Fugacités - Ambronay

Fugacités - Ambronay ©Bertrand Pichène CCR Ambronay
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FugaCités au Festival d'Ambronay ou la rencontre insolite du baroque avec la musique actuelle

En ce dimanche des Journées Européennes du Patrimoine, les publics peuvent se rendre à la salle polyvalente d’Ambronay pour découvrir deux courts concerts de 40 minutes appelés FugaCités et lors desquels les musiciens du Concert de l’Hostel Dieu collaborent avec d’abord un danseur hip-hop et ensuite un beatboxer. Des rencontres insolites qui pourtant fonctionnent assez bien et, surtout, enthousiasment les grands comme les plus jeunes.

Le programme du premier concert FugaCités #1 réunit le claveciniste Franck-Emmanuel Comte, le violoniste Boris Winter et la violoncelliste Aude Walker-Viry rejoints par le danseur hip-hop Jérôme Oussou. Autour d’un florilège d’œuvres du XVIIIe siècle, le danseur suit une trame conçue par le chorégraphe Mourad Merzouki pour improviser, se rapprochant du geste des musiciens baroques qui improvisent à partir d’une basse continue. Suivant la musique, qu’il connaît d’oreille jusqu’au bout de ses membres, ses mouvements se font parfois mécaniques, s’inspirant des pizzicati du mouvement Imitatione del liuto extrait de la Sonate n°2 de Johann Paul von Westhoff, qu’il feint d’observer, d’imiter puis de revisiter. D’autres fois, ses gestes se font plus amples, voire acrobatiques, sur les rapides arpèges du violon dans le mouvement Imitatione delle campane de la Sonate n°3 du même compositeur. Musicalement, les interprétations ne sont pas des plus exigeantes, la priorité étant donnée sur les rythmes et les intentions, ce qui est plutôt réussi. On pourrait toutefois regretter des timbres peu séduisants : assez métalliques pour le clavecin et des lignes mélodiques manquant un peu de souplesse ; empreint d’une certaine âpreté pour le violon, particulièrement dans ses arpèges pour lesquelles les cordes qui ne sonnent pas toujours mais dont on apprécie néanmoins la constance qui offre l’évocation recherchée. On peut admirer la présence scénique et musicale de la violoncelliste, jouant la majeure partie du temps par cœur. Son interprétation de la Sonate en la mineur d’Antonio Vivaldi, magnifié par ses regards complices avec le danseur, fut fort apprécié du public. C’est surtout les interactions entre les musiciens et le danseur que l’on aime dans ce spectacle. A plusieurs reprise le danseur vient auprès des instrumentistes, pour les taquiner ou les imiter. Ceux-ci se prêtent également au jeu de danser avec lui, Boris Winter suivant les gestes de Jérôme Oussou tout en jouant l’extrait de Welcome to all the pleasure de Henry Purcell, ou encore cette drôle course poursuite en ralentie, Franck-Emmanuel Comte courant après le danseur jusque dans les coulisses sur les arpèges de la Sonate n°3. Après de premiers applaudissements chaleureux en reconnaissance de ses impressionnants jeux de jambes, Jérôme Oussou propose aux spectateurs de se lever et leur donne une courte leçon de danse pour qu’ils puissent eux-mêmes danser sur une tarentelle napolitaine, ce que toute la salle fait avec grand bonheur. Bien qu’ayant droit à un bis, le public refuse de partir et insiste pour un ter qu’offrira l’ensemble autour d’un rondo rythmé mettant en valeur l’agilité d’Aude Walker-Viry.

Franck-Emmanuel Comte rappelle au public que s’il en veut plus, il peut venir de nouveau l’après-midi pour découvrir une autre rencontre insolite : celle de trois autres musiciens baroques du Concert de l’Hostel Dieu avec le champion du monde de beatbox Tiko, également autour d’un programme d’œuvres du XVIIe siècle. Pour rappel et si nécessaire, le beatbox est l’art de faire de la percussion avec la bouche. Disposés comme un véritable quatuor, les quatre musiciens jouent effectivement comme un véritable ensemble, et non comme un soliste invité accompagné par quelques musiciens. On ressent alors, grâce notamment aux arrangements de Franck-Emmanuel Comte, une véritable symbiose entre les artistes. Entre autres moments forts, on peut retenir la douce et apaisante Ritournelle instrumentale de l’air A Prince of glorious race de Henry Purcell qui montre que le beatbox est tout à fait capable de produire un accompagnement de percussions adapté pour laisser la liberté au violoniste d’exprimer son chant. Les Tarantelas de Santiago de Murcia sont également un arrangement très apprécié lors duquel Tiko produit de véritables sons de castagnettes avant de proposer un accompagnement qui amène une proposition plus actuelle. On peut également citer les arpèges du troisième mouvement de la Sonate n°3 de Westhoff déjà entendue lors du précédent concert. Si le timbre des cordes du violoniste peut sembler déséquilibré avec des harmoniques qui sonnent avec trop de présence, l’instrumentiste fait néanmoins sentir des intentions d’où se dégage une véritable poésie, comme lors d’une froide soirée d’hiver. Rejoint ensuite par Tiko, cette poésie prend encore une autre dimension. Un peu plus tard, Tiko profite d’un temps pour faire une démonstration en solo de son art, impressionnant par les multiples sonorités dont il est capable avec sa bouche, comme des chants d’oiseaux ou du vent ou d’autres sons aux aspects électroniques et même chanter… tout en gardant une rythmique régulière et cohérente. Souvent l’on pourrait croire à ce qu’il y ait plusieurs musiciens. Une rencontre insolite qui fonctionne étonnamment très bien et qui a su, non seulement convaincre, enchanter le public !

Ces deux concerts sont à retrouver jusqu’au 20 septembre 2022 sur Culturebox – France Télévisions en cliquant sur les liens : FugaCités #1 et FugaCités #2.



Publié le 24 sept. 2021 par Emmanuel Deroeux