Les Anges musiciens - Le Mystère

Les Anges musiciens - Le Mystère © Bruno Maury
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Des anges bien inspirés

C’est au hasard d’un concert dans une petite église parisienne, la chapelle Notre-Dame des Anges, située au 102 rue de Vaugirard, que nous découvrons le jeune ensemble Le Mystère. Un lieu on ne peut mieux adapté à un programme intitulé Les Anges musiciens, et dont l’éclectisme n’avait pas manqué d’attirer notre attention, mêlant chants occitans de Nicolas Saboly, un air de cour français de Jean de Cambefort, des pièces sacrées et profanes italiennes du XVIIème siècle et des extraits du répertoire allemand des XVII et XVIIIèmes siècles !

D’emblée, le chant de Saboly évoquant le cheminement des rois mages – tout à fait de saison en ce début janvier ! - apporte sa note de fraîcheur et de ferveur populaire, rythmée par le tambourin manié avec dextérité par Steve Bergeron. Dans l’extrait du Ballet de la Nuit qui suit, la mezzo Marie Poupardin manifeste la noblesse de son phrasé, appuyé sur une diction ferme et précise. Retour au répertoire occitan, toujours appuyé d’un tambourin et de la flûte piccolo de Quentin Fondecave avec l’entraînant Guihaume, Toni, Pèire conscré à la Nativité. L’orgue positif, conduit par Steve Bergeron, entre en scène pour accompagner les échanges du Gloria in altissimis Deo de Chiara Cozzolani, relevés ponctuellement par la flûte à bec de Quentin Fondecave. Les dialogues, qui mobilisent les trois chanteuses, témoignent d’un bel équilibre des voix. Un intermède instrumental, la sonate pour basson de Domenico Gabrieli, compositeur et violoncelliste né à Bologne en 1659 (à ne pas confondre avec Giovanni Gabrieli, 1557 – 1612, davantage connu, et apparemment sans lien de parenté avec ce dernier), s’intercale alors entre les parties chantées. Quentin Fondecave y montre sa maîtrise de l’instrument, et répond par de longues notes parfaitement tenues à l’orgue, avant un final rapide empreint de virtuosité.

Dernier retour sur un chant de Noël de Saboly (Pastres dei mountagno) avant deux airs extrait de l’oratorio I pastori di Betteleme de Johannes Hieronymus Kapsberger. Le récit des Anges Felici voi mortali mobilise tour à tour Alexia Vliegen, Marie Poupardin puis Bénédicte Bezault dans une déclamation soignée et très expressive, tandis que le trio des Anges E Numi potente unit leurs voix, au son de l’orgue et du basson. La courte Sonata terza per flauto de Giovanni Battista Fontana offre à Quentin Fondecave une autre occasion de démontrer sa dextérité, en particulier dans l’étourdissante avalanche de notes du Prestissimo final. Tout l’ensemble se mobilise à nouveau pour la berceuse Dormi figlio de Kapsberger, qui conclut la première partie de ce programme sous de chaleureux applaudissements.


Carle van Loo - L’Adoration des Anges, 1750 - Musée des Beaux-Arts de Brest

A la reprise Quentin Fondecave accueille le public par une présentation des instruments utilisés. Il évoque les sons produits par les différentes modèles de flûtes et son basson mais aussi quelques aspects techniques des instruments, dans des termes clairs et aisément compréhensibles par le public. Soulignons la pertinence de cette démarche, insuffisamment répandue à notre goût, qui permet au musicien de nous parler de son instrument, et au public de dépasser la simple appréciation sonore pour enrichir ses connaissances musicales en vue des prochains concerts.

La seconde partie, consacrée au répertoire allemand, s’ouvre sur un récit de Heinrich Schütz (Eile, mich, Gott, zu erretten), dans lequel Marie Poupardin témoigne d’une forte expressivité, à la fois vocale et gestuelle, et d’une diction ferme et précise dans la langue de Goethe. Dans l’aria Flößt, mein Heiland de Jean-Sébastien Bach, Alexia Vliegen manifeste également un fort engagement, et nous gratifie de suaves ornements, tandis que la flûte à bec de Quentin Fondecave sonne avec la grâce aérienne d’un traverso. Marie Poupardin et Bénédicte Bezault nous entraînent ensuite dans le duo Wir eilen mit schwachen (extrait de la cantate BWV 78), dont la partie de basson mobilise une longueur de souffle impressionnante. Ce duo est encadré par deux mouvements de la sonate BWV 259, dans lesquels l’orgue et la flûte à bec se livrent à des échanges serrés.

Pour l’arioso Mein Heiland de la Brockes Passion de Georg PhilippTelemann, Le Mystère adopte une formation différente, qui témoigne de la polyvalence de ses artistes : Bénédicte Bezault et Alexia Vliegen (respectivement au violon et à la viole de gambe) viennent en effet renforcer Steve Bergeron et Quentin Fondecave dans la partie instrumentale, tandis que Marie Poupardin assure le chant. Après un nouvel extrait d’une cantate de Bach, le concert s’achève sur le Per noun langui de Saboly, à l’entraînant refrain (Canten Noé noé noé – Chantons Noël). Cette fois Steve Bergeron et Quentin Fondecave abandonnent leur instrument pour rejoindre les trois chanteuses, dans un ensemble a cappella salué par un public enthousiaste. Rappelé par de chaleureux applaudissements, le jeune ensemble offrira une reprise de ce dernier chant.

Saluons encore une fois le programme original de ce jeune ensemble, qui propose aussi trois autres programmes : Airs à boire, consacrées aux chansons festives à la mode au début du XVIIIème siècle ; Oenone ou l’Amour trahi, une cantate inédite de Jean-Baptiste Morin (1677 – 1745) et un Trio de flûtes (voir la page Facebook de l’ensemble Le Mystère).



Publié le 22 janv. 2023 par Bruno Maury