Symphonie n° 25 - Mozart

Symphonie n° 25 - Mozart ©
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Les belles couleurs de la jeunesse

Le Centre culturel de rencontre d’Ambronay apprécie toujours collaborer avec l’Auditorium-Orchestre national de Lyon pour inviter, dans la grande salle de l’Auditorium Maurice Ravel, les plus prestigieux orchestres. Ce soir, le charismatique jeune chef Jérémie Rhorer et son Cercle de l’Harmonie sont à l’honneur, avec un programme d’œuvres composées alors que leurs auteurs étaient à peine sortis de l’adolescence.

En ouverture de concert, l’orchestre débute par Les Hébrides (La Grotte de Fingal) de Felix Mendelssohn (1809-1847). A vingt ans, le jeune musicien voyagea à travers l’Europe pour approfondir sa formation musicale. Après avoir commencé par Londres, il monte jusqu’en Écosse qui l’impressionne. L’archipel des Hébrides, au Sud de la Mer d’Écosse, lui fait découvrir la grandiose grotte de Fingal, sur l’île de Staffa. Il ne lui en faut pas davantage pour lui inspirer un petit poème symphonique, aux effets orchestraux très évocateurs, créé à Londres le 6 juin 1832. Sous la direction assurée et active de Jérémie Rhorer, Le Cercle de l’Harmonie réussit magnifiquement à reproduire les couleurs pastelles de ce paysage assurément romantique, particulièrement les cordes. Le public ressent ainsi les émotions touchantes que le jeune Mendelssohn a ressenties à la vue de ce lieu, sauvage et mystérieux, dont les eaux bercent ou déferlent selon les humeurs des vagues.

En 1773, cinquante ans avant la création des Hébrides, Wolfgang Mozart (1756-1791) venait à peine de fêter ses 18 ans lorsqu’il compose sa 25ème Symphonie. Parmi les deux seules symphonies en mode mineur, ce sera sa première – surnommée « la petite » pour la différencier de sa plus célèbre Symphonie n°40 (1788). Elle n’a de petite que le surnom, le génie de Mozart s’y révélant déjà avec une grande maîtrise et une belle inventivité. Dès le premier mouvement Allegro con brio, la nervosité des cordes du Cercle de l’Harmonie donne toute l’aspect tragique des syncopes du premier thème. Toutefois, les violons se montrent ici bien moins excellents que lors du début de soirée : les différentes places d’archets manifestent un travail moins rigoureux, les quelques contre-archets de différents instrumentistes confirment ce manque d’assurance. Heureusement, le son n’en souffre aucunement, le professionnalisme des musiciens aidant assurément à maquiller les petites imperfections individuelles. Ainsi, Jérémie Rhorer est fort de constantes propositions de couleurs et de phrasés légers et fluides. Ceux-ci sont néanmoins plus difficiles à comprendre dans le mouvement Andante, sans doute volontairement un peu statique afin de mettre en valeur les différents timbres de l’orchestre. Les instruments, alors à découvert, semblent parfois être comme sur des œufs, avec notamment une justesse parfois difficile, notamment le duo des bassons toujours lors d’un même passage – l’interprétation sur instruments d’époque est particulièrement difficile lorsqu’il faut rechercher une couleur très particulière, surtout pour les vents ; en cela, le travail des instrumentistes reste remarquable.

La deuxième partie de soirée met à l’honneur une œuvre de Georges Bizet (1838-1875), dont on connaît mal son œuvre symphonique. La découverte que nous propose Jérémie Rhorer montre que l’on en a bien tort. Le compositeur lui-même ne croyait pas en son talent, n’ayant composé sa 1ère Symphonie qu’à la sortie du Conservatoire de Paris, en 1855, dans le seul objectif de s’exercer à l’écriture orchestrale. Il faut attendre 1935 pour que le chef d’orchestre Félix Weingartner fouille dans les archives de la bibliothèque du Conservatoire et donne en concert cette symphonie le 26 février 1935 à Bâle. A part quelques démanchés douteux des violons, le Cercle de l’Harmonie défend avec conviction cette Symphonie n°1. Le charme opère totalement lors du très joli deuxième mouvement Adagio, dans lequel l’auditeur ne peut qu’être hypnotisé par les belles arabesques des hautbois, subtilement commentés par les autres instruments à vent et parfaitement accompagnés par les pizzicati des cordes. Les violons prennent ensuite la parole pour un chant lyrique et tendre, avant un élégant fugato, sans démonstration gratuite et très transparent. Après un Scherzo, paraissant certes moins abouti mais assurément inspiré par le style beethovénien par ses contrastes et son traitement mélodique, l’ensemble s’élance dans le frémissant mouvement final Allegro vivace. L’aspect quasi opératique et bon vivant de la musique rappelle en filigrane l’esprit de Rossini. La précision et l’investissement du chef réussit totalement à convaincre le public qui, dès l’accord final, ne peut empêcher les bravi de fuser, comme les chaleureux applaudissements. Cédant à l’insistance du public, l’orchestre offre en bis cet irrésistible et emporté mouvement final.



Publié le 14 nov. 2018 par Emmanuel Deroeux