Teresa Paz & Ars Longa

Teresa Paz & Ars Longa ©Arsenal Metz
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Lumières de Noël dans les Caraïbes
Un concert aux multiples surprises…

Le concert proposé ce soir par l’Arsenal de Metz est une production des Rencontres Musicales de Saint-Ulrich, organisée dans le cadre de l’opération départementale « Noëls de Moselle » en 2015, en partenariat avec Moselle Arts Vivants et le Couvent de Saint Ulrich (Sarrebourg – 57). En cette fin d’année, les Noëls de Moselle offrent aux Lorrains les lumières chatoyantes des Caraïbes, en conviant l’Ensemble Ars Longa de La Havane (République de Cuba). Ce faisant, ils déposent au pied du sapin illuminé une invitation à un magnifique et lointain voyage.
L’ensemble Ars Longa a été créé en 1994 par Teresa Paz et Aland López. Depuis 1995, il est attaché à l’Oficina del Historiador de la Ciudad de La Habana, organisme chargé du sauvetage et de la restauration du patrimoine de la capitale cubaine. L’ensemble est formé de musiciens diplômés des conservatoires de musique de La Havane et de l’Institut Supérieur des Arts. Ces artistes à part entière ne cessent d’étudier, de rechercher avec passion la parfaite interprétation d’œuvres couvrant différentes époques et styles, depuis le Moyen Age jusqu’à la musique baroque. Cet amour noble et sincère, qui anime ces musiciens, se ressentira tout au long de ce dépaysant concert.
Le programme de ce soir mêlant musique et danse, est consacré aux traditions musicales des esclaves noirs dans les Caraïbes et plus largement dans l’Amérique Latine coloniale. L’objectif poursuivi n’est pas d’imiter et de restituer la voix, le son de la culture africaine, mais plutôt de reconstituer ses résonances rythmées et colorées. Divers poètes et compositeurs venant d’Espagne – Luis Gargallo, Antonio de Salazar, Santiago de Murcia, Gaspar Sanz –, d’Italie pour Mateo Tolis de la Rocca, du Mexique avec Sœur Juana Ines de la Cruz, ou bien encore du Portugal pour le père Fray Felipe de la Madre de Dios se sont emparés des sonorités indigènes et africaines pour composer des « négrillas » ou « villancicos de nègres », objet de ce concert. Ces compositeurs ont en quelque sorte incorporé la culture orale africaine dans les sociétés hispaniques et portugaises, où les poèmes et la musique sont de tradition écrite.
Teresa Paz, à la tête de son ensemble cubain, fait revivre les coutumes enfouies en invitant l’auditoire à un concert aux multiples surprises. La première d’entre elles est l’arrivée chantante des artistes par le milieu de la salle, rompant ainsi avec la traditionnelle et sobre entrée de scène. Le dynamisme accompagné d’une gaité teintée de folie tropicale s’empare du cœur de chaque spectateur : le soleil envahit la salle aux teintes dorées.
Lors du premier morceau interprété, le villancico pour Noël à 5 Como tienen los morenos”, de Mateo Tolis de la Rocca, l’ensemble montre son homogénéité vocale et instrumentale sur un rythme allègre. Sa aqui turo zente plenta, un negrilla à 8 permet au baryton Ahmed Gómez Perez de révéler un timbre de velours agrémenté d’une expressivité aux couleurs chaudes. Yunie Gainza, à la voix fine, déclame un poème de Luis Gargallo rendant hommage aux Rois mages. Dans Antoniya, flaciquiya Gacipa du père Felipe de la Madre de Dios, Yunie Gainza affiche sa tessiture naturelle de contreténor aux élégants aigus.
Une seconde surprise survient lorsque les deux chanteuses invitent des spectateurs à danser. Ceux-ci s’élancent sur la piste dans d’ennivrants tourbillons. En plus de se montrer des danseuses hors pair, leurs voix sont tout autant fascinantes. La soprano Teresa Paz jouit d’une voix légère et bien placée qui se projette aisément, et comble ainsi la paire d’oreilles la plus éloignée. Sa consœur Liset Chig à la voix d’alto forme à la perfection des voyelles appuyées sur de solides consomnes, donnant ainsi force à son articulation. Si la partie vocale a été assurée avec brio, les instrumentistes ont fait preuve d’une excellente et remarquable interprétation musicale aux couleurs des contrées d’Amérique latine. Aland López se lance à la guitare baroque dans un sublime solo sur Cumbées de Santiago de Murcia.
La passion a été le fil conducteur du concert. Ce sentiment vif, permanent et intense a été ressenti par l’auditoire, qui a réservé une chaleureuse ovation à ces artistes complets. En guise de remerciements et de dernière surprise, ils ont offert généreusement trois morceaux lors des rappels.

Publié le 26 déc. 2015 par Jean-Stéphane SOURD-DURAND