A portuguesa ! - Staier

A portuguesa ! - Staier © Auditorium de Lyon : Andreas Staier
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La musique baroque ibérique, lieu d’influences croisées

L’Orquestra Barroca Casa da Musica (OBCM, voir son site) fondé en 2006, a pour raison d’être l’interprétation de la musique baroque dans une perspective historique. Dirigé par le claveciniste et chef anglais Laurence Cummings (voir sa notice), il s’est également produit avec Rinaldo Alessandrini, Alfredo Bernardini ou encore Andreas Staier. L’ensemble a aussi partagé la scène avec les contre-ténors Andreas Scholl, Franco Fagioli, ou encore Iestyn Davies. L’OBCM est salué par la critique nationale et internationale pour la qualité de ses concerts en Europe comme en Chine, et de ses enregistrements. Dans sa forme présentée ce soir, l’orchestre d’une vingtaine de musiciens est majoritairement composé de femmes. Pour ce concert, l’OBCM est disposé en demi-cercle autour du clavecin d’Andreas Staier. Légèrement en retrait se trouve un second clavecin en appui. L’orchestre est composé de dix violons répartis en deux groupes de part et d’autre de la scène, les première et deuxième violons (deux femmes) sont aux côtés d’A. Staier. Au milieu de la formation se trouvent les vents au nombre de trois. À leur gauche se situe le contrebassiste, devant lequel sont placés deux violoncelles.

Originaire d’Allemagne, Andreas Staier est né à Göttingen en 1955. Après des études de piano et de clavecin à la Hochschule für Musik, Theater und Medien Hannover (Ecole supérieure de musique, de théâtre et de danse de Hanovre ; voir son site), il obtient rapidement un premier prix au Conservatoire d’Amsterdam en 1982. Dès 1986, il se lance dans une carrière internationale de soliste au clavecin et piano-forte. Il enseignera de 1987 à 1996 à la prestigieuse Schola Cantorum de Bâle, qui forme à l’interprétation de la musique ancienne. En 2024, Andreas Staier obtient la médaille Bach de la ville de Leipzig, pour ses interprétations et enregistrements autour du Cantor de Leipzig. Avant le concert de ce soir, Andreas Staier n’avait jamais joué à l’Auditorium de Lyon, c’est maintenant chose faite !

Le programme de ce soir, intitulé A portuguesa !, constitue un alléchant mélange musique baroque ibérique. Un voyage entre des œuvres du compositeur portugais José Antonio Carlos de Seixas (1704-1742), des italiens Domenico Scarlatti (1685-1757) et Luigi Boccherini (1743-1805) qui ont vécu en Espagne, sans oublier leurs confrères anglais William Corbett (1680-1748) et Charles Avison (1709-1770), qui ont su se nourrir de leurs pairs durant leurs voyages dans la péninsule ibérique. Cette période de la musique témoigne d’un fourmillement intense qui dépasse les frontières politiques.

Le programme papier présente de manière claire le concert avec des éléments de contexte. Cette attention permet une bonne compréhension de la cohérence du concert. Cependant, il aurait été agréable que l’orchestre soit présenté nommément, sinon sur le programme, du moins sur le site de l’Auditorium de Lyon. Le concert est découpé en deux parties, et proposent deux sonates de Domenico Scarlatti interprétées par le maître de la soirée. Avec l’OBCM, A. Staier joue le plus souvent clavecin ouvert ; en solo comme avec les œuvres de Scarlatti, son instrument est semi couvert, le son en est alors transformé !

Le public accueille chaleureusement l’orchestre sur scène, suivi d’Andreas Staier. Le concert débute avec trois mouvements de l’œuvre de William Corbett. Une ouverture à la dynamique progressive et délicieusement accompagnée par les instruments à vent. Ces derniers se retirent lors des trois mouvements du concerto de José Antonio Carlos de Seixas. Le clavecin, couvercle semi-ouvert, dirige l’œuvre joué vers le public, ses notes se teintent d’une sonorité plus cristalline. Un dialogue avec les instruments à cordes se met alors en place. A. Staier termine le premier mouvement par une série de glissando à la manière d’un pianiste. Avec le second mouvement, la première violon réalise un solo très finement accompagné par les cordes. Enfin l’Allegro montre une communication minimaliste et efficace entre les musiciens. Le rythme entre le clavecin et les cordes est très agréable.

Les sonates de Domenico Scarlatti sont un moment clé du concert pour apprécier tout le talent d’Andreas Staier. L’orchestre se retire, la lumière se concentre sur le clavecin du maître de la soirée alors habillé de son couvercle par l’équipe technique. L’instrument baigne dans un halo de lumière, une ambiance plus intime se dessine sur scène, le spectateur écoute avec attention. La première sonate est jouée avec puissance et gravité, le rythme est soutenu et dynamique. Avec la seconde sonate, la rapidité du geste témoigne de toute la virtuosité de l’artiste. Le son des deux autres sonates, jouées en seconde partie de concert, est plus fluide. L’enchaînement de notes, impressionnant et très rapide, laisse croire qu’il joue à quatre mains !

Les mouvements du Concerto grosso n° 5 de Charles Avison sont interprétés avec enthousiasme ; les violons manifestent leur plaisir à jouer ensemble.  Mis à nu, le clavecin se fait plus discret, le son est davantage diffus et s’intègre parfaitement pour donner corps à l’orchestre. Pour finir, l’OBCM revient au complet autour de l’œuvre de Luigi Boccherini. Les sourires sont sur toutes les lèvres. Les deux violoncellistes, instruments à l’horizontal, effectuent une série de pizzicati comme s’ils jouaient de la guitare. Les airs de Boccherini sont tels une histoire qui se raconte entre les cordes frottées et celles pincées par des violons avec des intonations variées.



Publié le 09 déc. 2024 par Dimitri Morel