Actéon - Pygmalion (Charpentier & Rameau)

Actéon - Pygmalion (Charpentier & Rameau) ©
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Charpentier et Rameau au sommet du baroque

Le concert du 8 octobre 2024 au West Road Concert Hall de Cambridge a réuni deux chefs-d'œuvre du baroque français : Actéon de Charpentier et Pygmalion de Rameau. Cette soirée, où la thématique de la transformation était omniprésente, a captivé le public grâce à une mise en espace ingénieuse et une interprétation vocale d'exception.

Dès le début de Pygmalion, Anna Dennis, incarnant la statue inanimée, a impressionné par sa présence saisissante. Assise, immobile, la peau peinte d’un gris cendré, elle incarnait parfaitement l’illusion de la pierre. Sa transformation en une créature vivante a été rendue d’autant plus frappante lorsque Thomas Walker, dans le rôle de Pygmalion, a entonné l’air Règne, Amour, fais briller tes flammes. Sa voix, puissante et expressive, a su capturer la ferveur et la passion de l’artiste voyant son œuvre prendre vie. Walker a impressionné par sa maîtrise technique, alternant avec aisance entre la supplication et l’exaltation. Cette scène a été le point culminant de l’œuvre, marquée par une montée dramatique qui a véritablement captivé le public.

Rachel Redmond, interprétant le rôle de la nymphe Aréthuse dans Actéon, a ébloui avec son air Chant charmant et doux murmure. Sa voix claire et brillante, d’une grande pureté, a magnifié cette scène paisible où la nature et l’innocence se mêlent harmonieusement. Lors de l’air Dieux, soyez-nous propices, elle a su exprimer toute la dévotion et la pureté des nymphes priant pour Actéon, donnant à ce moment une solennité empreinte de grâce.

Katie Bray, mezzo-soprano, s’est illustrée par sa présence vocale dans Actéon, notamment dans les passages évoquant la colère de Diane. Sa voix, riche et profonde, a porté avec intensité les malédictions qui frappent Actéon. Son interprétation de O fleuve aux ondes pures a particulièrement marqué le public par sa puissance expressive.

Le ténor Thomas Walker, dans les rôles d’Actéon et de Pygmalion, a offert une prestation poignante et énergique dans les deux œuvres. En plus de Règne, Amour, fais briller tes flammes, sa performance dans Fuyons, fuyons ! d’Actéon a restitué avec conviction l’angoisse et la résignation du prince de Thèbes. La scène de la métamorphose, soutenue par un accompagnement instrumental vibrant, a été l’un des moments les plus marquants de la soirée, rendant presque palpable la transformation en cerf d’Actéon sous les yeux horrifiés de ses compagnons.

La direction de Laurence Cummings, toute en finesse et en nuances, a permis à chaque passage instrumental d’éclairer la dramaturgie vocale. Les dialogues entre les instruments à vent et les voix ont mis en avant la richesse harmonique de ces œuvres, révélant toute la subtilité des textures orchestrales de Charpentier et Rameau. La précision des coups d’archet et la coordination parfaite des musiciens ont apporté un soutien solide aux interprètes, créant un équilibre sonore idéal.

En somme, cette représentation d’Actéon et Pygmalion a transcendé la simple performance musicale pour devenir un véritable spectacle théâtral, où chaque chanteur a su incarner avec profondeur et élégance les nuances psychologiques de son personnage. Un hommage vibrant à la puissance du baroque français, brillamment exécuté par l’Academy of Ancient Music.



Publié le 10 oct. 2024 par Pedro Medeiros