Arcadia - Concerto di Margherita

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Harmonies vocales et instrumentales

L’Arcadie, lieu idyllique où tous vivent en harmonie avec la Nature et le Cosmos entier, a souvent inspiré les artistes du Baroque, notamment les italiens. Le Pastor fido du poète Giovanni Battista Guarini fut même une source d’inspiration importante pour nombre de compositeurs italiens de la fin du XVIe siècle. Ce thème, en parfait accord avec celui de la 39ème édition du Festival d’Ambronay Vibrations : Cosmos, est l’occasion pour le jeune Concerto di Margherita de présenter un programme autour de ces compositeurs auxquels ils consacrent leur travail d’interprétation. Fondé en 2014 et accompagné depuis deux ans par le programme européen eeemerging, dont le Centre culturel de rencontre d’Ambronay est co-organisateur, l’ensemble a à cœur la pratique historique du chant auto-accompagné.

C’est depuis le fond de la salle Monteverdi, en plein cœur de l’abbaye d’Ambronay, qu’apparaît d’abord le théorbe qui, tout en jouant, vient se placer sur scène. Les quatre autres musiciens le rejoignent par entrées successives dans une improvisation sur La Gazella, mélodie d’un auteur anonyme. Ils enchaînent avec naturel avec une sérénade des hommes, Veri diletti (Vrais plaisirs) de Giovanni Girolamo Kapsberger (1580-1651), à laquelle répondent les trois femmes, qui entremêlent leurs voix dans Aure Volanti de Francesca Caccini (1587-1641). Tous cinq se retrouvent alors dans l’interprétation insouciante d’Occhi belli, occhi sereni (Beaux yeux, calmes yeux) de Sigismondo d’India (1582-1692). Le public est témoin de l’indéniable plaisir de l’ensemble à chanter tout en s’accompagnant, produisant ainsi un agréable aperçu des pratiques musicales dans les campagnes ensoleillée et vivantes de l’Italie du XVIIe siècle.

Après l’apaisant Lumi miei, cari lumi de Claudio Monteverdi (1567-1643), dans lequel l’auditeur est bercé par les différentes entrées en imitations, les instruments laissent place aux voix, presque a capella, accompagnées discrètement par le seul luth, avec O primavera gioventù dell’anno de Giaches de Wert (1535-1596). La finesse du contrepoint de ce madrigal créé de très plaisantes harmonies valorisées par la complicité et l’écoute de chacun des membres du Concerto di Margherita. C’est également le cas dans les jolis madrigaux du même compositeur, E s’altri non m’inganna et O lungamente sospirato.

L’ensemble modifie sans cesse son effectif et ses dispositions, selon les œuvres, créant ainsi un rythme constant. Outre leurs regards entre eux et vers le public, le concert est agrémenté parfois de modestes mais suffisantes mises en scène, par exemple lors du triste et à la fois réconfortant Queste lagrime amare de Giulio Caccini (1551-1618). Quelques rares pièces sont interprétées sans accompagnement instrumental, tel E s’altri non m’inganna de Wert ou Amorosi miei sol de Sigismondo d’India (1582-1692), où l’ensemble démontre particulièrement son travail soigné d’une direction musicale commune.

Chaque musicien-chanteur a toutefois l’occasion de s’exprimer en soliste. S’accompagnant du théorbe, Ricardo Leitão Pedro interprète seul Amarilli, mia bella (Amarilli, ma belle) de Caccini. Si sa voix souffre parfois d’un peu de manque d’assurance et de justesse, son interprétation ne manque pas de sincérité. De sa voix de baryton chaleureuse, Rui Stähelin et son théorbe interprètent le sombre Donna siam’ rei di morte de Girolamo Frescobaldi (1583-1643). Dans Cara mia cetra d’India, la harpiste Tanja Vogrin fait entendre une technique vocale assurée, maîtrisant ses intentions et les couleurs de son timbre de soprano. Son sens du phrasé est évidemment parfaitement accompagné par elle-même. Bien que participant aux ensembles vocaux, Francesca Benetti préfère s’exprimer seulement avec son théorbe, captivant et berçant dans le même temps le public par la basse obstinée de la Passacaglia de Kapsberger. La violiste Giovanna Baviera ne manque d’impressionner, prenant un beau soin des vocalises de Queste lagrime amare de Caccini, tout en s’accompagnant de son instrument, avec mélodies en double cordes et agrémentées d’accords.

Le programme se termine par le joyeux et dansant Cieco Amor de Giovanni Giacomo Gastoldi (1554-1609). Encouragé par le public, le Concerto di Margherita offre en bis la Canzona Corilla danzando de Frescobaldi, le laissant repartir sur une note encore plus festive, à l’image des fêtes qui, sans aucun doute, rythment avec bonheur la vie arcadienne.



Publié le 17 sept. 2018 par Emmanuel Deroeux