieuse. Il restitue avec brio la parfaite maîtrise contrapuntique de Zelenka. Il tire à profit des indications rythmiques imposées par le maestro lui-même en arborant fièrement des ruptures et des syncopes. L'allegro de la Sonate n°5 en fa majeur (cd 1, piste 01) inscrit cette recherche de dynamisme dans le discours musical. Les nuances sont fines, soignées consacrant ainsi le génie du Bohémien. La consonance est harmonieuse surement due aux couleurs expressives des hautbois et du basson.
Relevons l'éclat des mouvements rapides et la suavité des plus lents, comme l'andante, l'allegro, l'andante (adagio) et l'allegro assai de la Sonate n°2 en sol mineur (cd 1, p. 08-11). Sa musique fascine, envoûte, captive notre attention mais elle ne se laisse guère apprivoisée. Au détour de quelques notes, elle nous surprend. Elle rompt le schéma classique qui pourrait apparaître monotone. Le clavecin ou bien encore l'orgue, dans leur rôle quasi «obligé» de continuo (basse continue), offrent une multitude de variations, une riche palette de couleurs. L'adagio ma non troppo de la Sonate n°1 en fa majeur (cd2, p. 01) en serait le parfait exposé. Une émotion intime s'en dégage. Les Cieux ressembleraient-ils à ce verdoyant et lumineux paysage en ton majeur? Zelenka tire à profit de l'alternance de tonalités majeures et mineures à la manière des peintures de Michelangelo Merisi, dit Le Caravage. La fièvre, la passion s'emparent de notre âme avec le mouvement allegro/tempo giusto de la Sonate n°3 en si bémol majeur (cd2, p.08)

Bien que ces sonates suivent les formes des sonates d'église, elles puisent leur inspiration profonde dans la musique populaire du pays natal de Zelenka, constituant ainsi un mouvement baroque spécifique relatif aux compositeurs tchèques. Les Sei Sonate imposent avec conviction la virtuosité du maestro, tourmenté.
Tout comme l'anémone (en couverture du cd), la musique du Bohémien reflète force et fragilité comme le pétale s'envolant sous le souffle de Zefiro



Publié le 27 juin 2016 par Jean-Stéphane SOURD DURAND